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a- Les modulations de la pente de dépolarisation diastolique

Les modifications de la pente de dépolarisation diastolique vont résulter de la modulation des mécanismes ioniques impliqués dans cette dernière. En effet, la pente de dépolarisation diastolique est sous le contrôle de certains transporteurs ioniques tels que le courant If porté par les canaux de type HCN, et le courant calcique ICaT porté par les canaux calciques de type T. Une réduction ou une augmentation de ces courants ioniques va avoir pour conséquence un ralentissement ou une accélération de la pente de dépolarisation diastolique. Ces variations se traduisent par des modifications de la fréquence cardiaque. Par ailleurs, certaines cellules physiologiquement quiescentes peuvent dans certaines conditions développer une phase de dépolarisation diastolique leur conférant une activité électrique propre. Ces cellules constituent ainsi un foyer ectopique puisqu’il trouve son origine à l’extérieure des nœuds sinusal et atrio-ventriculaire. Cette activité ectopique est responsable de dépolarisations qui provoquent des contractions auriculaires arythmiques qui peuvent perturber l’efficacité de l’automatisme sinusal.

b- Les blocs auriculo-ventriculaires

Les troubles de conduction de l’influx électrique cardiaque ont de nombreuses étiologies. Néanmoins, la cause la plus fréquemment observée correspond à une dégénérescence progressive et idiopathique des voies de conduction (Lenègre et Moreau, 1963 ; Lev, 1964). Selon les différentes études, cette dégénérescence est responsable de 33 à 69% des cas de blocs auriculo-ventriculaires chroniques (Hejtamancik et al., 1956 ; Davies, 1976). Les autres causes souvent impliquées, correspondent à l’ischémie myocardique, aux calcifications dues à la présence de valvulopathies aortique et mitrale, et à différentes cardiomyopathies. Les blocs auriculo-ventriculaires peuvent être de degrés variables allant du simple ralentissement de la conduction jusqu’à son interruption complète. Ce type de pathologie nécessite l’implantation d’un stimulateur électrique cardiaque. Le degré des blocs auriculo-ventriculaires correspond à trois niveaux selon une gravité croissante :

- Le bloc de degré 1 (bloc AV I) : dans ce type de bloc, toutes les impulsions atriales sont transmises aux ventricules mais avec un délai. Ce temps de conduction

auriculo-ventriculaire est reflété par l’intervalle PR de l’électrocardiogramme, intervalle qui est prolongé en cas de bloc.

- Le bloc de degré 2 (bloc AV II) : une partie des impulsions auriculaires ne parvient pas aux ventricules. Il peut être dû à une atteinte du nœud auriculo-ventriculaire, avec un allongement progressif de l’intervalle PR jusqu’à disparition du complexe QRS. Il peut également avoir pour origine une atteinte de l’une des branches du faisceau de His avec une absence du complexe QRS mais sans modification préalable de l’intervalle PR.

- Le bloc de degré 3 (bloc AV III) : l’influx électrique se propage dans les oreillettes, mais il est stoppé au niveau du nœud auriculo-ventriculaire. Le faisceau de His et ses ramifications (les fibres de Purkinje) prennent alors le relai et servent ainsi de foyer d’automatisme secondaire mais avec une fréquence trop lente pour assurer une activité cardiaque normale.

c- Les postdépolarisations précoces

Les postdépolarisations précoces ou EADs (EADs pour « Early After Depolarisations ») sont des dépolarisations transitoires de la membrane cellulaire qui peuvent être à l’origine de la mise en place d’un trouble du rythme cardiaque. Elles se déclenchent durant les phases 2 et 3 du potentiel d’action (Davidenko et al., 1989). Les EADs correspondent, au cours du plateau du potentiel d’action, à une re-dépolarisation de la membrane au lieu de la repolarisation attendue. Un exemple d’EAD est montré sur la trace 4 du potentiel d’action épicardique de la figure H34 (page 79). La prolongation des phases 2 et 3 du potentiel d’action a pour conséquence le maintien des cellules à des valeurs de potentiel membranaire pour lesquelles l’entrée de calcium et de sodium est rendue possible. Cette entrée de cations asynchrone déclenchant l’EAD est attribuée à l’échangeur Na/Ca, aux canaux sodiques et surtout aux canaux calciques (Grant et Katzung, 1976 ; January et Riddle, 1989 ; Milberg et al., 2008). La prolongation du potentiel d’action qui favorise le déclenchement des EADs peut également être la conséquence d’un désordre génétique, comme dans le cas du syndrome du QT long congénital (voir chapitre IV). Les EADs se développent de façon préférentielle dans les cellules de Purkinje et les cellules du mésocarde ou cellules M, du fait de la durée du potentiel d’action plus importante dans ces deux types cellulaires (Antzelevitch et Sicouri, 1994 ; Lu et al., 2002). Comme cela a été mentionné dans le chapitre I d page 24, les EADs seraient responsables de l’apparition d’une onde U sur le signal électrocardiographique.

d- Les postdépolarisations tardives

Les postdépolarisations tardives ou DADs (DADs pour « Delayed After depolarizations » sont des dépolarisations transitoires de la membrane cellulaire pouvant être l’élément déclencheur d’un trouble du rythme cardiaque. Les DADs, contrairement aux EADs qui apparaissent pendant le plateau du potentiel d’action, se déclenchent après la repolarisation de la membrane au potentiel de repos. La dépolarisation transitoire de la membrane résulte d’une surcharge calcique intracellulaire (Ferrier et al., 1973 ; Kass et al., 1978). Les DADs seraient consécutives à l’activation de transporteurs ioniques tels que l’échangeur sodium/calcium, un canal chlorure dépendant du calcium et/ou un canal cationique non sélectif (Kass et al., 1978 ; Colquhoun et al., 1981 ; Zygmunt et al., 1998 ; Schlotthauer et Bers, 2000 ). La composante cationique non sélective pourrait être portée par le canal TRPM4 (Demion et al., 2007). Le calcium représente l’élément commun qui est responsable de l’activation de ces trois types de transport ionique. Si les DADs sont d’une amplitude suffisante pour atteindre le seuil d’activation des canaux sodiques, un potentiel d’action est alors déclenché. Il peut être unique (extrasystole) ou bien générer un train d’extrasystoles qui sera responsable d’une arythmie soutenue.

e- Les arythmies de réentrée

Les arythmies sont provoquées par des anomalies de la conduction de l’influx électrique à travers le myocarde. En conditions physiologiques, l’influx se propage en sens unique. Dans ces conditions normales les cellules myocardiques possèdent une période réfractaire au cours de laquelle elles sont inexcitables, empêchant ainsi la conduction rétrograde. Dans des conditions physiopathologiques, l’influx électrique peut emprunter un circuit de réentrée avec pour conséquence une propagation rétrograde qui sera à l’origine de la réexcitation du tissu précédemment dépolarisé (Janse et Wit, 1989) (Figure H30). La mise en place d’un circuit de réentrée peut résulter de plusieurs conditions, notamment la présence d’un bloc de conduction unidirectionnel, une zone de conduction ralentie ou des périodes réfractaires adaptées (Le Marec, 1987 ; Haberl et Allessie, 1999). Ce circuit va prendre naissance autour d’un substrat anatomique ou fonctionnel. Le substrat anatomique peut être représenté par une bifurcation du réseau de fibres de Purkinje ou par une jonction entre une fibre de Purkinje et le ventricule, alors que le substrat fonctionnel est typique d’une zone où la conduction est fortement altérée ou absente (Valderrrabano et al., 2001 ; Spach, 2001).

Figure H30 : représentation schématique d’un circuit de réentrée (d’après Le Marec, 1987). A, A’, C, C’, D, et

D’ correspondent à des zone de conduction rapide, et B et B’ à des zone de conduction lente. 1 : l’impulsion issue de A est acheminée rapidement en C et D. Du fait de la présence d’un bloc de conduction unidirectionnel, elle traverse la zone B dans le sens rétrograde avec un ralentissement de propagation. Si ce dernier est suffisant à ce que le tissu adjacent à B soit sorti de sa période réfractaire, apparaît alors une réentrée. La boucle de réexcitation qui est appelée réentrée peut ensuite être entretenue si les conditions de période réfractaire et de conductions sont ainsi maintenues. 2 : Dans cette seconde configuration, l’impulsion est bloquée en C’ et elle est acheminée en B’ ou est présente une zone lente de conduction. Elle se propage ensuite en D’ mais également de façon rétrograde en C’, où les cellules sont sorties de leur période réfractaire permettant alors la mise en place d’une réentrée.

La présence d’un bloc de conduction unidirectionnel nécessaire à la mise en place d’un circuit de réentrée peut être la conséquence de plusieurs phénomènes :

- Le premier concerne la proportion entre les cellules génératrices et les cellules réceptrices de l’influx électrique. Lorsque la zone de cellules qui transmet ce dernier est plus importante que celle qui le reçoit, une période réfractaire homogène est observée pour l’ensemble des cellules réceptrices. A l’inverse, lorsque la zone émettrice n’est pas suffisante pour la dépolarisation de toutes les cellules réceptrices, il en résulte une hétérogénéité des périodes réfractaires pouvant être à l’origine de l’apparition d’un bloc de conduction.

- Le second correspond à une période dite « de vulnérabilité ». Chaque potentiel d’action est suivi par une fenêtre critique de temps et de potentiel durant laquelle peut s’établir un bloc de conduction unidirectionnel. Dans ce cas, le potentiel d’action généré, est responsable du passage en période réfractaire des cellules dans le sens antérograde de conduction, alors que les cellules dans le sens rétrograde présentent une conductance sodique sortie de son état d’inactivation et pouvant alors à nouveau être activée (Shaw et Rudy, 1995).

- Le troisième est représenté par la dispersion de la repolarisation. En effet, selon les zones tissulaires concernées, la durée du potentiel d’action est variable. Cette différence va

générer des temps de diastole qui ne seront pas les mêmes dans les différents tissus cardiaques et qui seront responsables d’une variation dans la proportion de canaux sodiques à nouveau réactivables. Ce mécanisme entraîne une hétérogénéité de la propagation de l’influx électrique, qui permet alors la mise en place d’un bloc de conduction unidirectionnel (Carmeliet et Vereecke, 2000).

Le circuit de réentrée peut avoir une taille dite « macro » ou « microscopique ». Cette taille est fonction du centre inexcitable correspondant à l’obstacle autour duquel s’effectue le circuit de réentrée. Trois grands types de réentrées stables ont été décrits, à savoir celles par mouvement circulaire ou « leading circle reentry », celles liées à l’anisotropie (terme qui défini la vitesse de conduction de l’influx), et celles par mouvement spiral (Carmeliet et Vereecke, 2000).