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Mécanismes de formation et évolution des minéralisations à antimoine et antimoine-or antimoine-or

Généralités sur la chaîne varisque en Europe de l’Ouest

Chapitre 2. Les minéralisations à antimoine et antimoine-or du domaine Vendéen

2.7. Synthèse et discussion des résultats

2.7.1. Mécanismes de formation et évolution des minéralisations à antimoine et antimoine-or antimoine-or

La mise en place des 2 types de minéralisations à antimoine est polyphasée et leurs évolutions peuvent être divisées en 4 étapes successives résumées dans la Figure 78. Chaque stade correspond à la mise en place d’une génération différente de quartz minéralisé ou stérile.

Le stade précoce (stade 1) montre les plus grandes différences. Pour les minéralisations de type « fentes de tension », il est initié par une bréchification tectonique qui est à l’origine de la création d’une porosité de fracture importante. Une première génération de quartz en peigne stérile (Qz1), discrète se met en place autour des clastes d’encaissants hydrothermalisés pour former des brèches en cocardes. Une bréchification à dominante hydraulique est associée à la cristallisation massive du quartz microcristallin (Qz2) qui colmate les vides créés précédemment. Elle est contemporaine de la venue de la paragenèse métallique à arsénopyrite et pyrite de la fin du stade 1 (Fig. 78A) mise en place à faible température entre 300-330°C (géothermomètre de l’arsénopyrite). Ces dernières températures sont tout à fait cohérentes avec les estimations calculées sur les illites associées au début du stade 1 (entre 250 et 350°C). Les cavités résiduelles vont ensuite être progressivement comblées par les générations de quartz en peignes ou pyramidés et fibroradiés (Qz3) qui poussent en épitaxies sur la génération précédente (Qz2). Le quartz Qz3 est accompagné par la discrète paragenèse à sphalérite et chalcopyrite du stade 2 (Fig. 78A). La stibine associée à la

Ag (W%) Au Hg Sb Total Rochetrejoux 0.40 95.01 1.62 0.25 97.26 Rochetrejoux 0.43 95.39 1.93 0.20 97.94 Rochetrejoux 0.46 95.41 1.52 0.25 97.64 La Davière 0.40 99.40 bdl 0.38 100.17 La Davière 0.45 92.94 bdl 4.52 97.91 La Davière 0.43 89.99 bdl 6.88 97.30 La Davière 0.27 90.60 bdl 6.39 97.26 La Télachère 0.77 87.42 bdl 1.84 90.03

147 venue du quartz pyramidé Qz4 va clore le processus avec le colmatage définitif des cavités durant le stade 3.

Les textures de brèches à cocardes et les textures de cristallisation des différentes générations de quartz sont similaires à celles observées dans les gisements filoniens de type épithermal formés dans des niveaux très superficiels de la croûte (e.g. Dowling and Morison, 1988 ; White and Hedenquist, 1990 ; Dong et al., 1995 ; Kontak et al., 1996 ; Simmons et al. 2005 ; Chauvet et al. 2006 ; Shimizu 2014). Cela suggère un dépôt proche de la surface, dans les 5 premiers kilomètres de la croûte, ce qui est attesté par les déformations cassantes, ainsi que par le régime de pression hydrostatique dominant qui contrôle sa mise en place. Les caractéristiques précédentes sont en faveur d’un mécanisme de formation par remplissage d’ouverture successif, ou encroûtement (Jébrak, 1992 ; Gaboury et Daigneault, 2000), qui pourrait se former grâce à un mécanisme de type « suction pump » (Sibson, 1987). Ce modèle propose que les mouvements sismiques sur les failles induisent l’ouverture soudaine de la caisse filonienne qui provoque une baisse brutale de la pression du fluide. Elle aura pour effet l’aspiration les fluides situés autour de la faille par mécanisme de pompage et leurs drainages vers les zones de faille en transtension, qui correspondent le plus souvent à des zones de relais, où ils vont précipiter pour former les minéralisations et colmater les ouvertures. La mise en place du quartz microcristallin au stade 1 est interprétée comme le résultat de la cristallisation d’un gel de silice durant une rapide chute de pression (Bouchot et al., 1994) ce qui est cohérent avec le mécanisme de formation proposé, de même que les indices de mouvements décrochants associés à la mise en place des minéralisations. De plus, l’habitus de cristallisation des arsénopyrites est similaire à celles du Chatelet (Nord du Massif central) et indique aussi une cristallisation rapide (Bonnemaison et Marcoux, 1990 ; Wu et al., 1989 ; Wu, 1990). Alors que les habitus des quartz macrocristallins, pyramidés et en peignes du Qz3 et Qz4 résultent quant à eux d’une croissance lente, indiquant une diminution de l’apport en fluide vers les zones en ouvertures qui serait expliqué par le colmatage de la fracturation par la cristallisation de la paragenèse du stade 1.

Dans le cas des minéralisations de type « failles en cisaillement » les mécanismes de formation sont grandement différents même si la paragenèse métallique demeure assez similaire. Le premier remplissage quartzeux s’apparente à la formation d’un filon de quartz stérile, faiblement déformé (QzA) qui subit ensuite un important épisode de cataclase (stade 1) où l’impact des fluides semble faible par rapport aux processus de broyages mécaniques provoqués par les glissements le long de failles cisaillantes. Ce mécanisme semble contrôlé par un régime de pression hydrostatique moins important et permet la formation des ouvertures qui sont ensuite brutalement comblées par le quartz microcristallin (QzB) ainsi que par l’arsénopyrite et la pyrite qui cristallisent à la fin du stade 1,

148 à haute température entre 360-430°C (géothermomètre de l’arsénopyrite). La cataclase se produit dans un environnement purement cassant, aucun marqueur d’une déformation ductile n’a été observé. Il est supposé que son environnement de formation soit proche de celui des minéralisations précédentes. L’évolution de la caisse filonienne se poursuit vers une fracturation en régime hydrostatique dominant avec une bréchification assistée par les fluides au regard des filonnets de quartz en peignes très cristallins disposés en stockwerk dans lesquels se mettent en place les minéralisations du stade 2 et 3 (Fig. 78B). Cette étape semble similaire à celle de mise en place du type « fentes de tensions » ce qui est cohérent avec la composition chimique des minéraux comme la stibine, commune pour les 2 types de minéralisations. La paragenèse associée à la stibine (stade 3) a une chimie plus diversifiée dans les minéralisations de type « failles en cisaillement » avec du cuivre et de l’argent présents sous la forme de chalcostibite et tétraédrite.

Un stade de réouverture tardif (stade 4) de basse température (< 200 °C) est reconnu d’après sa paragenèse. Il est présent sur les 2 types de minéralisations et est rattaché à la formation des minéralisations à fer, plomb et barytine du Poitou au Lias (Marcoux et al., 1984 ; Fouquet, 1980).

L’antimoine est introduit de manière précoce dans la minéralisation sans pour autant qu’il y soit exprimé minéralogiquement. Cela pourrait signifier que les conditions de pression et température durant cette période ne sont pas propices à sa précipitation. L’or est présent dans la plupart des minéralisations du district. Il se présente sous forme d’or natif cogénétique de la stibine (stade 3 ; Fig. 77) reconnu dans les 2 types de minéralisation. Les analyses des teneurs or par LA-ICP-MS, avec un seuil de détection plus faible ont permis de mettre en évidence la présence dans le stade précoce « d’or invisible » dans le réseau cristallin de l’arsénopyrite (Cabri et al., 1989 ; Bonnemaison et Marcoux, 1990 ; Cook et Chryssoulis, 1990 ; Genkin et al., 1998 ; Cook et al., 2013 ; Large et al., 2011 ; Morey et al., 2008 ; Sung et al., 2009 ; Cathelineau et al., 1989 ; Johan et al., 1989) dans les minéralisations de la Télachère (265 ppm en moyenne), des Brouzils et de la Chardière (20,8 et 36 ppm respectivement). Notre étude semble montrer que la présence de ce métal (invisible ou visible) est systématique dans les 2 types de minéralisation du district, même dans des minéralisations comme aux Brouzils qui jusqu’à présent été considérées comme ne pas en contenir. Les minéralisations du type « failles en cisaillement » comme la Chardière présentent les plus fortes teneurs en or (> 5 g/t Au) en roche qui sont associées à la présence d’or visible (Allon, 1981). Elles montrent aussi des températures de formation plus élevées, un mécanisme de formation différent, des éléments qui pourraient expliquer pourquoi les minéralisations de type « fentes de tension » sont beaucoup moins riches en or.

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Figure 78 : A) Succession paragénétique des minéralisations filoniennes à antimoine du type « fentes de tension ». B) Succession paragénétique des minéralisations filoniennes à antimoine du type « failles en cisaillement ». Les minéraux en bleu n’ont pas été observés durant cette étude mais proviennent des descriptions de Marcoux et al. (1984).

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2.7.2. Contrôle structural et âge relatif des minéralisations

Les minéralisations de type « fentes de tension » se développent soit dans les structures filoniennes orientées N20°W à N25°E comme aux Brouzils ou N80-90°E à fort pendage vers le Nord comme à la Ramée. Elles se mettent en place en contexte cassant et les stries sub-horizontales observées le long de la structure filonienne des Brouzils (Vasquez Lopez et Blouin, 1991) ainsi que les crochons (Les Brouzils et Rochetrejoux ; Fig. 46) suggèrent des mouvements principaux décrochants à faible composante normale. Un seul épisode tectonique ne peut expliquer la formation synchrone de fentes de tension d’orientation quasiment perpendiculaire entre elles (Fig. 79), même si l’ensemble de leurs caractéristiques texturales, minéralogiques et chimiques sont grandement identiques. Un modèle de mise en place en 2 stades parait être la solution la plus simple et efficace pour expliquer cette structuration, tout en étant en adéquation avec l’évolution tectonique régionale. Cette hypothèse a déjà été proposée par Marcoux et al. (1984) à laquelle il est possible de faire certaines améliorations qui sont discutées dans les paragraphes suivants. Néanmoins il faut garder à l’esprit que l’évolution tectonique de la région, au Carbonifère supérieur reste débattue et que le manque d’affleurement ne permet pas de préciser les cinématiques lors du dépôt de la minéralisation.

Le stade 1 serait contrôlé par une direction de raccourcissement maximale sub-horizontale

E-W, (Z1-a dans la Fig. 79) interprétée d’après l’orientation des minéralisations. L’axe de raccourcissement Z1-a permettrait d’ouvrir sous forme de fentes de tension des structures filoniennes proches de la direction de Z1-a comme celles de la Ramée, N80-90°E. Cette direction induirait aussi l’apparition de mouvements senestres sur la faille de Secondigny. Ce type de mouvement a été rapporté par Rolin et Colchen (2001) et les auteurs l’ont estimé d’âge Westphalien (315-305 Ma) car les derniers leucogranites, syn-tectoniques, mis en place dans le granite de Mortagne sont affectés par des déformations senestres.

Le stade 2 serait caractérisé par une direction de raccourcissement maximal sub-horizontale

N-S (Z1-b dans la Fig. 79), responsable de l’ouverture des structures filoniennes en fentes de tensions proches de la direction de Z1-b comme celles des Brouzils (N20°W à N25°E). Elle pourrait aussi permettre la mise en place des minéralisations de type « failles en cisaillement », le long des structures filoniennes N120-130°E comme celles de la Chardière et N130-140°E (la Véronnière), à jeu principal dextre. Dans ce stade, la minéralisation de la Télachère, de directions N40-50°E, pourrait correspondre à des failles conjuguées senestres (Fig. 79). La direction de Z1-b est cohérente avec celle responsable du principal évènement tectonique dextre reconnu sur l’ensemble de la BSCSA et dans le domaine Sud-armoricain et Ligérien (Jegouzo, 1980 ; Rollin and Colchen, 2001 ; Lemarchand

151 et al. 2011). D’après ces auteurs, cet évènement a eu lieu pendant le Carbonifère supérieur, entre 305-290 Ma, un âge estimé d’après le remplissage des bassins sédimentaires syntectoniques comme celui du Sillon Houiller de Vendée.

L’âge de la mise en place des minéralisations à Sb(Au) du district de Vendée peut donc être estimé entre 315 et 290 Ma. A l’échelle régionale sa mise en place serait contrôlée par un régime en décrochement. La BSCSA jouerait un rôle primordial dans la genèse de ces minéralisations en étant le drain majeur des fluides minéralisateurs, ainsi qu’en contrôlant l’ouverture du vaste système de faille d’ordre secondaire où la minéralisation se dépose.

Figure 79 : Modèle structural schématique de formation des minéralisations filoniennes à Sb et Sb(Au) du district de Vendée en 2 étapes tectoniques. Z1-a correspond à l’axe de raccourcissement maximal interprété durant la mise en place des minéralisations E-W de type « fentes de tension ». Z1-b correspond à l’axe de raccourcissement maximal interprété pour la mise en place des minéralisations de type « fentes de tension » N-S et du type « failles en cisaillement ».

Chapitre III

Modélisation 3D du gisement