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Immunothérapie active non-spécifique

III- L’IMMUNO-THERAPIE DES CANCERS

III.3/ Immunothérapie active non-spécifique

Bien qu’à l’heure actuelle les recherches se focalisent sur les méthodes d’immunothérapies actives spécifiques (cf. § II-4), d’autres types d’immunothérapie ont fait leur preuve. En effet, l’immunothérapie active non-spécifique qui permet une stimulation globale du système immunitaire des patients atteints de cancer a montré son efficacité.

• Injection de produits bactériens : le BCG

L’objectif de cette stratégie est de stimuler l’immunité anti-tumorale grâce à l’injection de différentes molécules et protéines, sans cibler spécifiquement des Ag de tumeurs donnés.

L’effet anti-tumoral lié aux mycobactéries a été observé pour la première fois en 1929, par Pearl qui observa lors de l'analyse d'une série nécrosique, que les patients atteints de tuberculose développaient moins de tumeurs malignes que la population générale. En 1953, un chirurgien américain qui avait constaté la régression d'un lymphosarcome chez un patient atteint d'un érysipèle (dermo/hypodermite bactérienne aiguë non nécrosante par streptocoques/mycob), a tenté pour la première fois l'utilisation d'extraits bactériens comme traitement adjuvant du traitement des tumeurs. En 1966, Coe a alors démontré que la vessie pouvait être le site de réactions d'hypersensibilité retardée au même titre que la peau 152. Sur cette base d’éléments, en France, Mathé a utilisé en 1969, pour la première fois le Bacille Calmette-Guerin (BCG) en thérapeutique humaine anti-tumorale, mais dans le cadre de leucémies aiguës de l’enfant, mais qui s’accompagna d’échecs liés à des granulomatoses disséminées 153. Cependant le BCG a quand même été utilisé dans le traitement des mélanomes métastatiques dès les années 1970. Ainsi en 1974, Zbar a démontré l'effet anti- tumoral du BCG administré localement sur l'hépatocarcinome du cobaye 154. Ensuite en 1975, Bloomberg a démontré la bonne tolérance des instillations endovésicales de BCG chez le chien 155. La même année Kernion rapportait le premier traitement d'une tumeur vésicale métastatique d'un mélanome malin par BCG-thérapie locale 156. Enfin, ces observations ont conduit Morales à utiliser en 1976 le BCG en instillations locales dans le traitement de tumeurs non invasives de la vessie et, elles ont montré une élimination de la tumeur grâce à une inflammation locale 157.

En effet, après l'attachement à l'urothelium, le BCG induit un processus inflammatoire et un relargage précoce de cytokines pro-inflammatoires attirant ainsi les cellules de l’immunité innée telles que les macrophages et les neutrophiles. Ces dernières augmentent la production locale de cytokines et de chimiokines et attirent des sous-ensembles de lymphocytes activés tels que les cellules T CD4+ et CD8+ aussi bien que les cellules NK. Ces cellules effectrices lysent finalement des cellules tumorales de la vessie par la cytolyse.

Depuis cette époque, l'immunothérapie adjuvante à base de BCG pour le cancer de la vessie est très utilisée et l’instillation intra vésicale de BCG (ImmuCyst™) est actuellement un traitement de choix pour les formes précoces et localisées de ce type de tumeur (pour revues voir : 158, 159).

• Administration systémique de cytokines

L’utilisation des cytokines en thérapeutique anticancéreuse est une des grandes innovations de ces dernières années. En effet, elle permet une manipulation fine de l’hématopoïèse et des réponses immunitaires.

Il existe plusieurs cytokines approuvées par les autorités pour le traitement de certains cancers. L’interleukine 2 (IL-2) est utilisée pour le traitement des patients atteints d’adénocarcinome du rein métastatique (20% de réponses cliniques). L’interféron alpha (IFN- α) est également utilisé pour le traitement de l’adénocarcinome du rein métastatique mais aussi pour le traitement du mélanome 160, des sarcomes de Kaposi liés au SIDA 161, des lymphomes folliculaires 162, du myélome multiple et des leucémies myéloïdes chroniques.

Pour les tumeurs solides, les taux de réponse aux cytokines recombinantes, rIL2 et rIFNα, sont compris entre 5 et 25%, dont la moitié sont des réponses complètes. Par ailleurs, la combinaison de ces deux cytokines améliore significativement la survie sans progression des patients atteints d’adénocarcinome rénal ainsi que leur taux de réponse (entre 6 et 7% de réponse pour les monothérapies rIL2 ou rIFNα seules contre plus de 18% pour la combinaison rIL2 plus rIFNα) 118.

• Thalidomide et IMIDS

La thalidomide (N-phthalidoglutarimide), est un mélange des formes lévogyres et dextrogyres de l'acide glutamique dont les propriétés principales sont immunomodulatrices et anti-inflammatoires. Son arrivée en 1999 a permis l'obtention de rémissions chez des patients réfractaires à toute chimiothérapie.

D’abord, la thalidomide modifie les interactions entre ces cellules en diminuant l'expression de nombreuses molécules d'adhésion au niveau des cellules tumorales et stromales, telles que la E-selectin, VCAM (vascular cell adhesion molecule), ICAM-1 (intercellular cell adhesion molecule-1) et PECAM (platelet–endothelial cell adhesion molecule - sCD31). Elle réduit l'invasion locale et la migration métastatique en diminuant l'expression de la cyclo-oxygénase de type 2 (cox-2). Ensuite, au niveau de la production cytokinique, la thalidomide inhibe également la voie de signalisation intracellulaire du TNFα, diminue la synthèse de nombreuses interleukines (IL-1, 6 et 12), augmente la production de

l'IL-4 et IL-5, et inhibe aussi les deux principales cytokines proangiogéniques, le bFGF (basic-fibroblast growth factor) et le VEGF (vascular endothelial growth factor).

Par ailleur, la thalidomide inhibe la voie du NF-kB. En conséquence, l'expression de nombreux gènes impliqués dans la réponse immune, dans l'angiogenèse et dans la réponse anti-inflammatoire, tels que ceux de l'IL-8 et 12 et du TNF-α sont régulés négativement. De plus, elle inhibe l'insulin like growth factor-1 (IGF-1), facteur de croissance et de survie majeur des cellules myélomateuses.

Enfin elle diminue la capacité de phagocytose des monocytes et des polynucléaires, ainsi que le chimiotactisme de ces derniers. En outre, elle augmenterait le nombre et la fonction d'un certain type de cellules NK, à l'origine d'une immunité antitumorale.

Des analogues structuraux du thalidomide, privilégiant un des mécanismes d'action spécifique du thalidomide, sont en cours d'évaluation, les SelCIDS (selected cytokine

inhibitory drugs) et les IMiDs (immunomodulatory drugs). Le lénalidomide (CC-5013,

Revlimid®) est une substance immunomodulatrice, analogue structural et fonctionnel du

thalidomide appartenant à la famille des IMiDS (IMiDs). Les IMiDs, dont le mode d'action est fondé sur une stimulation de la lymphopoïèse T et moins sur l'inhibition du TNFα font l'objet d'essais thérapeutiques dans le myélome multiple et semblent promis à un intéressant avenir. Les mécanismes d'action du lénalidomide sont semblables à ceux du thalidomide, avec cependant une activité in vitro très nettement supérieure lors des études pré-cliniques.

• Ligands de TLR exploités en oncothérapie

Il existe une dizaine de récepteurs de l’immunité innée, qui sont structurellement aparentés à la protéine d’insecte Toll, ces récepteurs sont appelés les TLR pour Toll-Like Receptors (TLR1-11). Les ligands de ces TLR représentent de puissants adjuvants de l’immunité 163. De nombreux agonistes naturels et de synthèse des divers TLR tels loxoribine, R-848 et imiquimod (ligands de TLR7,8) présentent des propriétés antivirales et antitumorales, mettant en jeu des réponses IFN de type I. Par ailleurs, les oligodeoxynucleotides porteurs de motifs CpG non méthylés (ODN CpG) interagissent sélectivement avec le récepteur TLR9 164. Leur activité adjuvante est basée sur leur capacité à activer les cellules B humaines et les DC plasmacytoïdes (pDC), les deux principaux types cellulaires exprimant le TLR9 chez l’homme. En effet, les pDC peuvent devenir de puissants effecteurs cytotoxiques capables de tuer des cellules infectées ou des cellules tumorales. Les

pDC activées par le virus de l'influenza ou par des dérivés de produits microbiens qui se fixent sur des récepteurs particuliers (les TLR), expriment très rapidement à leur surface TRAIL. Quand ce ligand de mort se fixe sur des cellules cibles qui expriment le récepteur DR4 ou DR5, il induit la mort par apoptose de ces cellules 165. La démonstration de cette nouvelle propriété des pDC contribue certainement à l'efficacité thérapeutique de ces ligands de TLR.

Chez l’homme, les ODN CpG augmentent l’immunogénicité des vaccins de la grippe et de l’HBV 166 et peuvent amplifier les effets de l’adjuvant incomplet de Freund (IFA) dans les protocoles antitumoraux. Les réponses cytotoxiques des cellules T CD8+ à l’Ag de mélanome MART1 sont augmentées de plus de 10 fois lorsque les ODN CpG sont ajoutés au vaccin MART1 + IFA 167. Cependant ces lymphocytes T CD8+ MART1-spécifiques demeurent quantitativement sous-représentés au niveau des sites tumoraux 168. L’incorporation de ODN CpG aux mélanges vaccinaux nécessite cependant d’être optimisée, les réponses qu’ils potentialisent n’ayant pas encore fait la preuve de leur efficacité protectrice chez l’homme et chez le primate non humain. Ainsi lesODN CpG pourraient contribuer à l’induction des Tregs169. Il est toutefois clair que les ODN CpG peuvent synergiser avec

d’autres modalités antitumorales, comme les réponses antitumorales résiduelles post élimination des Treg par chimiothérapie. Aussi, dans les cancers du poumon, l’additionde ODN CpG à la chimiothérapie améliore le taux de réponse mais ceci sans améliorer la survie.

Le développement de cette nouvelle classe d’agents thérapeutiques très prometteuse pour l’immunothérapie des tumeurs est actuellement en plein essor.