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Ménager les agents : la victoire de la logique de compensation

Chapitre 3. Le smartphone comme instrument de la relation de service ?

4/ Ménager les agents : la victoire de la logique de compensation

Lors de la reprise du projet en 2016, les équipes de Transilien ont à nouveau été confrontées au problème de la définition des voyageurs concernés par l’application. Cette fois-ci, ce n’est pas la question des abus qui était motrice, mais une injonction qui consistait à autoriser l’utilisation de l’application à l’ensemble des voyageurs, sans condition. Portée par la direction dans la renégociation du contrat avec le STIF, cette proposition a séduit l’autorité régulatrice, allant dans le même sens que les politiques de modernisation qu’elle promouvait :

« Il y a eu une négociation dans le contrat, qui n’était pas chez moi mais dont je crois avoir quelques infos, qui était de dire, « il faut absolument qu’on arrive à consolider la lisibilité des services offerts en gare ». Et, suite aux échanges avec la SNCF, il y avait un constat que les agents derrière leur guichet, c’est bien, mais une partie de la journée ils ne servent à rien, parce qu’il n’y a pas grand monde, peu de demandes, et par contre il y a des pics de sursollicitation absolument monstrueux notamment en cas de perturbation, et là ils servent plutôt de punching ball. Et donc il y avait aussi une question : comment, cet agent en gare, il peut être mieux positionné, faire du service plus personnalisé ? C’est plus dans une acception un peu élargie que ce truc-là est apparu que comme une stratégie spécifique sur la question de l’accessibilité, avec une proposition de la SNCF qui a été très appréciée du STIF je pense, qui est de dire il faut faire sortir le guichetier traditionnel de son poste pour qu’il aille auprès des voyageurs, qu’il propose un certain nombre d’informations, qui soit plus en guidage, en conseil, plutôt que de rester comme ça de façon statique. Parfois ça a du sens, mais, on va automatiser de toute façon un tas de trucs, on le voit sur SNCF national, produire un ticket c’est un truc relativement simple. »

Aurélien, Chef du pôle Informations Transport, STIF, entretien du 17 mars 2017.

Nous comprenons donc que dans le cadre de la renégociation du contrat avec le STIF, l’autorité organisatrice des transports d’Île-de-France, SNCF Transilien a élargi la perspective de l’application, délaissant le projet initial d’accessibilité, pour donner pleinement à l’application la perspective d’une amélioration de la qualité de service16. Néanmoins, cette

16 Vanlair souligne le rôle moteur des négociations de contrat avec le STIF dans les projets

d’amélioration de la qualité de service, et, en 2013, dans la dotation des smartphones aux agents. Un des responsables Transilien interrogés affirme ainsi : « On a un contrat important avec eux [le STIF] qui comprend 25 millions d’euros de bonus/malus dont 4,5 millions sont en jeu au niveau de la qualité de service. » (Vanlair, 2013 p. 20).

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possibilité d’ouverture était déjà présente en creux dans le discours prononcé par Bénédicte, la directrice de Transilien, à l’occasion de la remise des prix du hackathon. Celle-ci présentait clairement l’application comme un instrument profitant à la politique de modernisation de l’entreprise, donnant à la relation de service une place centrale dans les missions des agents :

« On a du personnel à Transilien qui ne demande qu’à être dans la relation et dans l’utilité, et si on l’aide, ça va marcher. […] C’est outil qui peut être démultiplié, c’est-à-dire que non seulement ça va aider certains types de handicap bien sûr, mais on voit que ça va aussi aider tous ceux qui sont à la recherche d’un agent et qui ont une problématique particulière et qui sont un peu isolés dans la foule. Et notre métier à Transilien, c’est qu’on a des foules gigantesques, trois millions de voyageurs par jour, et il faut qu’on s’occupe de chacun dans la foule et le passage de la foule à l’individu c’est un truc très compliqué, et [que] vous nous aidez à résoudre à travers cette proposition. »

Bénédicte Tilloy, directrice de Transilien, discours de remise des prix du Hackathon, 17 novembre 2013.

Les discours d’Aurélien et de Bénédicte Tilloy, cités précédemment, rappellent les objectifs des grands projets de modernisation du service public (Gadrey, 1994, Jeannot, 1998), dont la mise en œuvre dans le domaine des transports depuis la fin des années 1980 a notamment été étudiée et accompagnée17 par le sociologue Isaac Joseph (Joseph, 1988, 1999, 2004). Il s’agit

d’une modernisation organisationnelle dans laquelle les missions des agents ont été progressivement redéfinies pour donner une place toujours plus importante à la relation de service, accordant une attention centrale aux usagers (Weller, 2010). Suite à des expérimentations réalisées dans les années 1990 à l’occasion d’événements de grande affluence tels que la Coupe du Monde de football de 1998 (pour la RATP) et les jours de grand départ (pour la SNCF) (Joseph, 1999), les agents ont progressivement été sommés de sortir de « l’enclave du guichet » (Joseph, 1988) pour aller au-devant des clients, dans l’espace de la gare, se montrer disponibles aux sollicitations. Cette redéfinition du rôle de l’agent vers une position plus mobile et plus exposée est toujours en cours, comme en témoigne les injonctions du STIF à augmenter la qualité de service, c’est-à-dire, la disponibilité des agents en gare. La relative lenteur de mise en place de ces préoconisations s’explique en partie par la différence des compétences mobilisées dans ce régime d’activité. Comme le souligne Isaac Joseph dans

17 Isaac Joseph a non seulement été observateur mais aussi préconisateur de ces transformations, en

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l’étude des dispositifs événementiels, ce ne sont pas des agents statutaires qui prennent ces fonctions mais des jeunes salariés pour des contrats de courte durée. Ils sont formés spécifiquement dans cette optique et n’ont pas les mêmes routines que les agents statutaires. Ceux-ci tendent à dévaloriser l’offre d’un service mobile, la considérant secondaire vis-à-vis de la production-voyageur ou de la gestion des « vrais incidents » (qui sont davantage mécaniques que liés à des problèmes d’orientation) (Joseph, 1999). Savoir sortir du guichet, se déplacer lentement face au flux, différencier les voyageurs habituels des voyageurs occasionnels, aborder un usager sans se montrer invasif, mettre en scène sa propre disponibilité sont autant de compétences particulières qui ne font pas naturellement partie de l’ethos de l’agent statutaire. On peut émettre l’hypothèse que, si les agents sont réticents à sortir du guichet pour aller au client, le smartphone peut être envisagé par la direction de Transilien comme un instrument qui permettra au client d’aller à eux, ou en tout cas de les faire venir à lui.

Ce rôle de l’application a occasionné une âpre négociation entre les cadres supérieurs de l’entreprise. Cette négociation était notamment menée par Marianne, Responsable de la division Expérience Client, qui était en charge de la renaissance de l’application qui a été livrée en janvier 2018 sous le nom d’Andilien (j’utiliserai dorénavant ce nom, pour la différencier d’Hackcess Angels). Au nom des conditions de travail des agents, Marianne a défendu auprès de sa direction une sélection plus drastique des utilisateurs de l’application, dans la perspective d’en faire un service continu avec Accès Plus Transilien, c’est-à-dire soumis aux mêmes procédures d’utilisation : être titulaire d’une carte administrative d’invalidité à 80 % ou se déplacer en fauteuil roulant. L’extrait d’entretien suivant témoigne du caractère laborieux de cette négociation avec la direction.

« Marianne, Responsable de la division Expérience client : Un des éléments majeurs aussi qui fait qu’on avait mis le holà sur Hackcess Angels, en fait, c’est très pertinent, c’est super ce truc, et du coup, c’est tellement bien qu’on nous a dit : « mais pourquoi le réserver qu’aux handicapés ? Il faut le mettre à la disposition de tous ! » Donc, là, vous comprenez bien qu’on est sur autre

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chose, potentiellement, il nous avait été demandé de travailler le sujet en disant, potentiellement, il faut que tout le monde puisse contacter l’agent. Moi : Mais qui a demandé ça ?

Marianne : Ben il y a eu pas mal de discussion, un peu tout le monde … Moi : C’était à l’intérieur ?

Marianne : Oui voilà, c’est ça, en disant, c’est super ce truc, c’est l’occasion de mettre en contact nos clients et nos agents, sauf qu’en fait c’est complètement, là ça devient … donc c’est pour ça qu’on avait …

Moi : Pour les agents c’est … , Marianne : … n’importe quoi. Moi : C’est un autre métier quoi.

Marianne : Ça devient n’importe quoi, ils sont appelés tout le temps. Comment faire la différence entre une véritable assistance et une plaisanterie ? Du coup on a obtenu, mais il n’y a pas si longtemps que ça, parce qu’on nous a reposé la question en disant « on veut que ce soit un outil de mise en relation agent-client », on nous a reparlé de ça comme ça il y a encore … le directeur des services … et donc là on a réussi à acter, mais il y a deux semaines, que ce n’était et ce ne serait qu’un projet dédié aux handicapés. Ce ne doit être qu’un outil de relation agent-handicapé et uniquement. […] Ça, c’est ce qu’on a réussi à acter, c’est dingue. »

Entretien avec Marianne, Responsable de la division Expérience client, 29 février 2016.

Selon Marianne, le régime de disponibilité ne peut être conciliable avec l’utilisation d’une application pour faire sortir les agents du guichet pour répondre aux demandes de n’importe quels clients. Cette organisation ne pourrait fonctionner que dans un contexte dans lequel les clients pertinents auraient auparavant été sélectionnés en fonction de leur vulnérabilité dans le système de transport. Elle a donc proposé de réintroduire dans le fonctionnement de l’application les critères juridico-administratifs de définition du handicap qui était en vigueur dans Accès Plus Transilien.

La renaissance de l’application Andilien n’a pas seulement donné lieu à une restriction des utilisateurs par rapport à l’ambition universelle d’Hackcess Angels. C’est aussi son cadre d’utilisation qui a été redessiné. Plutôt que d’en faire une application d’alerte, fonctionnant

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parallèlement au service Accès Plus Transilien, les responsables de Transilien ont décidé d’en faire une application d’accueil des personnes à mobilité réduite, qui viendrait répondre aux critiques formulées à l’attention du service existant. La promesse d’Andilien, c’était d’éviter aux personnes à mobilité réduite le fastidieux processus de réservation des trains : il s’agissait alors de permettre aux voyageurs handicapés d’être pris en charge dans le service Accès Plus Transilien tout en se présentant spontanément en gare, sur une tranche horaire donnée (de 6h30 à 22h). Pendant cette plage horaire, le voyageur était dorénavant libre de se signaler à l’entrée de la gare pour être acheminé à l’accueil. Cette inscription de l’application de mise en relation Andilien dans le service Accès Plus Transilien devait donner à l’agent des ressources pour faire face à certaines situations pour lesquelles il n’avait pas de prises, telles que le dysfonctionnement d’un ascenseur. Dans un tel cas, l’agent pourrait contacter un service de taxi prenant en charge la personne à mobilité réduite entre les deux gares. D’une certaine manière, l’application Andilien vient adoucir la logique de compensation en donnant une plus grande fluidité au parcours des personnes handicapées.

« On va leur faciliter la prise en charge en parallèle des PMR [Personnes à Mobilité Réduite]. C’est-à-dire qu’ils ne vont plus être obligés … ce qui est très lourd pour les agents aujourd’hui, c’est que, quand une PMR arrive dans une gare, en spontanée, l’agent, avant de pouvoir mettre cette PMR dans un train, il faut que l’agent appelle Accès Plus Transilien pour dire « je voudrais mettre cette personne dans tel train, à telle heure, etc. ». Et donc là Accès Plus Transilien dit « ok, je reviens vers vous » et Accès Plus Transilien est en charge de joindre la gare d’arrivée pour valider et donc il y a trois appels, ce qui est d’une lourdeur, c’est inimaginable. … et tout en faisant ça, ils [les agents] ont quand même le client en face d’eux. Ce qui est ingérable. Donc on va les outiller pour leur permettre d’enregistrer une PMR et de valider quasiment en simultanée la prise en charge d’une PMR et le fait qu’elle soit mise en dans un train. On va grandement faciliter la prise en charge pour les agents, aujourd’hui c’est une usine à gaz pour les agents. »

Marianne, Responsable de la division Expérience client, entretien du 29 février 2016.

En transformant l’infrastructure du service de mobilité pour les voyageurs handicapés, les responsables entendaient « faciliter le travail des agents ». Cela est passé par une transformation du rôle de la centrale d’appel qui coordonnait le départ et l’arrivée des personnes à mobilité réduite entre les gares. Son fonctionnement devait être redéfini pour « permettre d’enregistrer une PMR et de valider quasiment en simultanée la prise en charge d’une PMR et le fait qu’elle

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soit mise en dans un train », plutôt que d’échanger plusieurs appels téléphoniques. Il est notable à ce sujet que l’entreprise ait essayé ainsi de normaliser, par l’intermédiaire du smartphone, une pratique déjà existante du côté des agents. En effet, les agents racontaient déjà procéder à de nombreux arrangements vis-à-vis de la centrale d’Accès Plus Transilien en appelant directement leurs collègues dans les gares qu’ils connaissaient bien. La question la plus sensible restait cependant celle de la redéfinition des missions de l’agent par l’application. Nous l’avons vu précédemment, si les opérations liées à l’application « ne sont pas dans la description de poste »18, les responsables du projet doivent entamer des négociations avec les syndicats et les

Comités d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), ce qui est redouté dans une entreprise dans laquelle les négociations syndicales sont historiquement explosives. Mais, selon Marianne, l’application ne change pas les missions de l’agent, au contraire, elle « facilite », elle « améliore » leur travail quotidien :

« On met les CHSCT dans la boucle de ce genre de chose quand ça modifie de façon substantielle les missions. Or, ça ne modifie pas les missions de l’agent. C’est des choses que les agents sont censés faire. Là on va faciliter la mission de l’agent. On va lui faciliter la prise en charge des PMR en lui donnant le moyen de savoir qu’il y a un client handicapé qui est entré dans sa gare et qu’il doit donc lui porter assistance. Mais, normalement, ça c’est des choses qui font complètement partie, ça fait partie intégrante de ses missions. Donc il n’y a pas de modification substantielle, donc les CHSCT il n’y a pas de nécessité à les solliciter quand c’est de l’amélioration. Franchement, c’est de l’amélioration là. »

Marianne, Responsable de la division Expérience client, entretien du 29 février 2016.

Si le changement de support technologique peut faciliter le travail des agents, il faut aussi noter qu’il en change le régime d’activité. En effet, les études sur les infrastructures pointent qu’on ne peut réduire les effets d’une infrastructure à ces effets de « simplification » : « une infrastructure fait plus que de simplifier, d’accélérer le travail, ou de le rendre plus efficace ; elle change la nature profonde de ce qui est entendu par travail » (Bowker, Star, 1999, p. 108). Comme nous l’avons vu précédemment, le changement d’infrastructure ferait passer le travail du service d’accessibilité d’un régime de l’anticipation à un régime de l’alerte (Liccope, 2009). Ces transformations, en germe dans le projet avorté Hackcess Angels, sont actées dans

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l’application Andilien. Cette application constitue un compromis entre des logiques issues de l’application Accès Plus Transilien, jugées trop sensibles pour être réformées (concernant les publics d’utilisateurs et leurs droits), et des innovations technico-managériales apportées par le projet d’application Hackcess Angels (voir figure 3.7). Nous comprenons ainsi que l’application n’est pas qu’une interface qui met en relation des clients et des agents. Bien plus, l’étude de sa conception et des difficultés de son implémentation montre qu’elle réclame une transformation dans l’organisation du travail, en lien avec ce que les clients sont en droit d’attendre des agents (à savoir une assistance rapide dans un créneau horaire donné). Celle-ci confère aussi aux agents un ensemble de ressources visant à leur permettre de se coordonner pour répondre au mieux aux demandes des clients, c’est-à-dire leur offrir un service de qualité.

Accès Plus Transilien Hackcess Angels Andilien Technologie Fax, centrale téléphonique,

carnet de dépêche

Application smartphone Application smartphone

Public Titulaires d’une carte

d’invalidité à 80% ou personne en fauteuil roulant.

Situation de handicap Titulaires d’une carte d’invalidité à 80% ou personne en fauteuil roulant.

Assistance Accès au train Rupture de cheminement

Accueil et information

Temporalité Réservation 24 heures à l’avance

Spontanéité Spontanéité

Régime de travail Anticipation Disponibilité Disponibilité

Figure 3.7. Tableau récapitulatif de l’organisation sociotechnique des services étudiés.

Conclusion

Dans ce chapitre, j’ai montré comment l’intégration par Transilien des normes d’innovation provenant du monde numérique a mené à repenser de nouveaux cadres de coopération avec un jeune collectif de code, aux liens faibles, fonctionnant sur des valeurs civiques, de manière bénévole et n’ayant pas les mêmes perspectives quant au déroulement du projet. Si cette coopération s’est achevée sur un échec (le collectif de code est parti en claquant la porte), cet échec n’a pas été celui du produit, puisque celui-ci a connu une trajectoire mouvementée, il a été abandonné puis repris, mais a néanmoins fini par être développé et mis à la disposition des voyageurs. La réalisation de l’application nous montre que le collectif de code n’était pas nécessaire à son développement, que ce soit en termes de compétences techniques ou

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d’engagement, ce qui éclaire le fait que Transilien a sans difficulté pu se passer du collectif pour se tourner vers d’autres prestataires (nous verrons au chapitre suivant qu’un tel basculement n’a pas eu lieu dans d’autres collaborations, notamment celle qui liait l’opérateur à la communauté de cartographes amateurs OpenStreetMap). Nous pouvons faire l’hypothèse que le succès de l’application Hackcess Angels tient en revanche à l’ambiguïté du projet d’accessibilité par le numérique présenté au chapitre précédent : se situant entre plusieurs régimes d’engagement politico-moral et économique, le projet a pu séduire et enrôler des acteurs variés, la direction de Transilien, le Conseil Consultatif de l’Accessibilité et le STIF.

Par ailleurs, la participation des agents à l’aménagement de l’accessibilité par le numérique n’était pas acquise. Le premier chapitre laissait entrevoir un mode de production de services connectés épousant une perspective qui rappelait la modernisation technologique des systèmes de transports à l’œuvre depuis les années 1980 – opérant par la mise à disposition d’automates distributeurs de tickets pour les voyageurs (Boullier, 1996), le développement de la télébillettique (Mattern, 2011), l’automatisation des lignes de métro (Joseph, 2004). Cette histoire peut être racontée comme celle de la disparition lente des agents dans les gares, qui sont abordées essentiellement par leurs dimensions architecturales et ergonomiques (Clot- Goudart, Tillous, 2008). Le développement de l’application Andilien a au contraire mis la relation de service au cœur d’une opération de modernisation technologique. Cette réorientation invite à être sensible aux transformations dans l’équipement technologique des agents, élément central des modalités par lesquelles ils sont amenés à être au service des voyageurs.

Enfin, nous avons vu que l’aménagement de l’accessibilité comme confort cognitif du voyageur passe par un processus d’industrialisation qui touche tant la conception de