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Mécanismes possiblement impliqués dans les changements du remodelage osseux et de la densité

Chapitre 3. La solidité osseuse et la chirurgie bariatrique

3.2 Mécanismes possiblement impliqués dans les changements du remodelage osseux et de la densité

chirurgie bariatrique

3.2.1 Décharge mécanique

Tel que discuté précédemment, la charge mécanique appliquée sur l’os joue un rôle déterminant dans le maintien de sa masse et de sa solidité. La charge mécanique permet aussi de réguler le remodelage osseux, renforçant les os là où ils sont les plus sollicités. Un concept connu du remodelage osseux, la loi de Wolff, stipule que l’orientation des travées de l’os trabéculaire coïncident avec les stress appliqués sur ceux-ci106. Il a ensuite

mécanorécepteurs et perçoivent les déformations en réponse à la charge mécanique107,108. Lorsqu’une charge

mécanique est détectée, les ostéocytes transmettent un signal aux cellules osseuses en inhibant la production de sclérostine, un puissant inhibiteur de la formation osseuse et activateur de la résorption osseuse. Ainsi, la charge mécanique permet une augmentation de l’activité des ostéoblastes, qui résulte en une élévation de la formation osseuse et de la DMO. Au contraire, la perte osseuse a clairement été démontrée en situation de décharge mécanique, comme lors d’une immobilisation de longue durée109,110, en situation d’alitement111 ou lors

de voyages en apesanteur dans l’espace112,113. Dans ces situations, la décharge mécanique cause une

augmentation de la production de sclérostine, qui inhibe la différentiation des ostéoblastes et, par le fait même, résulte en une diminution de la formation osseuse et une augmentation de la résorption osseuse38.

Après une chirurgie bariatrique, la perte de poids rapide crée une décharge mécanique sur les os, principalement aux sites osseux porteurs, ce qui pourrait expliquer, du moins en partie, la perte de DMO observée. Plusieurs études ont montré une perte osseuse proportionnelle à la perte de poids95,97,114. De plus, une augmentation de

la sclérostine en réponse à la RYGB a été documentée dans quelques études93,101, élévation qui était associée

à la diminution des marqueurs de la formation osseuse, à l’augmentation des marqueurs de la résorption osseuse et à la diminution de la DMO. Bien que la décharge mécanique et l’augmentation de la sécrétion de sclérostine ont fort probablement un rôle à jouer dans la diminution de la DMO et l’altération du remodelage osseux, ces mécanismes ne suffisent pas à expliquer les effets de la chirurgie bariatrique sur la solidité osseuse. En effet, la décharge mécanique n’explique pas la perte osseuse qui persiste jusqu’à plusieurs années après la chirurgie, alors que le poids s’est stabilisé, ainsi que la perte osseuse aux os non-porteurs.

3.2.2 Ménopause

L’individu typique qui subit une chirurgie bariatrique est une femme dans la quarantaine, à l’aube de la ménopause11,86-88. Ainsi, à l’arrivée de la ménopause, le remodelage osseux s’accélère et la perte osseuse

s’accentue. En conséquence, la ménopause pourrait être un facteur aggravant du risque fracturaire chez les femmes ayant subi une chirurgie bariatrique. En ce sens, Schafer et al. ont montré que les femmes ménopausées étaient particulièrement susceptibles à la détérioration de la microarchitecture osseuse et à l’accélération de la perte osseuse après la RYGB23.

3.2.3 Apports nutritionnels

Un apport suffisant en protéines, calcium et vitamine D est nécessaire au bon maintien de la solidité des os115.

Les mauvaises habitudes alimentaires souvent présentes dans la population bariatrique peuvent entraîner certaines carences, qui peuvent être aggravées après la chirurgie116. De plus, après la chirurgie, la faible quantité

d’aliments ingérée quotidiennement rend difficile l’atteinte des recommandations nutritionnelles pour les protéines117. Suite aux chirurgies de type mixtes, la malabsorption rend difficile l’atteinte de l’apport recommandé

en calcium et en vitamine D, ce qui entraîne un manque de substrat nécessaire à la minéralisation des os. De plus, la carence en vitamine D peut causer une hyperparathyroïdie secondaire, accentuant ainsi la perte osseuse96,118,119. L’hyperparathyroïdie secondaire est une conséquence présente chez 40 % à 70 % des

individus ayant subi une chirurgie bariatrique, selon le type de chirurgie120. Afin de limiter ces carences, une

supplémentation en calcium et en vitamine D, mais également en multivitamines, est prescrite à tous les individus avant et après tous types de chirurgie bariatrique. Un apport adéquat en protéines, soit de 35 à 60 grammes par jour (35% de l’apport nutritionnel total), est également recommandé afin de ralentir la perte musculaire, mais également la perte osseuse121.

3.2.4 Changements hormonaux

Des évidences surtout précliniques ont montré une relation entre les hormones pancréatiques, gastro- intestinales, les hormones du tissu adipeux et les os. Plusieurs articles de revue ont déjà exposé les changements hormonaux induits par la chirurgie bariatrique28,103,122-124, mais aucun mécanisme précis expliquant

à lui seul les changements osseux observés après la chirurgie n’en est ressorti. Après les chirurgies de type mixtes, le faible apport alimentaire et les modifications gastro-intestinales entraînent une diminution rapide des niveaux d’insuline, de ghréline et de GIP, alors que la sécrétion de GLP-1 et de peptide YY est augmentée. De plus, les niveaux de leptine diminuent proportionnellement à la perte de masse grasse. Cette diminution a également été corrélée à une augmentation des marqueurs de la résorption osseuse30,101,102, ce qui suggère

que la diminution de la leptine pourrait être reliée à la perte osseuse. D’un autre côté, les niveaux d’adiponectine sont augmentés après la chirurgie en réponse à la perte de masse grasse, et sont positivement associés à l’augmentation des marqueurs de la résorption osseuse101. Physiologiquement, cette adipokine intervient dans

la régulation de l’axe RANKL/OPG57. Par conséquent, les changements de leptine et d’adiponectine pourraient

être associés au débalancement de cette voie de régulation métabolique et à la perte de masse osseuse. En outre, Yu et al. ont montré une association entre l’augmentation du peptide YY et l’augmentation des marqueurs de la résorption et de la formation osseuses après la RYGB25. Carrasco et al. ont également montré que la

diminution de la ghréline observée après la RYGB était associée à la diminution de la DMO totale et de la DMO à la colonne lombaire125. Enfin, ces évidences suggèrent que les changements de ces hormones, et peut-être

d’autres, pourraient être impliqués dans les changements osseux après la chirurgie bariatrique, mais ces mécanismes doivent être davantage étudiés. En ce qui concerne la DBP, il y a peu de données dans la littérature, mais des changements hormonaux majeurs sont anticipés vu la perte de poids importante et les changements anatomiques induits par la chirurgie.