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3. Oxydation Fenton

3.1. Mécanismes réactionnels

3.1.1. La chimie du Fenton - réactions de Fe2 +, Fe3 + et H2O2 en solution aqueuse

Deux mécanismes réactionnels ont été proposés dans la littérature pour cette expliquer la décomposition de H2O2 par les ions ferreux et ferriques (Sychev et Isaak, 1995) : le premier

repose sur une réaction radicalaire en chaîne (mécanisme de Haber-Weiss) et le deuxième sur un mécanisme ionique (mécanisme de Kremer-Stein). Après les travaux de Walling (1975), le mécanisme radicalaire a été largement accepté pour les réactions en milieu acide. Il est important de mentionner que la discussion est toujours ouverte, et plusieurs auteurs ont aussi rapporté la formation d’ions ferrates et ferryles (+ IV et + V), au moins sous la forme de complexes avec les intermédiaires d’oxydation (Bossmann et coll., 1998 ; Pignatello et coll., 1999). Cela doit être pris en compte, parce que les réactions d'oxydation impliquant les complexes ferrates et ferryles peuvent être, dans de nombreux cas, différentes de la réaction avec le radical hydroxyle, que ce soit en termes de réactivité ou de produits de réaction.

Le mélange de fer ferreux et de peroxyde d'hydrogène est appelé réactif de Fenton. Si le fer ferreux est remplacé par le fer ferrique, on parle de réactif type Fenton (ou « Fenton- like » en anglais). La réaction de Fenton, équation (I.1), a été découverte par H.J.H. Fenton en 1894. Les équations (I.1) à (I.7) représentent l’ensemble des réactions du fer ferreux et ferrique avec le peroxyde d'hydrogène en l’absence d'autres ions interférents et de substances organiques. La régénération du fer ferreux à partir du fer ferrique, représentée par les équations (I.4) à (I.6), est l'étape limitante du cycle catalytique quand le fer est peu concentré. Les valeurs des constantes de réaction k associées sont issues de la publication de Sychev et Isak (1995). Ces réactions sont plus ou moins prédominantes selon les conditions du milieu. En particulier, le pH a une influence très importante, car il modifie la constante de vitesse de certaines réactions, du fait de la protonation ou de la dissociation des espèces (Gallard et coll., 1998).

27 Fe2+ + H2O2 → Fe3+ + OH- + OH• k = 57 – 76 M -1 .s-1 (I.1) Fe2+ + OH• → Fe3+ + OH- k = 2,6 – 5,8×108 M-1.s-1 (I.2) Fe2+ + HO2• → Fe3+ + HO2- k = 0,75 – 1,5×106 M-1.s-1 (I.3) Fe3+ + H2O2→ Fe2+ + HO2• + H+ k = 2,0 × 10-3 M-1.s-1 (I.4) Fe3+ + HO2• → Fe2+ + O2 + H+ k = 0,33 – 2,1×106 M-1.s-1 (I.5) Fe3+ + O2• → Fe2+ + O2 k = 0,05 – 1,9×109 M-1.s-1 (I.6) OH• + H2O2→ H2O + HO2• k = 1,7 – 4,5 ×107 M-1.s-1 (I.7)

De plus, les différents radicaux se recombinent selon les équations suivantes :

2OH• → H2O2 k = 5 – 8×109 M-1.s-1 (I.8)

2HO2•→ H2O2 + O2 k = 0,8 – 2,2×106 M-1.s-1 (I.9)

HO2• + OH• → H2O2 + O2 k = 1,4 ×107 M-1.s-1 (I.10)

Enfin, les équilibres suivants doivent être pris en compte (Gallard et coll., 1999 ; Bielski et coll., 1985) : H2O2 HO2- + H+ K = 2,63×10 -12 M (I.11) Fe3+ + H2O2 [Fe(HO2)]2+ + H+ K = 3,1×10 -3 (I.12) [Fe(HO2)]2+ + H2O2 [Fe(OH)(HO2)]+ + H+ K = 1,8×10-4 (I.13)

HO2• O2•- + H+ K = 3,55×10

-5

M (I.14)

OH• O•- + H+ K = 1,02×10-12 M (I.15)

HO2• + H+ H2O2•+ K = 3,16 – 3,98×10

-12

M-1 (I.16)

3.1.2. La réaction de Fenton en présence de substances organiques et inorganiques

Les substances organiques réagissent avec les radicaux hydroxyles générés selon différents mécanismes (Legrini et coll., 1993) :

- migration d’un atome d’hydrogène attaché à un carbone aliphatique, équation I.17, - addition électrophile sur une double liaison ou un noyau aromatique, équation I.18,

28

- réaction de transfert d'électrons, équation I.19.

OH• + RH → R• + H2O (I.17)

R CH = CH2 + OH• → R ― C•H ― CH2OH (I.18)

OH• + RX → RX• + OH- (I.19)

Les radicaux organiques ainsi générés continuent à réagir en prolongeant la réaction en chaîne. En fonction du potentiel d'oxydoréduction du radical organique généré, les réactions I.20 à I.23 peuvent avoir lieu. Le peroxyde organique généré par la réaction I.23 peut réagir avec le fer (II) de façon similaire au peroxyde d’hydrogène (équation I.24). La réaction de R• avec l'oxygène dissous (mécanisme de Dorfman) conduit au radical HO2• (équations I.25 et

I.26) et permet ainsi de régénérer le peroxyde d'hydrogène selon l’équation I.9 (von Sonntag et coll., 1997) : R• + Fe3+→ R+ + Fe2+ (I.20) R• + Fe2+→ R- + Fe3+ (I.21) R• + R• → R ― R (I.22) R• + HO2• → RO2H (I.23) Fe2+ + RO2H → Fe3+ + OH- + OR• (I.24) R• + O2→ RO2• (I.25) RO2• + H2O → ROH + HO2• (I.26)

Dans le cas des polluants aromatiques, le noyau cyclique est en général hydroxylé (avant d'être rompu au cours du processus d'oxydation), formant des composés intermédiaires de type hydroquinone (équations I.27 et I.28). Ceux-ci fournissent une voie alternative plus rapide pour la régénération du fer (II), décrite par les équations I.29 et I.30. Les benzoquinones formées peuvent à leur tour être réduites selon l’équation I.31. Cependant, le cycle catalytique utilisant les équations I.27 à I.31 est rapidement interrompu, car il entre en compétition avec les réactions d'ouverture de cycle qui conduisent à la minéralisation de la molécule (Chen et Pignatello, 1997).

29 k = 7,3×109 M-1.s-1 (I.27) k = 1,5×109 M-1.s-1 (I.28) k = 4,4×102 M-1.s-1 (I.29) k = 4,4×104 M-1s-1 (I.30) k = 3,7×109 M-1.s-1 (I.31)

Malgré tout la réaction de Fenton conduit rarement à une minéralisation totale des polluants organiques, car les acides carboxyliques formés comme intermédiaires sont difficilement dégradés. Il est aussi connu que certains acides carboxyliques - en particulier les polyacides - forment des complexes stables avec le fer, qui en l’absence d’irradiation UV/Vis

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inhibent la réaction en immobilisant le métal sous une forme inactive (équation I.32) (Kavitha et Palanivelu, 2004) :

𝐹𝑒3+ + 𝑛 𝐿 → [𝐹𝑒𝐿

𝑛]𝑥+ (I.32)

L : mono- et di-acides carboxyliques.

Par ailleurs, à cause de son potentiel d'oxydation élevé, le radical hydroxyle peut également réagir avec les ions inorganiques présents dans la solution. Plusieurs auteurs ont décrit l'effet particulièrement négatif des ions carbonates, phosphates et chlorures sur la réaction de Fenton (De Laat et coll., 2004 ; von Sonntag et coll., 1997 ; Kiwi et coll., 2000 ; Pignatello, 1992).

Les ions phosphates ont un double effet négatif : ils précipitent le fer et piègent les radicaux hydroxyles. Les ions carbonates peuvent piéger les radicaux hydroxyles par les réactions (I.33) et (I.34). Les radicaux carbonates formés sont particulièrement inefficaces pour la dégradation de la matière organique (von Sonntag et coll., 1997).

OH• + HCO3-→ H2O + CO3•- k = 8,5 ×106 M-1.s-1 (I.33)

OH• + CO32-→ OH- + CO3•- k = 3,9 ×108 M-1.s-1 (I.34)

De Laat et coll. (2004) ont décrit des réactions supplémentaires intervenant en présence de quantités élevées de chlorure et de sulfate. Les deux ions sont capables de complexer le fer (III) ainsi que le fer (II). Ils sont capables d’inhiber certaines des réactions précédentes, mais en même temps ils ouvrent de nouvelles voies réactionnelles pour la décomposition du peroxyde d'hydrogène en présence de fer dissous. Les radicaux hydroxyles peuvent également réagir avec ces ions, produisant des radicaux chlorés ou sulfates (équations I.35 à I.38) :

OH• + Cl-→ [ClOH]•- k = 4,3 ×109 M-1.s-1 (I.35)

[ClOH]•- + H+→ [HClOH]• k = 3,0 ×1010 M-1.s-1 (I.36) [HClOH]• + Cl-→ Cl2•- + H2O k = 8,0 ×109 M-1.s-1 (I.37)

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En traitement des eaux, la présence d’ions chlorures peut avoir un double effet négatif : premièrement, les radicaux chlorés sont des oxydants potentiellement plus faibles, diminuant l'efficacité de l’oxydation ; deuxièmement, ces ions peuvent s’accrocher, par voie électrophile, aux doubles liaisons, et former ainsi des produits intermédiaires chlorés indésirables (Kiwi et coll., 2000).