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a/ Généralités :

La mégacaryopoïèse est le processus de synthèse des mégacaryocytes (Mk) à partir de la cellule souche hématopoïétique et qui se finit par la plaquettogenèse conduisant à la libération des plaquettes sanguines dans le sang circulant.

Les plaquettes sanguines sont de petites cellules (2 à 5 microns) anucléées présentes dans la circulation sanguine et qui proviennent de la fragmentation du cytoplasme des mégacaryocytes, cellules rares et polyploïdes présentes dans la moelle osseuse. Les plaquettes ont une durée de vie très courte (7 à 9 jours) et sont renouvelées chaque jour (10.000 nouvelles plaquettes par jour chez l’Homme) pour maintenir leur nombre constant. La diminution de leur nombre est appelée thrombopénie et engendre un risque élevé d’hémorragie tandis qu’une augmentation est appelée thrombocytose, pouvant provoquer des risques de thrombose (obstruction des vaisseaux sanguins). Elles jouent un rôle primordial dans divers processus biologiques comme l’homéostasie, la cicatrisation, l’angiogenèse, l’inflammation et l’immunité innée.

Lors d’un endommagement des vaisseaux sanguins, des cellules endothéliales induisent l'expression du facteur Von Willebrand qui est reconnu par les plaquettes via un complexe de glycoprotéines composé des molécules CD41, CD61 et CD42 présentes à leur surface. Cela permet ainsi la formation d'un agrégat plaquettaire qui participe à la réparation vasculaire indispensable pour l’homéostasie du système vasculaire.

Il a été démontré qu’en cas de thrombopénie, l’état inflammatoire peut engendrer des hémorragies et des chocs septiques augmentant le risque de mortalité (65,66).

Il est donc primordial de maintenir un niveau constant de plaquettes à l’état homéostatique et de pouvoir rapidement restaurer l’homéostasie plaquettaire en cas de thrombopénie. La mégacaryopoïèse peut être schématiquement décrite en trois grandes étapes (Figure 7) : 1-engagement et prolifération des progéniteurs mégacaryocytaires

3-formation et libération des plaquettes dans la circulation sanguine.

Figure 7 : La mégacaryopoïèse

La mégacaryopoïèse est composée de 3 étapes : L’engagement d’une cellule souche hématopoiètique vers les progéniteurs mégacaryocytaires (MkP), la maturation (nucléaire et cytoplasmique) jusqu’à la libération des plaquettes dans la circulation sanguine.

b/ Origine des progéniteurs mégacaryocytaires

Notre compréhension de l'origine des progéniteurs mégacaryocytaires a fortement évolué depuis une 20aine d'années et reste l'objet d'intenses discussions. Dans le modèle historique impliquant des étapes discrètes d'engagement des HSC dans la différenciation, les progéniteurs mégacaryocytaires (MkP) dérivent des MEP qui eux-mêmes proviennent des CMP (54). Quelques années après, une étude a suggéré que les MEP dérivent directement des ST-HSC (56).

Par la suite, de nombreux facteurs communs au développement des HSC et des Mk ont été mis en évidence et incluent des récepteurs membranaires (ex : MPL, CD150, CD41), des voies de signalisation (ex : MPL, Notch) et des facteurs de transcriptions (ex : RUNX1, TAL1,

GATA2, GATA1) (56,57,67,68). Ces similarités moléculaires et phénotypiques ont conduit à l’hypothèse d’un lien directe entre les HSC et la lignée mégacaryocytaire.

L’équipe de Sanjuan-Pla a observé qu’une partie des LT-HSC (60%) expriment le marqueur Facteur Von Willebrand (vWF), une protéine impliquée dans l’agrégation des plaquettes et présente sur les mégacaryocytes (69). Ces LT-HSC vWF positives présentent une capacité de différenciation mégacaryocytaire, une capacité d’autorenouvellement à très long terme ainsi que la capacité de former toutes les lignées cellulaires contrairement aux HSC vWF négatives qui montrent un engagement préférentiel vers la lignée lymphoïde. La grande majorité des LT-HSC du foie fœtal au stade E14,5 (LSK+CD48-CD150+) expriment aussi le marqueur vWF. Il a été proposé que ces LT-HSC biaisées-Mk sont au sommet de la hiérarchie hématopoïétique (69). En effet l’analyse de l’hématopoïèse à l’état homéostatique a aussi confirmé qu’une partie des LT-HSC se différencient directement en progéniteur mégacaryocytaire et que ces HSC « engagées » conservent une capacité multipotente lors de transplantation dans des souris hôtes (49).

Une autre étude a montré qu’en cas de stress induit par des infections, certaines HSC présentant un biais de différentiation vers la lignée mégacaryocytaire vont très rapidement former des plaquettes sans passer par les différents intermédiaires MPP, CMP, MEP pour conserver leur nombre constant. Cette voie permet une production rapide et importante de plaquettes. Les SL-MkP contribuent faiblement à la mégacaryopoïèse à l’état homéostatique et semblent utilisés principalement en cas de besoin urgent (70).

Ainsi, la mégacaryopoïèse pourrait être une voie de différenciation native des HSC (49) qui pourrait avoir une origine dans le rôle essentiel de la mégacaryopoïèse au cours du développement embryonnaire précoce.

c/ Maturation des mégacaryocytes

Les progéniteurs mégacaryocytaires (MkP) expriment des marqueurs immatures LIN-, Kit+,

CD34low, CD150+ et des marqueurs plus spécifiques de la lignée Mk comme le CD41 et le

CD61. Ces progéniteurs sont des cellules diploïdes (2n) qui prolifèrent dans la moelle osseuse pour se renouveler de la même façon que les autres cellules hématopoïétiques. Les

MkP maturent en mégacaryoblastes qui vont devenir polyploïdes avec un contenu en ADN pouvant aller de 4n à 128n (ploïdie modale: 16n chez l’Homme et la souris) sous la forme d'un noyau polylobé.

La polyploïdie des Mk résulte de cycles d’endomitose associés à un défaut de karyokinèse (pas de séparation des noyaux) et un défaut de cytokinèse (pas de séparation des 2 cellules filles) (Figure 8).

Figure 8 : Processus d’endomitose lors de la mégacaryopoïèse.

Le progéniteur mégacaryocytaire entre en mitose, il y a duplication du matériel génétique (passant de 2n à 4n), séparation des chromosomes aux 2 pôles de la cellule mais un défaut de karyokinèse (pas de séparation des noyaux) et un défaut de cytokinèse (pas de séparation des 2 cellules filles) entraînent la formation d’une cellule dont le matériel génétique est de 4n et dont le noyau forme 2 lobes. Cette étape de mitose incomplète peut se répéter jusqu'à former une cellule dont le matériel génétique atteint 128n. (Issue de (71))

Ainsi, dans les progéniteurs MkP qui entrent en endomitose, les chromosomes ségrégent aux 2 pôles de la cellule mais la formation de la membrane nucléaire est incomplète (observation de pont nucléoplasmique) ce qui engendre un noyau polylobé. La cytokinèse est également incomplète aboutissant à la formation d’une cellule où le matériel génétique a

doublé. La survenue de plusieurs cycles consécutifs de ce type génère des cellules

polyploïdes de grande taille pouvant aller jusqu'à 100uM (72,73), pour revue (71).

Au cours de cette maturation des récepteurs spécifiques de la lignée mégacaryocytaire sont exprimés à la surface des cellules comme la glycoprotéine CD42 (74), associée à une perte des marqueurs immatures comme le CD34 et Kit.

Le processus d’endomitose est accompagné d’une maturation cytoplasmique où le cytoplasme des cellules est déformé en de longues extensions appelées proplaquettes. Un mégacaryoblaste peut former entre 10 et 20 proplaquettes qui vont se fragmenter pour libérer les plaquettes dans la circulation sanguine en nombre suffisant pour le renouvellement homéostatique (Figure 9). La mégacaryopoïèse est un processus pouvant durer de 8 à 10 jours.

Figure 9 : Processus de mégacaryopoïèse.

La mégacaryopoïèse « classique » est caractérisée par la formation de proplaquettes et est dépendante de la thrombopoiétine (TPO). Ce mécanisme est mis en place à l’état homéostatique pour une production de plaquettes constante. La mégacaryopoïèse par rupture de la membrane est dépendant de l’IL-1a et est mis en place en période de stress. Ce dernier mécanisme produirait beaucoup plus de plaquettes pour répondre à une demande accrue. (Issue de (75)).

La thrombopoiétine (TPO) est une cytokine majeure de la mégacaryopoïèse, qui sera présentée plus en détail par la suite. La mégacaryopoïèse est aussi dépendante de facteurs de transcription, dont GATA1, impliqué dans la différentiation mégacaryocytaire et NFE2,

En cas de thrombopénie, un autre mécanisme est mis en place pour répondre au besoin rapide de plaquettes.

Ce mécanisme qui semble indépendant de la TPO et de la formation des proplaquettes, permet de produire un grand nombre de plaquettes fonctionnelles en peu de temps. Ce mécanisme régulé par l’interleukine 1a (IL1a) permet de modifier la stabilité membranaire du mégacaryoblaste et conduit à la formation de plaquettes, en nombre 20 fois supérieur par rapport au mécanisme classique (Figure 8), (75).

Un équilibre entre TPO et IL1a semble donc contrôler la mégacaryopoïèse et permettre une production en fonction d'un besoin de plaquettes à l'homéostasie ou en condition de stress.

d/ Différence fœtal et adulte

Les Mk sont détectés très tôt au cours du développement, au stade E7,5 chez la souris, et les plaquettes sont observées dans la circulation sanguine vers E10,5. La mégacaryopoïèse diffère au cours de l’ontogenèse. Dans le foie fœtal, le potentiel mégacaryocytaire est observé à partir du compartiment des cellules souches et du compartiment des progéniteurs alors que chez l’adulte il dérive principalement du compartiment souche (Figure 10, (77)).

De plus certaines caractéristiques cellulaires et moléculaires diffèrent. Les Mk fœtaux sont de petite taille et ont une ploïdie moyenne moins élevée que la ploïdie des Mk adultes. Leur taille et ploïdie vont augmenter au cours des différents stades du développement pour atteindre les caractéristiques des Mk adultes vers l’âge de 4 ans chez l’Homme. La capacité proliférative des Mk fœtaux est largement supérieure aux Mk adultes, mais ils forment 3 fois moins de proplaquettes et donc de plaquettes (78). Ces caractéristiques peuvent être corrélées aux changements transcriptionnels observés au cours de l’ontogenèse mégacaryocytaire sur le cycle cellulaire, l’expression de facteurs de transcription (NFE2,

GATA1) et de régulateurs mégacaryocytaires spécifiques (influençant la maturation

mégacaryocytaire) (79).

C/ Régulation de l’hématopoïèse :

Le nombre des cellules souches hématopoïétiques résulte d'un équilibre entre quiescence, autorenouvellement et différentiation. L'équilibre entre ces propriétés varie en fonction du stade de développement et du besoin en cellules matures et est contrôlé par des facteurs extrinsèques (également appelés « niche hématopoïétique ») et intrinsèques.

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