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Mécanismes de l'extrusion basale

Chapitre V : Maintien de l’homéostasie des épithéliums : L’extrusion cellulaire

3. Mécanismes de l'extrusion basale

3.1 Analogie entre la morphogénèse mammaire et l'extrusion basale : des

mécanismes en communs ?

Lors de la morphogénèse, au niveau du bourgeon terminal (TEB pour Terminal End Bud) lors de l’élongation des canaux mammaires, les cellules luminales internes forment des protrusions riches en actine et migrent au sein de l’épithélium stratifié avant de s’intercaler au niveau de la surface basale du tissu épithélial (Ewald et al., 2012; Neumann et al., 2018). La morphologie en « goutte d’eau » de ces cellules migratrices et leurs protrusions d’actine observées dans ce modèle de morphogenèse sont très similaires à celles des cellules protrusives aPKCi+. De plus, au niveau de ces TEB, la polarité apico-basale des cellules épithéliales est altérée et les cellules alternent entre une polarité apico-basale et une polarité migratoire (Burute et al., 2017; Ewald et al., 2012). Ainsi, les mécanismes mis en jeu lors de l’élongation des canaux et ceux de l'extrusion et de l'invasion dus à la surexpression d’aPKCi présentent des similitudes et il serait intéressant de s’interroger si aPKCi, grâce à ces propriétés pro-migratrices, pourrait jouer un rôle dans la formation des TEB lors de la morphogenèse de la glande mammaire.

Lors de l’élongation du canal mammaire, la migration et l’intercalation des cellules sont permises grâce à la coordination entre l’activation d’une voie de signalisation dépendante des RTKs et la mise en place d’un gradient de tension le long de l’axe antéro-postérieur des cellules migratrices. La formation des protrusions est dépendante de la signalisation suivante : FGF RTK Ras Pi3K Tiam1 Rac1 Arp2/3 Polymérisation de l’actine. Une balance entre la tension appliquée au niveau postérieur et la tension établie au niveau de la protrusion permet le mouvement des cellules au sein du tissu (Neumann et al., 2018). Ainsi, comprendre si les RTKs peuvent intervenir dans l’extrusion basale des cellules aPKCi+ dans un environnement contenant de nombreux facteurs de croissances serait intéressant. Par ailleurs, dans notre modèle d’organoïdes, les cellules protrusives aPKCi+, entourées de cellules WT, présentent une augmentation de l’activité de la myosine II au niveau de la protrusion et au niveau du pôle apical, correspondant à l’arrière de la cellule dans le cas de la mise en place d’une nouvelle polarité de migration (Manuscrit - Figure 3D). Un gradient de tension le long des cellules aPKCi+ pourrait être mis en place par les cellules aPKCi+ entraînant leur exclusion de l’épithélium. Néanmoins, il est nécessaire de prendre en compte le rôle des

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cellules voisines WT dans la mise en place de ce gradient de tension. En effet, nous avons montré in vitro que l’augmentation de l’activité de la myosine II à la protrusion et au niveau apico-latéral des cellules aPKCi+ n’est observée que lorsque les cellules aPKCi sont entourées de cellules voisines normales (Manuscrit - Figure 3 A/B/C, Figure S5B et Figure Annexe 1E).

3.2 Le couplage aux jonctions intercellulaires aPKCi+/WT, associant une

diminution de la vinculine et une augmentation de la contractilité promeut

l’extrusion basale des cellules aPKCi+

L’extrusion oncogénique apico-basale est un événement spécifique des interfaces cellules oncogéniques/cellules WT, démasquant le rôle des cellules voisines dans les processus d’extrusion. La cellule oncogénique elle-même subit également des changements spécifiques conduisant à son exclusion de l’épithélium (Anton et al., 2014; Kon et al., 2017; Saitoh et al., 2017). Dans cette étude, nous montrons que la coordination entre une augmentation de la tension jonctionnelle spécifique de l’interface cellulaire aPKCi+/WT (Manuscrit - Figure 3, vidéo 3 et Figure Annexe 1D/E) et la diminution de la vinculine aux jonctions adhérentes, au profit des adhésions focales, spécifique des cellules aPKCi+ (Manuscrit - Figure 4A/D/E et vidéo 4), promeut l’extrusion basale des cellules aPKCi+. L’association entre l’augmentation de la tension jonctionnelle et la diminution de la vinculine à l’interface aPKCi+/WT est surprenante. En effet, la vinculine est un mécano-transducteur au niveau des FAs et des jonctions adhérentes. Plus particulièrement au niveau de ces dernières, elle est recrutée en présence d’une forte tension et stabilise ainsi le cytosquelette d’actine aux jonctions adhérentes (Charras and Yap, 2018; le Duc et al., 2010; Ladoux et al., 2015b). Ce recrutement n’est pas nécessaire pour la formation des jonctions mais est requis pour leur stabilité (Seddiki et al., 2018). La surexpression d’aPKCi inhibe le recrutement de la vinculine aux jonctions adhérentes indépendamment de la tension exercée, et cela malgré une forte tension entre les cellules aPKCi+ et les cellules WT, révélée par l’augmentation l’activité de la MNMII et de la vitesse initiale de recul aux jonctions aPKCi+/WT (Manuscrit – Figure 3 et vidéo 2/3). Comment l'activité de la MNMII est augmentée dans les cellules aPKCi+, spécifiquement à l'interface des cellules aPKCi+/WT, reste à déterminer. De plus, il reste à comprendre si cette augmentation de l'activité de la MNMII et la diminution de la vinculine à

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l'interface WT/aPKCi+ sont deux processus dépendants ou indépendants dans l'extrusion basale des cellules aPKCi+.

3.3 Modification des propriétés mécaniques lors de l’extrusion cellulaire

La rigidité du cytoplasme des cellules aPKCi+, entourées de cellules normales, est augmentée par rapport aux cellules contrôle (Manuscrit - Figure S6B), suggérant que la modification des propriétés physiques d'une cellule oncogénique favorise l’extrusion de cette cellule. Ainsi, une cellule ayant une rigidité cytoplasmique différente des cellules adjacentes serait exclue de l’épithélium. Il existe peu de données concernant des variations des propriétés physiques des cellules dans l'extrusion. A l’inverse de nos observations, J. Rosenblatt avait émis l’hypothèse qu’une cellule oncogénique « plus molle » pourrait être exclue de l’épithélium (Slattum and Rosenblatt, 2014).

En revanche, des études ont étudié les différences mécaniques entre les cellules cancéreuses et les cellules normales. Les tumeurs sont plus rigides que les tissus environnants, notamment les tumeurs mammaires, mais il n’est pas clair si cette rigidité provient des cellules cancéreuses elles-mêmes ou du stroma environnant (Levental et al., 2009). A l'inverse, les cellules cancéreuses isolées sont très souvent considérées comme plus molles, et leur capacité de déformabilité est corrélée au potentiel invasif (Alibert et al., 2017). De façon surprenante, les cellules aPKCi+, entourées de cellules WT, ont un cytoplasme plus rigide que les cellules contrôle, cependant la rigidité de leur cortex et de leur noyau n’a pas été mesurée. De plus, la rigidité cytoplasmique des cellules aPKCi+ a été mesuré lorsqu'elles sont entourées de cellules normales. Il est possible que la rigidité cytoplasmique des cellules aPKCi+ ne varie seulement en présence de cellules normales, ce qui serait un processus spécifique de l'extrusion cellulaire. Ainsi, il serait intéressant de mesurer cette rigidité cytoplasmique dans une population homogène de cellules aPKCi+, afin d’identifier le rôle des cellules adjacentes dans les variations de la rigidité cytoplasmique.

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