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Chapitre 7. Article : Association entre les changements de l’ostéocalcine décarboxylée et de l’homéostasie du

8.2 Interprétation des résultats et comparaison avec les études publiées

Remodelage osseux et DMO post DBP

Nos résultats concernant l’augmentation du remodelage osseux concordent avec ceux des deux études prospectives publiées sur le remodelage osseux et la DBP. Granado-Lorencio et al. ont observé une augmentation du marqueur de la résorption osseuse CTX deux fois supérieure à l’augmentation du marqueur de la formation osseuse (OCN) à 3 mois et 1 an après la chirurgie104. Un débalancement similaire dans les

marqueurs de remodelage osseux a été observé 1 an après la DBP chez 52 femmes préménopausées105.

Cependant, la diminution de l’OCN dès 3 jours après la DBP n’était pas attendue, puisque l’étude de Yu et al. n’a montré aucun changement d’un autre marqueur de la formation osseuse (P1NP) à 10 jours après la RYGB25.

Notre étude est ainsi la première à montrer que la résorption osseuse augmente avant la perte de poids, dans les premiers jours suivant la DBP, et que l’augmentation de la formation osseuse survient ensuite mais de façon moindre, engendrant un débalancement entre la résorption et la formation osseuse qui perdure jusqu’à 1 an. Ce déséquilibre est supporté par la diminution de la DMO totale de près de 10 % à 1 an observée après la DBP, ce qui est bien au-delà de la perte osseuse attendue de 0,5 % à 1 % par année à cet âge. Une étude réalisée par Tsiftsis et al. a aussi évalué le changement de DMO après la DBP. Les auteurs rapportent une tendance vers une diminution de la DMO au niveau de la colonne lombaire de 7 % à un an après la DBP105. Comme

aucune étude n’a rapporté le changement de DMO du corps entier après la DBP, il n’est pas possible de comparer nos résultats directement avec ceux de la littérature, mais une perte semblable a toutefois été observée après la RYGB, une chirurgie de type mixte comme la DBP171.

Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l’augmentation du remodelage osseux ainsi que le débalancement entre la formation et la résorption osseuse observé après la DBP. En effet, la diminution de la formation osseuse que nous avons notée à 3 jours après la DBP peut être expliquée par la restriction calorique sévère172,173. De

plus, l’augmentation du stress oxydatif, du cortisol et de l’inflammation après l’opération pourraient contribuer à l’augmentation précoce de la résorption osseuse174,175. Un autre élément à prendre en compte est l’alitement

suite à la chirurgie. En effet, il a été démontré que l’alitement prolongé menait à une augmentation importante de la résorption osseuse, et à une diminution plus subtile de la formation osseuse111. Cependant, ce facteur est

possiblement mineur puisque les individus restent à l’hôpital qu’environ 2 jours après la chirurgie, pendant lesquels ils effectuent des légers déplacements pour prévenir cette conséquence. Dans les semaines suivant la chirurgie, la perte de poids importante pourrait également expliquer l’augmentation du remodelage osseux, ce qui est supporté par la forte corrélation entre le changement de CTX et la perte de poids à 3 mois et 1 an après la DBP101. Par nos études, nous avons démontré qu’un autre mécanisme possible est le changement de deux

ont également rapporté une association inverse entre le CTX et l’insuline176,177, une troisième étude n’a observé

aucune association178, ce qui appuie le besoin d’études supplémentaires pour confirmer la relation entre le

métabolisme osseux et le métabolisme du glucose précédemment décrite dans les études animales. De plus, à l’inverse de nos résultats, une association positive entre l’OCN et l’adiponectine a été rapportée dans des études in vitro et des études animales. En effet, ces études démontrent que l’OCN et l’adiponectine sont impliquées dans une boucle endocrine, alors que l’adiponectine stimule l’expression de l’OCN dans les ostéoblastes179,180,

et que l’OCN favorise l’expression de l’adiponectine dans les cellules adipeuses138,140. Cependant, nos résultats

démontrent une association négative entre l’OCN et l’adiponectine après la DBP. D’autres études sont donc nécessaires pour confirmer si les associations observées sont également présentes chez l’humain.

Contrairement à nos hypothèses, la sclérostine n’a pas augmenté significativement après la DBP. En effet, il était attendu que la diminution de la charge mécanique appliquée sur les os suite à la perte de poids stimule la sécrétion de sclérostine par les ostéocytes93,103,181. Muschitz et al. ont observé une augmentation importante de

la sclérostine dès un mois et jusqu’à deux ans après la RYGB93. Toutefois, les résultats concernant la sclérostine

sont controversés. Supportant les résultats de notre étude, Biagioni et al. ont observé une augmentation de la sclérostine à six mois, puis un retour au niveau de base à un an après la RYGB101. Ces divergences peuvent

être expliquées par différentes méthodes de dosage de la sclérostine, mais suggèrent également que d’autres facteurs, outre la perte de poids, interviennent dans la sécrétion de sclérostine après la chirurgie bariatrique.

Association entre le remodelage osseux et l’amélioration du métabolisme du glucose après la DBP

Notre étude est la première à évaluer s’il existe une association entre l’augmentation du remodelage osseux et l’amélioration de la sensibilité à l’insuline, la sécrétion d’insuline et la fonction des cellules bêta du pancréas après la DBP. Une seule étude, à notre connaissance, a montré une corrélation inverse entre l’augmentation du marqueur de la résorption osseuse CTX et la diminution de l’HbA1c après la RYGB25. Deux autres études

transversales ont également montré une association entre le CTX, l’ostéocalcine totale et certains indices du métabolisme énergétique. Basu et al. ont montré que les niveaux de CTX étaient positivement corrélés à la sensibilité à l’insuline, indiquant qu’une sensibilité à l’insuline supérieure est associée à un niveau plus élevé de résorption osseuse chez des hommes et des femmes en surpoids ou obèses170. L’étude de Bonneau et al. a

également montré que les niveaux d’ostéocalcine carboxylée, la forme inactive, étaient négativement associés à l’indice de sensibilité à l’insuline et positivement corrélés à l’HOMA-IR, soit l’indice de résistance à l’insuline hépatique. Ces résultats supportent donc le sens des associations trouvées dans notre étude. À l’opposé, l’ostéocalcine totale était positivement associée à l’indice de sensibilité à l’insuline et inversement corrélée à l’HOMA-IR, chez des femmes ménopausées non diabétiques, en surpoids ou obèses151. Étant donné le devis

remarque que tous les résultats vont dans le même sens, soit que des niveaux élevés de marqueur du remodelage osseux sont associés à une sensibilité à l’insuline supérieure, ou à une résistance à l’insuline inférieure, supportant une association entre le métabolisme osseux et glucidique chez l’humain.

Association entre l’ostéocalcine décarboxylée et l’amélioration du métabolisme du glucose

Les travaux de Ferron et al. ont démontré qu’il existait une boucle endocrine entre l’os, le pancréas et le tissu adipeux, permettant de réguler le métabolisme énergétique chez la souris32,135,137. En effet, lors du remodelage

osseux, la résorption osseuse crée un environnement au pH acide qui permet la décarboxylation de l’ostéocalcine, qui devient ainsi métaboliquement active. L’ostéocalcine décarboxylée stimule ensuite la sécrétion d’insuline par le pancréas, et la sécrétion d’adiponectine par le tissu adipeux, une adipokine connue pour améliorer la sensibilité à l’insuline au niveau du foie et du muscle. Nous avons ainsi été la première étude humaine à appuyer l’existence de la communication inter-organe précédemment observée chez la souris. En effet, nous avons révélé une association positive entre l’augmentation de CTX et l’augmentation de l’ostéocalcine décarboxylée, mais pas entre le CTX et l’ostéocalcine intacte. Ce résultat supporte notre hypothèse où la résorption osseuse serait nécessaire à la décarboxylation de l’ostéocalcine. En outre, l’augmentation de l’ostéocalcine décarboxylée était également associée à une diminution de la résistance à l’insuline au niveau du foie et du tissu adipeux, à une augmentation de la sensibilité à l’insuline musculaire et à une diminution de l’HbA1c, indépendamment de la perte de poids. Toutefois, nous n’avons pas pu confirmer

l’association positive trouvée chez la souris entre l’ostéocalcine décarboxylée et la sécrétion d’insuline. Nous avions une petite taille d’échantillon, ce qui a pu limiter notre puissance statistique. De plus, nos participants n’étaient pas tous atteints du diabète de type 2, ce qui augmente l’hétérogénéité de notre échantillon. Somme toute, ces résultats supportent le rôle potentiel de l’ostéocalcine décarboxylée parmi les mécanismes impliqués dans l’amélioration précoce de la sensibilité à l’insuline après la DBP.