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LISTE DES ABREVIATIONS

16 3.5 Déroulement de la transplantation rénale :

3.6 Transplantation et rejet :

3.6.2 Mécanismes de rejet d’allogreffe

La transplantation d’organe et la greffe de cellules sont soumises à deux types de réactions de rejet : soit le receveur développe des réactions immunitaires visant à éliminer l’organe greffé considéré comme du non-soi, réactions les plus fréquentes dans les transplantations d’organes solides ; soit les cellules greffées vont agresser les cellules et tissus du receveur, c’est la maladie du greffon contre l’hôte (graft versus host disease, GVHD). La GVHD est peu fréquente lors des transplantations d’organes solides, mais est décrite et est très souvent fatale pour le patient [56, 57].

Trois types de rejets d’allogreffes sont décrits, classés par leurs mécanismes et par leur chronologie d’apparition post transplantation: rejets de greffe hyper aigus (intervention d’anticorps), aigus (réactions cellulaires) et chroniques (mécanismes immunologiques et non-immunologiques).

3.6.2.1 Rejets de greffe hyper aigus

Ils se manifestent après quelques minutes jusqu’à quelques heures suivant le rétablissement de la continuité vasculaire. Ils sont liés à une réponse immunitaire humorale préexistante chez le receveur. Le rejet hyperaigu est secondaire à la fixation sur l’endothélium vasculaire d’anticorps cytotoxiques préformés chez le receveur contre les antigènes du donneur (ADCC, antibody dependant cellular cytotoxicity, mécanisme de type II selon la classification de Gell et Coombs). Ces anticorps, ayant reconnu l’antigène, fixent et activent le système du complément, créant des lésions des cellules endothéliales du greffon, entraînant une réaction inflammatoire, l’extravasation de cellules et de plasma, l’agrégation et l’activation plaquettaire conduisant à la thrombose des micro vaisseaux et à l’arrêt de la circulation sanguine. Le greffon se nécrose alors en quelques minutes, le plus souvent en

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cours d’intervention, et il doit être « transplantectomisé» immédiatement. Les anticorps impliqués dans le rejet hyperaigu peuvent être des anticorps naturels dirigés contre les antigènes de groupe sanguin ABO, des anticorps dirigés contre des antigènes d’histocompatibilité (Acs anti-HLA, en particulier anti-classe I) ou des Ag de l’endothélium vasculaire[58]. Les rejets hyperaigus ne se rencontrent pratiquement plus car, d’une part, la compatibilité ABO est une condition essentielle à la transplantation, et d’autre part, la présence d’anticorps anti-Ag du donneur préexistant dans le sérum du receveur est recherchée par un cross match réalisé avant l’intervention. Initialement, les rejets hyperaigus étaient décrits en transplantation rénale, mais tous les organes sont susceptibles d’être rejetés ainsi [59-61].

3.6.2.2 Rejets de greffe aigus

En l’absence d’immunosuppression, les rejets aigus se manifestent après une à deux semaines en post-transplantation car ils nécessitent une immunisation vis-à-vis des antigènes du greffon. Dans les conditions normales de traitements immunosuppresseurs, le rejet aigu survient essentiellement dans un délai de 4 mois après la transplantation, avec un pic de fréquence le 1er mois. Néanmoins, il peut s’observer à tout moment en cas d’arrêt de ces traitements [62]. Depuis le développement des immunosuppresseurs, la fréquence des épisodes de rejets aigus a diminué en particulier en transplantation rénale et cardiaque [63].

Le mécanisme de rejet aigu met en jeu des réponses immunitaires cellulaires et/ou humorales spécifiques des alloantigènes du donneur. Les antigènes majeurs déclenchant des réactions allogéniques chez le receveur sont les antigènes HLA. Des antigènes mineurs ont été décrits dans des modèles murins ; chez l’homme, leur implication est plus discutée [64, 65]. La mise en évidence des Acs anti-HLA de classe I et II dans le sérum des patients est un argument supplémentaire pour leur implication dans les rejets. Les rejets aigus de mécanismes cellulaires impliquent des lymphocytes T auxiliaires (CD3+CD4+) et cytotoxiques (CD3+CD8+), des cytokines pro-inflammatoires, responsables de lésions tissulaires (apoptose cellulaire, fibrose) et vasculaires (vasoconstriction) non réversibles. Des mécanismes humoraux sont également décrits mettant en jeu des allo-anticorps spécifiques des antigènes du donneur dans les transplantations rénales, cardiaques, hépatiques et pulmonaires [66, 67]. Les allo-anticorps agissent par des mécanismes de cytotoxicité (ADCC), délétères pour les

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tissus greffés. Ces rejets humoraux sont plus graves, de pronostic moins bon et doivent être traités très agressivement pour éviter la perte du greffon [68, 69]. Le diagnostic de rejet aigu est établi sur des signes cliniques et biologiques, dépendant de l’organe transplanté et traduisant son dysfonctionnement. Mais ces signes sont non spécifiques et le rejet doit être confirmé par une biopsie du greffon pour une analyse histologique et immunohistochimique, qui montre des infiltrats lymphocytaires et des lésions tissulaires et vasculaires caractéristiques. Les rejets humoraux sont mis en évidence par la présence de dépôts de C4d, produit de dégradation du complément, recherchés en immunofluorescence sur la biopsie [70, 71]. L’ensemble de ces éléments permet de classer les rejets en grade de gravité selon des classifications internationales, comme la classification de Banff pour la transplantation rénale.

La plupart des rejets aigus n’aboutissent pas à la perte du greffon à court terme, car ils sont diagnostiqués rapidement et traités immédiatement. En revanche, ces rejets ont des conséquences à long terme. En effet, il a été observé que la fréquence, le nombre, le type (cellulaire ou humoral) et le délai d’apparition des rejets aigus sont des paramètres directement liés au devenir du greffon [72]. Les épisodes répétés et tardifs de rejets aigus sont plus particulièrement prédictifs de rejets chroniques et de perte de greffon.

3.6.2.3 Rejets chroniques

Le rejet chronique débute certainement au moment de la transplantation pour se développer sur de nombreuses années. Des causes immunologiques et non immunologiques sont impliquées dans ce phénomène. Les signes cliniques et biologiques sont différents selon l’organe greffé, mais traduisent une détérioration de la fonction de l’organe. Cette perte de fonctionnalité est liée à des lésions de fibrose du parenchyme et à un artériopathie étendue pour tous les organes solides. Il s’agit de néphropathie chronique du greffon en transplantation rénale, d’athérosclérose du greffon cardiaque. Ces atteintes aboutissent inexorablement à la perte des greffons. Au cours de la dernière décennie, une diminution des rejets aigus a pu être décrite, liée aux progrès des nouveaux traitements immunosuppresseurs, mais ces progrès ne se sont pas traduits par une diminution de l’incidence des rejets chroniques [73]. Le rejet chronique est donc un processus continu de diminution de fonction de l’allogreffe. Les facteurs de dysfonction chronique sont d’ordre immunologique et non immunologique [74]. Pour le rein, les facteurs non immunologiques incluent l’âge du donneur, les lésions initiales de l’organe, le temps d’ischémie froide et les lésions de

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conservation, les infections (ex : pyélonéphrites), les obstructions, la néphrotoxicité des immunosuppresseurs, en particulier des inhibiteurs de la calcineurine (cyclosporine), les désordres métaboliques (diabète, dyslipidémie), l’hypertension artérielle, la récidive de la néphropathie et les glomérulonéphrites de novo, les infections à CMV [74, 75]. Des facteurs immunologiques sont également en cause, mais leur implication n’est pas totalement éclaircie. Les épisodes de rejets aigus répétés et tardifs, et en particulier les rejets humoraux, sont incriminés dans les lésions tissulaires retrouvées dans les rejets chroniques. L’infiltration tissulaire de lymphocytes et d’autres cellules de l’inflammation contribue aux dommages tissulaires décrits. Une surproduction de cytokines telles que le TGF-C (transforming growth factor-C) et le PDGF (platelet-derived growth factor), favorise la fibrose tissulaire. Une production continue d’allo-anticorps favorise l’artériopathie.

L’allogreffe est donc la cible de réponses immunitaires cellulaires et humorales spécifiques, en particulier d’allo-Acs dirigés contre divers antigènes du donneur (HLA, cellules endothéliales). Il a été également montré, dans un premier temps dans un modèle de rejet chronique de greffe aortique chez le rat, le recrutement et la prolifération de lymphocytes B dans le tissu rejeté, et leur organisation en centres germinatifs, ressemblant à ceux d’organes lymphoïdes secondaires. L’observation de cette néogenèse lymphoïde a été également faite chez l’homme au sein des organes transplantectomisés pour rejet chronique (rein et cœur). L’allogreffe n’est donc pas seulement la cible de la réponse allo-immune mais également devient le site de développement d’une réponse allo-immune humorale délétère. Les dysfonctions chroniques du greffon décrites dans les rejets chroniques ont des mécanismes multiples, se développent sur une longue période, et aboutissent à la perte du greffon. Actuellement, il n’existe pas de traitement curatif de ces rejets. La prévention et le traitement de ces différents facteurs, quand cela est possible, constituent la meilleure stratégie pour les retarder. Des facteurs immunologiques interviennent dans les rejets chroniques, mais leur rôle reste difficile à interpréter. De nombreuses études ont montré que les épisodes de rejet aigu répétés constituent un risque important de rejet chronique. Une meilleure connaissance des mécanismes et des intervenants de ces réactions allogéniques a permis de développer des traitements immunosuppresseurs ayant moins d’effets secondaires délétères pour le greffon[76, 77].

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