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Mécanismes moléculaires de la sénescence

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B. La sénescence

2. Mécanismes moléculaires de la sénescence

Selon le signal initial responsable de l’induction de la sénescence, elle peut être caractérisée de sénescence réplicative ou prématurée. La sénescence réplicative est liée au raccourcissement des télomères à la suite de plusieurs cycles de division cellulaire. La sénescence prématurée est induite par des signaux de stress, dont en particulier des signaux

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de stress oncogénique, de stress oxydant, et aussi de stress induit par des agents thérapeutiques (dont des agents inducteurs de dommages à l’ADN ou de dysfonction télomérique).

L’activation de la sénescence, qu’elle soit réplicative ou prématurée passe en générale par l’induction de dommages à l’ADN et donc à l’activation des mécanismes de DDR.

a. La sénescence réplicative

La sénescence réplicative correspond à l’arrêt permanant du cycle cellulaire, pour des cellules primaires, après un certain nombre de divisions. Elle a été décrite pour la première fois par Hayflick et Moorhead et a été assez rapidement associée au processus de vieillissement et de carcinogenèse (Hayflick, 1965; Hayflick and Moorhead, 1961).

Cette sénescence traduit une capacité limitée de prolifération pour des cellules primaires en culture, et « l’horloge moléculaire » déterminant le nombre de divisions qu’une cellule peut réaliser est représentée par la taille des télomères. En effet, à chaque cycle de division cellulaire, l’ADN polymérase ne parvient pas à répliquer totalement l’extrémité télomérique du brin retardé, causant ainsi une érosion des télomères (Bodnar et al., 1998).

Or, la fonction du télomère est de protéger l’extrémité des chromosomes grâce à l’association d’un complexe de protéines avec l’ADN télomérique, appelé complexe

shelterin. Ce complexe empêche la reconnaissance de l’extrémité chromosomique comme

un signal de DSB (puisque cette extrémité est repliée dans un capuchon télomérique), et les protéines de ce complexe jouent un rôle inhibiteur vis-à-vis de la voie des DDR (voir partie VI-B.1 de ce manuscrit pour plus de détails sur ces processus).

Ainsi, des télomères trop courts empêchent la formation du complexe shelterin, laissant libre les extrémités chromosomiques, conduisant à l’activation de la voie des DDR, l’augmentation de l’expression de l’inhibiteur du cycle cellulaire p21 et l’entrée en sénescence (Figure 9) (d’Adda di Fagagna et al., 2003).

b. La sénescence prématurée

La dysfonction télomérique qui survient alors que la taille des télomères n’est pas limitante peut également induire la sénescence, qui est alors prématurée. Elle est le résultat d’une

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perturbation de la structure du complexe shelterin qui ne peut donc plus protéger l’extrémité des chromosomes. Ce phénomène peut être causé notamment par certains agents anti-prolifératifs qui induisent alors l’activation de la voie des DDR et la sénescence. Nous aborderons plus en détail les causes de la dysfonction télomérique dans la partie IV-B.

Un stress oncogénique peut également être à l’origine de l’induction de la sénescence prématurée. En particulier, il a été montré qu’une surexpression de Ras, Raf ou MEK, ou l’invalidation par exemple du gène suppresseur de tumeur PTEN conduisent à une induction de la sénescence (Chen et al., 2005b; Lin et al., 1998; Michaloglou et al., 2005; Serrano et al., 1997). Dans ce contexte, c’est la prolifération intensive des cellules qui génère un stress réplicatif, conduisant à un arrêt des fourches de réplication, l’activation de la voie des DDR qui induit un arrêt du cycle cellulaire et la sénescence (Bartkova et al., 2006; Di Micco et al., 2006).

De plus, la suractivation de ces oncogènes a été liée à une augmentation du stress oxydant qui est à l’origine de l’induction de la sénescence. En effet une production trop élevée de ROS peut être responsable de dommages à l’ADN et donc potentiellement inducteurs de la sénéscence (Kodama et al., 2013).

c. Les voies de signalisation responsables de l’induction de la sénescence

L’entrée en sénescence est classiquement associée à un arrêt en phase G1 du cycle cellulaire, mais des travaux récents suggèrent que la sénescence peut aussi se mettre en place à partir d’un arrêt en phase G2 (Gire and Dulic, 2015). La sénescence induite en réponse à divers stimuli est conduite par l’activation d’une des deux voies de signalisation qui conduisent à l’expression d’inhibiteurs de CDK pour arrêter le cycle cellulaire. Ces deux voies de signalisation sont la voie p53/p21 et la voie p38MAPK/p16/pRb (Figure 9).

L’activation de la voie p53/p21 dans l’établissement de la sénescence est généralement le résultat de l’induction de la sénescence en réponse à des dommages à l’ADN. C’est cette voie de signalisation qui est activée au cours de la sénescence réplicative, d’un dysfonctionnement des télomères, d’un stress réplicatif, ou bien en réponse à des agents génotoxiques (tels que certains agents anti-cancéreux) (Cosme-Blanco et al., 2007; Herbig et

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al., 2004; Krenning et al., 2014). Comme nous l’avons vu précédemment, en réponse à des dommages à l’ADN, p53 est rapidement stabilisé par phosphorylation (par ATM/CHK2 ou ATR/CHK1) et peut alors induire l’expression de p21. L’expression de p21 conduit ainsi à un arrêt du cycle cellulaire par inhibition de multiples complexes CDK/cycline, qui fournit normalement le temps nécessaire pour la réparation des dommages à l’ADN. Cependant, un prolongement de cet arrêt (à causes de dommages trop nombreux ou non réparables) conduit à l’établissement de la sénescence.

L’induction de la sénescence par la voie p38MAPK/p16/pRb fait intervenir une augmentation de l’expression de p16 qui inhibe l’activité des complexes CDK4/cycline D et CDK6/cycline D de la phase G1, empêchant ainsi la phosphorylation initiale de pRb et maintenant l’inhibition du facteur de transcription E2F. Un des mécanismes responsables de l’augmentation de l’expression de p16 pour l’établissement de la sénescence est l’activation de la voie Ras/Raf/MEK (Ohtani et al., 2001). Cette activation conduit à l’induction de l’expression du facteur ATF3 qui est alors responsable de l’inhibition de l’expression d’Id-1 (Inhibitor of DNA

binding). Il s’agit d’un inhibiteur des facteurs de transcription tels que Ets1 et Ets2. Ainsi

l’activité de ces facteurs de transcription est stimulée par l’activation de la voie MAPK (Mitogen Activated Protein Kinase), et ils sont alors responsables de l’induction de l’expression de p16.

Il a été décrit que l’activation prolongée de la voie de la p38MAPK est impliquée dans l’établissement du phénotype de SASP de façon indépendante d’ATM, via l’activation du facteur de transcription NF-κB (Nuclear Factor-Kappa B (Freund et al., 2011).

Il est intéressant de noter qu’il existe un lien entre l’activation de la voie des DDR et la voie p38MAPK/p16/pRb. En effet, il a été décrit qu’ATM et ATR sont capables d’activer la p38MAPK (Reinhardt et al., 2007). De plus l’activation de la p38MAPK est aussi responsable d’une stabilisation de l’ARNm de p21 conduisant à une augmentation de son expression (Lafarga et al., 2009).

Une autre voie de signalisation impliquée dans l’établissement du phénotype SASP a récemment été décrite et dépendrait de l’activité du facteur de transcription GATA4 qui est régulé par la voie des DDR et active aussi en aval le NF-κB (Kang et al., 2015).

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Ainsi, l’activation prolongée de l’ensemble de ces voies en réponse à des agents génotoxiques (comme des anti-cancéreux) conduit à l’établissement du phénotype de sénescence et à un arrêt de la prolifération des cellules.

Figure 9 : Voies de signalisation impliquées dans l'établissement de la sénescence

La convergence des signaux conduisant à l’arrêt du cycle cellulaire et à la sécrétion des SASP mène à l’établissement de la sénescence en réponse à des signaux de stress. Les protéines en rouge représentent les kinases en amont des voies de signalisation impliquées dans la sénescence, en violet les facteurs de transcription, en jaune les inhibiteurs des complexes CDK/Cycline. Les flèches en pointillées indiquent un lien indirecte.

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