seule-ment 54,6% des cas non-déclarés, alors qu’ils le sont dans 97,5% des dé-cisions dûment déclarées substance létale, c’est une infirmière qui réalise ce geste dans 41,3% des cas non-déclarés à la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation (contre 0,0% dans les cas déclarés).
« Les médecins spécialisés en soins
palliatifs sont consultés dans seulement
54,6% des cas non-déclarés, alors qu’ils
le sont dans 97,5% des décisions dûment
déclarées »
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La réalité observée à l’aune des études scientifiques ad-hoc
Les chercheurs belges et néerlandais ont donc exploré la question des demandes à la lumière pas seulement des
décla-rations effectuées auprès de la Com-mission fédérale de contrôle et d’évaluation, mais aussi d’enquêtes ad-hoc utilisant la méthode
dite des « certificats de dé-cès » (voir le focus « Com-ment le nombre total d’euthanasie est-il estimé dans ces études ? »).Dans une étude publiée dans le Canadian Medical Associa-tion Journal en 2010, l’équipe de recherche dirigée
par le Pr Deliens à l’Université Libre de Bruxelles a révélé que près d’un tiers des actes d’euthanasie étaient réalisés sans demande explicite du patient (Chambaere, K et al, 2010).
Sur un échantillon représentatif de 6 32% (n=66) ont été prises sans qu’une telle demande soit mention-née par le médecin répon-dant. Les premières corres-pondent donc, selon les termes de la loi Belge, à des
« euthanasies », alors que les secondes ne peuvent pas y être assimilées (en l’absence de demande expli-cite). Ce constat pose évi-demment de nombreuses questions éthiques et juridiques, d’autant qu’il est effectué dans un pays où la pra-tique de l’euthanasie est légalisée.
Mais, dans une logique d’observation et de compréhension, c’est l’étude des caractéristiques des patients concer-nés qui est la plus intéressante.
Des profils de patients très différents selon l’existence, ou non, d’une demande explicite
Alors que les patients ayant fait l’objet d’une euthanasie (à leur de-mande, donc) sont très majoritaire-ment âgés de moins de 80 ans (79,6%) et qu’ils sont très fréquemment at-teints d’un cancer (80,2%), ceux ayant fait l’objet d’une décision visant à hâ-ter leur mort sans pour autant l’avoir explicitement demandé sont
globale-ment très âgés (53% ont plus de 80 ans) et une très forte majorité n’est pas atteinte de cancer (67,5%).
Par ailleurs, alors que dans le
FIN(S) DE VIE ET SYSTEME DE SANTE | DEMANDES ET PRATIQUES D’EUTHANASIE
161 Tableau 1 : Caractéristiques des patients décédés suite à une décision vi-sant délibérément à mettre fin à leur vie, Flandres (Belgique)
Avec demande Source : Chambaere, K and al., Physician-assisted deaths under the euthanasia law in Belgium: a popula-tion-based survey, CMAJ, 2010, 15:182(9), p. 897
* Précautions de lecture: les pourcentages présentés dans ces études ont été ajustés pour respecter la stra-tification de l’échantillon. L’intervalle de confiance (IC) est de 95%
Un processus décisionnel moins rigoureux lorsque aucune de-mande explicite n’a été formulée
Selon les résultats de cette même étude, dans 77,9% des cas où aucune demande explicite n’est formulée, la décision de mettre délibérément fin à la vie ne fait pas l’objet d’une discus-sion avec le patient.
De la même façon, alors que 89,1%
des décisions prises à la demande ex-plicite du patient font l’objet d’une discussion avec d’autres médecins
et/ou soignants, cette collégialité n’est présente que dans 71,0% des déci-sions « sans demande explicite».
Plus encore, la sollicitation des pro-fessionnels spécialisés en soins pallia-tifs apparaît beaucoup moins fré-quente lorsqu’il n’y a pas de demande explicite de la part du patient concer-né (14,8% vs 50% des situations résul-tant d’une telle demande).
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Comment expliquer cette absence de demande explicite ? L’absence de « demande explicite »
(c'est-à-dire formulée à plusieurs re-prises, avec des termes clairs, par un patient adulte en capacité de faire des choix et de consentir) n’équivaut pas à une totale absence de demande.
Là encore, les études reposant sur la méthode des certificats de décès ap-portent des éléments de réponse d’autant plus riches qu’ils sont précis et qu’ils décrivent des pratiques (dia-gnostiques, thérapeutiques ou pallia-tives).
Les données réunies par le End-of-Life Research Group de l’Université de Bruxelles (Chambaere K, et al.
2010) permettent ainsi de dégager 4 grands registres d’explications quant à l’absence, dans la prise de décision de mettre fin à la vie d’une personne, de demande explicite de cette der-nière.
Les deux premiers motifs avancés par les médecins répondants renvoient à l’impossibilité physique ou juridique pour le patient concerné de formuler une demande explicite :
dans 70% des situations recensées en 2007, le médecin déclare que le patient était inconscient au mo-ment de la prise de décision.
dans un peu plus d’un cas sur cinq (21,1%), le médecin déclare que le patient était atteint de démence (rendant son consentement juri-diquement nul)En revanche, les deux secondes expli-cations avancées sont d’une nature sensiblement différentes, et renvoient très clairement à la subjectivité du médecin et à ses propres projections :
Dans 17% des cas, les répondants pa-tient » qui semble justifier, si l’on en croit les réponses données par les médecins participant à l’enquête, l’absence de demande« Dans 70% des
situa-tions recensées en 2007,
le médecin déclare que le
patient était inconscient
au moment de la prise de
décision »
FIN(S) DE VIE ET SYSTEME DE SANTE | DEMANDES ET PRATIQUES D’EUTHANASIE
163 Tableau 2 : Le processus de décision
Avec demande explicite du
patient n=142
Sans demande explicite du
patient n=66
La décision n’a pas été discutée avec le patient - 77,9 %
Raisons justifiant cette absence de discussion autour de la décision :
Le patient était dans le coma - 70,1 %
Le patient était dément - 21,1 %
La décision était clairement dans le meilleur intérêt du
patient - 17,0 %
La discussion aurait constitué une source de souffrance
pour le patient - 8,2 %
Autre - 10,1 %
La décision a été discutée avec la famille 77,4 % 79,4 %
La décision a été discutée avec d’autres professionnels 89,1 % 71,0 %
Avec un ou plusieurs médecin(s) 77,8 % 58,4 %
Avec un(e) ou plusieurs infirmers (-ières) 54,1 % 40,2 %
Avec un ou plusieurs professionnels de soins palliatifs 50,0 % 14,8 %
La décision n’a été discutée avec personne 0,0 % 6,5 %
Source : Chambaere, K and al., Physician-assisted deaths under the euthanasia law in Belgium: a popula-tion-based survey, CMAJ, 2010, 15:182(9), p. 898
Les souhaits exprimés précédemment : directives anticipées et porte-paroles
Une fois posée l’exigence éthique et juridique d’une « demande » pour qua-lifier un acte visant délibérément à mettre fin à la vie d’une autre per-sonne d’ « euthanasie », de nouvelles questions apparaissent : qu’est-ce qui distingue le « simple souhait » de la «
demande » (dans le cas de la Belgique, de la « demande explicite ») ? Le cri-tère de la répétitivité ou de la cons-tance de cette demande constitue une piste de réflexion intéressante mais n’est sans doute pas suffisant (Voir la seconde partie de ce chapitre).
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