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3-3 Mécanismes de reconnaissance des PAg par les cellules T V γ9Vδ

La spécificité des effets de la reconnaissance des PAg sur l'activation des cellules Vγ9Vδ2 ainsi que les caractéristiques structurales de cette bioactivité ont été abordés dans plusieurs études. Néanmoins, les mécanismes de présentation des PAg aux cellules T Vγ9Vδ2 demeurent encore inconnus.

Par analogie avec les lymphocytes T αβ, il a été suggéré que le TCR était impliqué dans la reconnaissance de l’Ag. De nombreuses études ont d’ailleurs démontré l’implication du TCR Vγ9Vδ2 dans la reconnaissance spécifique des PAg :

(i) L’étude détaillée des gènes des chaînes du TCR exprimé par les lymphocytes T Vγ9Vδ2 du sang périphérique a montré que les cellules qui utilisent des gènes uniques V gamma et V delta partagent des caractéristiques jonctionnelles gamma et delta. Cela suggère l’existence d’une sélection périphérique des motifs jonctionnels du TCR parmi ces cellules 229.

(ii) l’utilisation d’anticorps anti-TCR empêchent la prolifération des cellules T γδ consécutivement à la stimulation par les 4 ligands isolés à partir de la souche H37Rv de Mycobacterium tuberculosis196.

(iii) Il a été montré que les cellules T Vγ9Vδ2 prolifèrent en réponse aux cellules du lymphome de Burkitt Daudi, aux alkyles phosphatés synthétiques incluant les monoethylphosphates (MEP), et aux phosphoantigènes naturels. La transfection des cellules Jurkat avec des cDNA codant le TCRVγ9Vδ2 permet à ces transfectants de produire de l’IL2 en réponse aux cellules Daudi, aux extraits bactériens, et aux phosphoantigènes 230.

(iv) La mutation des résidus de lysine dans la région CDR3 de la chaîne TCRγ abroge complètement la réponse des lymphocytes T γδ à tous les Ags non peptidiques sans affecter la réponse aux Ac anti-CD3 231.

(v) La modélisation moléculaire et l’analyse QSAR (Quantitative Structure- Activity Relationship) réalisée en collaboration avec l’équipe de E. Olfield a proposé un modèle de pharmacophore de PAg qui serait corrélé à sa bioactivité sur les lymphocytes T γδ 232. L’issue des calculs réalisés au moyen de deux algorithmes différents fut identique suggèrant l’existence d’une conformation tridimensionnelle commune à tous les PAg, qui permet leur reconnaissance directe sans présentation (Figure 20).

Figure 20 : Pharmacophore des phosphoantigènes naturels et synthétiques (d’après 232)

Toutefois, cette interaction n’a pas encore été formellement démontrée par la technique de BIAcore ou par cristallographie aux rayons X.

Cependant en 2001 la cristallographie aux rayons X d’un TCR Vγ9Vδ2 complet a été réalisée avec une résolution de 3,1 Å 213. Le cristal a été obtenu à partir du TCR du clone G115 dérivé du sang d’un donneur sain et répondant aux PAg en termes de cytotoxicité et sécrétion de cytokines. Bien que sa structure globale plus coudée ressemble néanmoins à celle d’un TCRαβ ou d’un fragment Fab, la comparaison des parties CDR3 des Ig, et des TCRαβ avec celles du TCR Vγ9Vδ2 ont montré que le TCR γδ s’apparente plus à une Ig qu’au TCRαβ. En effet, chaque domaine V est formé de 2 planchers de feuillets β avec 4 feuillets externes et 5 feuillets internes. Les boucles formant les régions CDR sont au sommet des domaines V et pointent vers l’extérieur au contraire des TCRαβ. Les portions des CDR1δ,

CDR1γ et CDR2γ se combinent avec la brèche entre les boucles CDR3 pour former une poche qui est vraisemblablement le site de liaison au PAg. Cette “poche” positivement chargée est formée par l’Arg59 du CDR2γ, la Lys 109 du CDR3γ, et Arg 51 du CDR2δ, qui peuvent interagir avec la partie pyrophosphate des PAg. Les domaines C sont eux aussi formés de 2 planchers de feuillets β avec 3 feuillets externes et 4 feuillets internes. Le positionnement relatif des domaines V et C est particulier : la partie C est fortement décalée par rapport à l’axe de la partie V contrairement au TCR αβ ou au Fab. Ainsi l’angle formé entre les deux axes des parties V et C est plus petit. Le domaine Cγ présente en outre une différence avec le domaine Cβ : la boucle FG de Cγ est courte et plaquée contre le cœur de la molécule alors que celle du Cβ est longue et fait saillie.

Ainsi la structure tridimensionnelle du TCR Vγ9Vδ2 semble apte à fixer des PAg directement et s’avère globalement similaire à celle d’une IgG très coudée.

Bien que l'activation des cellules Vγ9Vδ2 par les PAg se produise dans les secondes qui suivent l’exposition à l’Ag, elle exige un contact entre la cellule T γδ et sa cible antigénique. Ces observations ont plusieurs explications possibles.

• D’abord, l'activation des Vγ9Vδ2 par le PAg se produirait dans une synapse immunologique, consécutivement à l’engagement du TCR par le PAg soluble natif, mais exigeant des signaux additionnels de co-stimulation fournis par la membrane des cellules cibles. Cette hypothèse n’explique toutefois pas les échecs de co-cristallisation de TCR/PAg.

• le PAg pourrait être présenté par une molécule encore non identifiée, mais distincte des molécules classiques (CMH) ou non-classiques.

• Enfin, le PAg induirait une modification conformationnelle et/ou une surexpression d'une molécule/ligand de stress lui-même reconnu par le TCR Vγ9Vδ2. Dans ce dernier cas, la cinétique extrêmement rapide de l'activation des cellules Vγ9Vδ2 par les PAg impliquerait que ces changements conformationnels et/ou surexpressions soient particulièrement brèves et rapides.

Plusieurs protéines candidates ont été proposées pour être les récepteurs de surface liés, modifiés ou régulés positivement par le PAg. D’abord dans les années 90, les protéines de choc thermique (HSP) (comme HSP65 et HSP70) ont fait l’objet de plusieurs observations.

Ces observations ont successivement suggéré l’implication de HSP70 dans la reconnaissance de cellules tumorales par les lymphocytes Vγ9Vδ2 et une corrélation entre la surexpression de HSP sur des cellules tumorales et l’infiltration / activation des γδ 233, 234.

Mais les études ultérieures ont démontré que l'activation directe des cellules Vγ9Vδ2 ne relève pas d’une reconnaissance de molécules de type HSP (HSP65 ou HSP70)235.

Plus récemment, une autre molécule membranaire a été identifiée sur des cellules tumorales et pourrait probablement expliquer la reconnaissance des tumeurs par les lymphocytes T Vγ9Vδ2 236. Ce récepteur correspond à un complexe constitué par

l'apolipoprotein A1 (ApoA1), une lipoprotéine à haute densité abondante dans le sérum, et la sous unité F1 de l’ATPase synthase (ATPS), une enzyme multimérique mitochondriale. Lorsqu’il est transloqué à la surface des cellules tumorales ce complexe a été identifié comme étant une cible des cellules Vγ9Vδ2. Ces conclusions découlent des propriétés d’un anticorps monoclonal neutralisant de l’activation γδ, et qui s’est avéré dirigé contre ce complexe et capable d’empêcher la reconnaissance d'une variété de cellules tumorales par les lymphocytes Vγ9Vδ2 in vitro. L’implication de l’ATPS dans l'activation sélective des cellules Vγ9Vδ2 a été plus directement documentée dans des systèmes acellulaires, en utilisant des billes recouvertes d’AS purifié (d’origine bovine) et d’ApoA1. La reconnaissance de l’ATPS par les cellules Vγ9Vδ2 pourrait expliquer leur large activité anti-tumorale, puisque la sous-unité F1 de l’ATPS semble être exprimée à la surface cellulaire de plusieurs lignées de tumeurs hématopoïétiques et solides. Cependant, plusieurs questions importantes demeurent ouvertes. En particulier, bien que dans certaines conditions, la protéine ApoA1 humaine potentialiserait la lyse in vitro de cellules tumorales par les lymphocytes T Vγ9Vδ2, des billes recouvertes d’ATPS purifiée de source bovine peuvent également activer les lymphocytes T Vγ9Vδ2 à sécréter de faibles quantités du TNFα236. Aussi, tant la nature exacte du complexe ATPS

reconnu in vivo que les modalités de participation d'ApoA1 à un tel complexe, demeurent encore à préciser.

Comme déjà mentionné, l'activation des cellules de T Vγ9Vδ2 par les ABP peut se produire sous l’effet de l'accumulation des intermédiaires d'isoprénoïdes tel que l’IPP, qui agissent alors en tant qu'agonistes directs du TCR Vγ9Vδ2, tels que les PAg bactériens. Alors que l’IPP peut activer des cellules Vγ9Vδ2 isolées, l'activation des lymphocytes T Vγ9Vδ2 du sang périphérique par les ABP requiert les cellules monocytaires237. En effet, l’étude de

Miyagawa a montré en 2001 que la lignée myélomonocytaire THP1, devient capable d’activer des cellules T γδ purifiés (production d’IFNγ) lorsqu’elle est traitée au pamidronate. Ces cellules sont alors significativement plus susceptibles à la lyse médiée par les lymphocytes T γδ que les cellules THP1 non-traitées. Enfin, les cellules T Jurkat (TCR-) transfectées avec les

gènes du TCRγδ produisent des niveaux significatifs d’IL2 en réponse aux cellules THP1 traitées au pamidronate. Ces résultats ont fortement suggéré que les cellules T γδ sont fonctionnellement activées via le TCRγδ par les Ag d’ABP présentés à la surface des cellules monocytaires plutôt que directement dans leur forme native.

En 2007, Uchida a cherché à évaluer le mécanisme de reconnaissance des cellules de myélomes par les LTγδ. Le prétraitement des cellules de myélome avec un ABP (l’acide zolédronique) ou une statine (la mévastatine) montre que les LTγδ tuent ces dernières consécutivement à la reconnaissance de métabolites de la voie du MVA. Dans cette étude les auteurs ont notamment montré que le niveau d’expression de la molécule d’adhésion intercellulaire ICAM-1 sur les cellules de myélome était corrélé à la cytotoxicité des lymphocytes Tγδ. En outre, le prétraitement des cellules de myélome avec une Ig anti-ICAM- 1 inhibe leur cytotoxicité. Enfin, les cellules AMO-1, une lignée de myélome normalement résistantes à la lyse par les lymphocytes Tγδ, y deviennent sensibles après avoir été transfectées par un ADNc humain codant pour ICAM-1 238.

Bien que beaucoup reste à faire afin de comprendre entièrement les mécanismes de reconnaissance par les cellules T Vγ9Vδ2, la disponibilité de plusieurs agonistes spécifiques a conduit à proposer et tester des approches thérapeutiques ciblant ces lymphocytes pour le traitement de pathologies cancéreuses, infectieuses et / ou auto-immunes.