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Mécano-sensation

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2.2 Réponses cellulaires à la rigidité du substrat

2.3.1 Mécano-sensation

Une cellule peut sentir son environnement chimique et physique, intégrer et analyser ces signaux et y ré- pondre en changeant sa morphologie, sa dynamique, son comportement voire même sa destinée. La mé- cano-sensation est le processus par lequel une cellule sonde et perçoit les signaux mécaniques de son envi- ronnement (Jansen, Donato et al. 2015). C’est un processus qui existe chez presque toutes les types cellu- laires, des procaryotes aux organismes multicellulaires (Geiger, Spatz et al. 2009). Les cellules peuvent ré- pondre à ce qu’elles ressentent localement (en réorganisant directement les sites d’adhérence) ou plus globalement (en activant les voies de signalisation régulant des processus comme la croissance cellulaire, la différentiation ou l’apoptose).

Ce processus de mécano-sensation implique l’environnement extracellulaire, généralement la matrice ex- tracellulaire (ECM), le cytosquelette (CSK) et les protéines transmembranaires qui font le lien entre les deux, les intégrines. Comme indiqué précédemment (1.2), l’ECM est principalement composée d’eau, de protéines et de polysaccharides. En plus de fournir un support physique aux cellules, elle participe à l’établissement, la séparation et au maintien des différents tissus et organes tout en agissant comme réser- voirs de facteurs de croissances et cytokines. Sa rigidité varie en fonction des différents tissus. Le CSK est un réseau interconnecté de polymères filamenteux et de protéines régulatrices permettant aux cellules de résister à la déformation, de transporter des cargos intracellulaires ainsi que de changer de morphologie durant la migration. Les intégrines jouent un rôle clé dans la mécano-sensation et, par la suite, la mécano- transduction. Elles agissent à la fois comme mécano-transducteurs, transmetteurs de forces aux éléments intracellulaires ou encore comme intermédiaires de voies de signalisation initiées par d’autres éléments (Ross, Coon et al. 2013). Les complexes protéiques formés par l’activation des intégrines, les adhésomes, jouent également un rôle important dans la mécano-sensation.

2.3.1.1 Intégrines

Les intégrines sont une famille de protéines transmembranaire disposant d’un long domaine extracellulaire et d’un court domaine cytoplasmique. Ces protéines sont des récepteurs qui lient une grande majorité des protéines de la matrice extracellulaire (ECM) via des domaines spécifiques comme le motif RGD ou le motif LDV. Les intégrines sont qualifiées de récepteurs bidirectionnels, car elles sont capables de transmettre des signaux de l’environnement cellulaire vers la cellule et inversement. Elles doivent leur nom au fait qu’elles intègrent la cellule dans son environnement. Les intégrines ne sont pas présentes chez les procaryotes, les plantes ou les champignons, mais sont retrouvées chez tous les métazoaires même les plus simples comme les éponges ou les cnidaires (Hynes 2002). Les intégrines sont des héterodimères, qui ne sont pas liés de manière covalente, composés de sous-unités α (18 types différents) et β (8 types). Chez l’humain, 24 couples d’intégrines ont été identifiés (Hynes 2002, Miranti and Brugge 2002, Humphries, Byron et al. 2006,

Jansen, Donato et al. 2015). Certaines de ces sous-unités sont très répétées : αV est ainsi présente dans 5 couples d’intégrines et β1 dans 12 couples. Une partie de ces intégrines reconnaissent spécifiquement les séquences RGD, d’autres les motifs LDV, certaines ont des affinités pour les laminines (Humphries, Byron et al. 2006). Une classe particulière d’intégrines reconnaît spécifiquement les leucocytes (Figure 2-6). L’intégrine αVβ3 reconnait et lie de manière spécifique les motifs RGD présents sur les vitronectines, fibro- nectines et les fibrinogènes de l’environnement cellulaire (Humphries, Byron et al. 2006, Jansen, Donato et al. 2015).

Figure 2-6|Structure et famille des intégrines. Les intégrines sont des hétérodimères transmembranaires disposant d’un long

domaine cytoplasmique se liant avec les protéines de la matrice extracellulaire et un court domaine cytoplasmique faisant la liaison avec le cytosquelette et un certain nombre de molécules associées aux différentes voies de signalisation activées par les intégrines (a.). Chez l’humain, 24 couples d’intégrines ont été identifiés ; ils lient des domaines spécifiques de protéines de l’ECM comme le collagène, les lamines et les séquences RGD présents sur les fibronectines etc. Certaines intégrines, les β2 reconnaissent des do- maines spécifiques des leucocytes (b.). Adaptée de (Hynes 2002).

Découvertes il y a près de 30 ans par Hynes, les intégrines jouent de nombreux rôles clés dans la modula- tion de l’adhésion cellulaire et des mécanismes qui en découlent (Hynes 2002). Leur découverte a définiti- vement révolutionné la vision que les biologistes avaient de l’environnement cellulaire et plus particulière- ment de l’ECM (Hynes 2004). Les intégrines font également le lien mécanique entre l’environnement cellu- laire et le cytosquelette. De ce fait, elles sont impliquées dans tous les processus impliquant des forces (Ross, Coon et al. 2013). Elles activent également de nombreuses voies de signalisation intracellulaires. Très étudiées, avec plus de 1 000 papiers par an (Hynes 2002), les intégrines jouent non seulement un rôle clé dans la mécano-sensation, mais aussi au cours du développement, dans la réponse immunitaire, le cancer, etc. Enfin, elles recrutent plus de 150 protéines au niveau de leur domaine cytoplasmique pour former l’adhésome.

2.3.1.2 Adhésome

La perception de signaux physiques parvenant de la matrice extracellulaire, nommé mécano-sensation, par l’intermédiaire des intégrines se propagent vers l’intérieur de la cellule aux sites d’adhérence, les adhé- somes. Les adhésomes déclenchent en cascade l’activation de nombreuses voies de signalisation intracellu- laires (Geiger, Spatz et al. 2009, Schiller and Fässler 2013, Winograd-Katz, Fässler et al. 2014). L’adhésome, est un complexe multiprotéique qui permet la connexion physique entre les intégrines et les molécules du cytosquelette (Geiger, Spatz et al. 2009). Il est composé d’environ 232 protéines parmi lesquelles 148 sont des composants intrinsèques et 84 sont liées de manière transitoire au site d’adhérence. Certaines de ces protéines sont impliquées dans la structure de l’adhésome et participent à la connexion physique des do- maines cytoplasmiques des intégrines au cytosquelette d’actine. C’est, par exemple, le cas des protéines de liaison à l’actine, des protéines associées à l’actine, ou encore des protéines adaptatrices… D’autres sont impliquées dans les voies de signalisation liées à l’attachement cellulaire comme les kinases ou les phos-

phatases, etc. (Winograd-Katz, Fässler et al. 2014). L’ensemble des protéines de l’adhésome (Figure 2-7) effectue entre elles plus de 700 interactions (Geiger, Spatz et al. 2009).

Figure 2-7|Interactions et composants de l’adhésome. Ce complexe multiprotéique est composé d’environ 232 protéines parmi

lesquelles 148 sont des composants intrinsèques et 84 sont liées de manière transitoire au site d’adhérence. Ces protéines effec- tuent entre elles près de 700 interactions d’activation (flèche rouge), de liaison (trait noir) ou encore d’inhibition (flèche bleue). Adaptée de (Geiger, Spatz et al. 2009)

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