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La méfiance dans la vie du couple

La crise psychologique chez les personnages simenoniens

2.1 L’origine de la crise psychologique des personnages principaux

2.1.4 La méfiance dans la vie du couple

La méfiance est souvent née après que l’acte infidèle est découvert.

En outre, elle peut mener à la jalousie, et à la peur de perdre l’amour. La méfiance peut renforcer la tristesse et la souffrance jusqu’à ce que ces dernières deviennent une crise grave et détruisent finalement la vie du couple.

Dans La veuve Couderc, Tati manque de confiance en soi. Elle se méfie toujours de Jean parce qu’elle a peur d’être abandonnée. Tati craint de perdre tout ce qu’elle aime, particulièrement Jean : « Cette garce ! […] Elle a encore profité de mon absence pour venir voir son grand-père et me chiper du jambon ! […] C’est une salope ! Une fille qui, à seize ans, a déjà trouvé le moyen de se faire faire un enfant… »19. La méfiance de Tati est évidente. Félicie vole souvent son jambon.

Quand Tati soupçonne Félicie de vouloir lui voler Jean, sa colère est décuplée. Elle ne veut pas la voir autour de Jean. Elle craint qu’il ne parte :

- Tu n’as rencontré personne ? - Non…

- Tu n’as pas vu Couderc ?... Ni Félicie ?...

Il sentait bien qu’elle ne le croyait pas. Or voilà que la même question revenait sous une forme différente.

[…]

- Félicie n’a pas essayé de te parler ?

Pourquoi l’obligeait-elle à mentir comme un enfant ? - Mais non, je vous assure…

- Tu sais ce que tu vas faire ?... Ici, je me ronge les sangs… La chambre de René ne sert plus depuis qu’il est parti… La fenêtre donne sur le canal… Il y a un lit de fer qu’il suffit de remonter… Tu es capable de remonter un lit ?

- Oui…

- Dans le placard de l’escalier, tu trouveras un matelas et un traversin…

19 Simenon, La veuve Couderc, 19.

- Vous voulez vraiment changer de chambre ?

Il savait que c’était pour le surveiller et pour surveiller Félicie. Sa chambre actuelle était la plus grande, la mieux éclairée. En outre, elle donnait sur la cour et sur le jardin, si bien que, couchée, elle pouvait apercevoir ses bêtes. 20

Dans ce dialogue, nous trouvons que Tati tente d’empêcher la rencontre entre Jean et Félicie. Précisément, Tati ne les quitte pas du regard même pendant qu’elle reste dans son lit, malade : « Elle doit se douter de quelque chose… À sa façon de me suivre des yeux toute la journée… »21. Bref, la méfiance la pousse à la jalousie.

Quant à Bébé Donge, elle désire l’amour et l’attention pour remplacer sa solitude dans sa sensation. Cependant, elle est au courant des comportements infidèles de son mari. Elle n’a donc pas de confiance en lui. Elle veut rester avec lui tout le temps. Dans le dialogue suivant, nous voyons clairement le but de la demande de Bébé. C’est pour surveiller François et pour rester avec lui :

- Qu’est-ce que tu voudrais faire ? - Travailler dans ce bureau, avec toi…

- A la place de Mme Flament ?

- Pourquoi pas ? Si c’est la dactylographie qui t’effraie, je m’y mettrai vite... A Constantinople, j’avais une machine portative… Je m’amusais à taper mes lettres et…

[…]

Ainsi, elle était jalouse de Mme Flament ! 22

Habituellement, hormis le ménage et l’affaire de leur fils, Bébé Donge ne s’intéresse pas au travail de François. Mais avec la méfiance, la jalousie et

20 Ibid., 158-159.

21 Ibid., 187.

22 Simenon, La vérité sur Bébé Donge, 119.

la poussée du sentiment chaleureux, elle veut travailler avec lui à la place de Mme Flament parce qu’elle veut son attention. Mais elle est refusée. Cela intensifie sa peine et la pousse à une intense solitude.

Dans La chambre bleue, les deux protagonistes féminins ont leur propre méfiance. Normalement, Gisèle a confiance en son mari : « […] ce n’était pas la première fois. Gisèle n’ignorait pas sa présence, l’après-midi, à Triant. Or, elle ne lui demandait pas s’il était passé chez son frère. »23 Elle le croit sur la parole.

Toutefois, elle commence à remarquer tranquillement le changement de Tony. Elle a des doutes sur son comportement. Elle aperçoit une certaine inquiétude dans les gestes et l’expression du visage de son époux. Certaines actions la font se méfier de son mari. Les comportements inhabituels lui donnent du souci tel qu’il lui propose d’aller au cinéma et de partir en vacances. Parfois, elle montre un certain souci. Il est possible qu’elle ait peur de ce à quoi il est en train de réfléchir.

Quant à Andrée, elle n’a pas une confiance absolue en Tony. Elle veut qu’il se sépare de Gisèle pour vivre avec elle. Alors, elle essaie de tout faire pour le posséder. Dans la chambre bleue de l’hôtel, il lui dit toujours qu’il l’aime, mais elle ne le croit pas complètement. Toutefois, elle ne peut pas le quitter :

- Tu m’aimes, Tony ? […]

- Je crois.

- Tu n’es pas sûr ? […]

- Tu pourrais passer toute ta vie avec moi ?

Cette question, elle l’avait formulée deux fois en l’espace de quelques minutes. Ne l’avait-il pas entendue déjà au cours de leurs précédentes rencontres dans la même chambre ?

Il avait répondu : - Bien sûr !

23 Simenon, La chambre bleue, 50.

Il jonglait, l’esprit et le corps légers. Elle sentait si bien que les mots ne venaient pas du fond de sa conscience qu’elle insistait :

- Tu en es si sûr que ça ? Tu n’aurais pas peur ? Imbécile qu’il était de répliquer, l’œil malin : - Peur de quoi ?

[…]

- Tu imagines ce que seraient nos journées ?

Elle n’avait pas dit les nuits, mais les journées, comme si son intention était de passer tout leur temps au lit. 24

Andrée s’inquiète de l’instabilité de cette relation. Même s’ils se rencontrent souvent, elle ne veut pas le perdre encore. Elle lui répète toujours les questions : « Tu m’aimes, Tony ? », « Tu pourrais passer toute ta vie avec moi ? »,

« Tu en es si sûr que ça ? Tu n’aurais pas peur ? », et « Tu imagines ce que seraient nos journées ? ». Avec son souci, elle peut commettre des crimes pour vivre une vie du couple avec lui.