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PARTIE I : Introduction bibliographique

5. Mécanismes de l’éradication tumorale post-PDT

La PDT peut induire une régression tumorale par l’action combinée de divers mécanismes : un effet direct de destruction des cellules tumorales, et des effets indirects, associant destruction des vaisseaux tumoraux (et régression consécutive de la tumeur par asphyxie) à une réponse inflammatoire et immunitaire de l’hôte.

On estime qu’il est nécessaire d’avoir une combinaison de ces effets pour le contrôle des tumeurs à long terme [5]. La prépondérance de l’un ou l’autre de ces effets va dépendre du type de tumeur, du photosensibilisateur (e.g. caractéristiques pharmacocinétiques, localisation intratissulaire et intracellulaire) et des conditions de PDT utilisées [24].

Pour résumer, trois mécanismes contribuant à l’éradication tumorale ont été identifiés (Figure 7) :

un effet direct de destruction des cellules tumorales par nécrose, apoptose, autophagie ou sénescence ;

un effet indirect par destruction de la vascularisation tumorale provoquant une privation de la tumeur en nutriments et oxygène et par conséquent, l’irradication tumorale ;

Figure 7 : Mécanismes de destruction tumorale associée à la PDT, adapté de [25]. Le traitement photodynamique induit un stress oxydatif au niveau des cellules tumorales et des cellules endothéliales vasculaires du tissu tumoral. Les dommages vasculaires ainsi engendrés conduisent à la destruction vasculaire du tissu tumoral et ainsi à l’asphyxie de la tumeur. D’autre part, les lésions directes induites aux cellules tumorales provoquent la mort de ces cellules. La nécrose des cellules tumorales, mais également les dommages aux cellules endothéliales vasculaires, provoquent l’activation du système immunitaire. Les macrophages activés sur le site tumoral phagocytent les débris cellulaires tumoraux et présentent leurs antigènes aux cellules de l’immunité spécifique.

TRAITEMENT PHOTODYNAMIQUE

REACTION INFLAMMATOIRE

Stress oxydant

Lésions au niveau des cellules tumorales DESTRUCTION DIRECTE DES CELLULES TUMORALES (apoptose/nécrose) Dommages vasculaires Occlusion vasculaire MORT ISCHEMIQUE

Invasion des cellules inflammatoires

MORT INDUITE PAR DES CELLULES IMMUNITAIRES

Phagocytose des cellules et débris tumoraux Présentation des antigènes tumoraux REPONSE IMMUNITAIRE SPECIFIQUE (Lymphocytes T) IMMUNITE TUMORALE SYSTEMIQUE TRAITEMENT PHOTODYNAMIQUE REACTION INFLAMMATOIRE Stress Dommages vasculaires Occlusion vasculaire MORT ISCHEMIQUE

MORT INDUITE PAR DES CELLULES IMMUNITAIRES

NON SPECIFIQUES

(e.g. neutrophiles)

Phagocytose des cellules

Présentation des antigènes tumoraux REPONSE IMMUNITAIRE SPECIFIQUE IMMUNITE TUMORALE SYSTEMIQUE

(e.g. macrophages, cellules dendritiques, lymphocytes B) (e.g. macrophages) EFFET DIRECT EFFET ANTI -VASCULAIRE (INDIRECT) EFFETS IMMUNITAIRES (INDIRECT) Dose létale Dose sublétale

a. Effets directs de la PDT

La PDT peut agir directement sur les cellules néoplasiques induisant plusieurs processus biologiques possibles conduisant à la mort cellulaire en fonction du type cellulaire, de la dose de lumière, notamment l’irradiance, de la localisation cellulaire du photosensibilisateur et de la concentration en O2 [5, 24, 26].

La nécrose est un processus biologique se traduisant par une forme violente et rapide de dégénération cellulaire classiquement caractérisée par le gonflement du cytoplasme, la destruction des organites et la rupture de la membrane plasmique, conduisant au relargage du contenu cellulaire et à une réaction inflammatoire tissulaire. Il s’agit d’une mort cellulaire non génétiquement programmée. En PDT, la nécrose est induite par une forte dose de photosensibilisateur et de lumière [27]. Lavie et al. ont montré qu’une forte irradiance en PDT inhibait l’apoptose en agissant sur les lamines nucléaires [27]. La localisation du photosensibilisateur au niveau de la membrane plasmique induit des photodommages membranaires caractérisés par une photo-oxydation des phosphilipides membranaires. Cette perte ainsi générée de l’intégrité membranaire conduit à la nécrose de la cellule [28]. D’autres facteurs sont également importants pour la prévalence de la nécrose dans les cellules traitées par PDT, tels que la mutation de la protéine pro-apoptotique p53. Mikes et al. ont comparé la réponse post-PDT induite à l’hypéricine des lignées cellulaires HeLa et HT-29 [29]. La nécrose prédomine dans la lignée HT-29, exprimant une protéine p53 mutée. La lignée HeLa répond au traitement par l’induction de l’apoptose. Malgré cette différence de réponse, les deux lignées cellulaires présentent le même niveau de réponse au traitement.

Contrairement à la nécrose, l’apoptose est une mort cellulaire dite génétiquement programmée, caractérisée par un rétrécissement cellulaire et un bourgeonnement de la membrane plasmique. La membrane plasmique et celle des organites maintiennent leur intégrité. Les cellules se fragmentent en vésicules qui sont ensuite phagocytées par les cellules du système immunitaire. Il n’y a donc pas de relargage du contenu cellulaire et de réaction inflammatoire in vivo. L’initiation du processus apoptotique nécessite la transcription de gènes spécifiques, l’activation d’endonucléases qui vont fragmenter l’ADN et l’activation de la voie des caspases. L’apoptose est déclenchée par des doses en PDT moins élevées que pour la nécrose [24, 30]. L’apoptose peut être induite par plusieurs voies de signalisation intracellulaire en fonction de la colocalisation cellulaire du

photosensibilisateur et des organites endommagés par les réactions de photo-oxydation [26] (Figure 8). Le photosensibilisateur peut se localiser au niveau de la membrane mitochondriale. Son activation conduit donc à la rupture de l’intégrité membranaire mitochondriale et donc au relargage dans le cytosol du cytochrome c qui va activer l’apoptosome et la procaspase 3 [31, 32]. Morris et al. ont montré que la phtalocyanine 4 (Pc4) induisait des photodommages aux protéines anti-apoptotiques Bcl-2 et Bcl-xL, contribuant ainsi à l’activation de l’apoptose [33]. De nombreuses équipes ont montré la relation entre la localisation des photosensibilisateurs au niveau du réticulum endoplasmique (RE) et l’activation de l’apoptose par l’intermédiaire des mitochondries [31, 34, 35]. Le stress photoinduit au niveau du RE conduit à la rupture de l’homéostasie du Ca2+ dans la cellule et à l’activation des voies de signalisation PERK et caspase 4 [34].

Figure 8 : Schéma non exhaustif des différentes voies de signalisation intracellulaire conduisant à l’apoptose après PDT, dépendemment de la localisation cellulaire des photosensibilisateurs, d’après [26]. En agissant au niveau de la membrane plasmique, la PDT active la protéine transmembranaire Fas qui recrute alors la protéine cytosolique FADD et active la voie de la caspase 8 [36]. La caspase 8 clive les protéines anti-apoptotiques et active les protéines pro-apoptotiques pour induire le relargage de cytochrome c de la mitochondrie. L’activation de photosensibilisateurs localisés dans la membrane mitochondriale conduit à la perte du potentiel membranaire mitochondrial et ainsi au relargage du cytochrome c. Le cytochrome c agit comme cofacteur de l’apoptosome, formé par les protéines Apaf-1 et caspase 9 et le nucléotide ATP, et qui participe à l’activation de la voie apoptotique des caspases 3, 7 et 6. D’autre part, le stress oxydatif induit par PDT au niveau du réticulum endoplasmique induit la libération de calcium qui augmente la perméabilité des pores de transition mitochondriaux [37]. De plus, l’activation des photosensibilisateurs fixés à la protéine anti-apoptotique Bcl-2 induit la dégradation de la protéine. Pour finir, la dégradation de la membrane lysosomale par PDT conduit à la libération de cathepsines, protéases lysosomales qui vont activer la caspase 9. Les caspases activées vont ensuite dégrader l’ADN et induire l’apoptose cellulaire.

L’autophagie est également un processus de mort cellulaire génétiquement programmée mais contrairement à l’apoptose, les organites sont rapidement dégradés, les éléments du cytosquelette sont préservés et l’activation des caspases et la fragmentation de l’ADN apparaissent plus tardivement pendant le processus. Durant le processus, ce sont les autophagosomes qui phagocytent le cytoplasme de la cellule et le dégradent. Il n’y a donc pas de réaction inflammatoire [38]. De nombreuses études ont montré l’engagement dans le processus d’autophagie des cellules tumorales traitées par PDT [31, 32, 39]. L’autophagie a été décrite pour différents photosensibilisateurs et de nombreuses lignées cellulaires. Les ERO contribuant à l’activation du processus d’autophagie [40, 41], il n’est donc pas étonnant d’observer ce processus de mort cellulaire après PDT.

La sénescence cellulaire est définie comme un programme physiologique d’arrêt du cycle

cellulaire induit par le raccourcissement des télomères. Les cellules sont vivantes mais ne se divisent plus. Le terme de sénescence accélérée est attribué aux cellules en arrêt du cycle cellulaire causé par un stress oxydatif [42] ou des lésions à l’ADN. De nombreuses études ont montré un arrêt du cycle cellulaire des cellules traitées par PDT [32, 43-46]. Cependant, les auteurs n’ont pas identifié l’activité du marqueur classique de la sénescence : la ȕ-galactosidase lysosomale.

La sensibilité des cellules à la PDT varie en fonction du type cellulaire ; ainsi les cellules lymphoïdes sont plus sensibles que les cellules épithéliales et les cellules d’origine mésenchymateuse [47, 48]. Cette différence de sensibilité intrinsèque est principalement due à l’engagement des cellules dans diverses voies de signalisation intracellulaire qui activent ou répriment la mort cellulaire [49], ainsi qu’aux différentes mutations rencontrées au niveau génétique et métabolique [24]. Contrairement à de nombreux agents cytotoxiques, la PDT induit la mort cellulaire à tous les stades du cycle cellulaire, et même pendant l’arrêt du cycle [50].

b. Effets vasculaires induits par PDT

Les cellules endothéliales ne semblent pas intrinsèquement plus sensibles à la PDT que d’autres types cellulaires mais en revanche, elles sont exposées à des doses de photosensibilisateur et d’O2 plus conséquentes. Les effets vasculaires de la PDT sont multiples :

Altération directe des cellules endothéliales. La PDT agit directement sur les cellules endothéliales ciblées, de la même manière que sur les cellules tumorales, conduisant à la mort cellulaire. L’altération des protéines du cytosquelette modifie la forme des cellules endothéliales qui s‘arrondissent et se contractent [51]. L’interruption des jonctions cellulaires qui en résulte conduit à une augmentation de la perméabilité vasculaire, et donc à la fuite des éléments du sang hors des vaisseaux et à une diminution de la perfusion tumorale. Un oedème tissulaire est souvent observé [52].

Thrombose. La mise à nue de la membrane basale associée à l’altération de l’endothélium va induire l’activation du facteur tissulaire et la mise en place de la cascade de coagulation. Au sein de notre équipe, Bechet et al ont montré une induction immédiate après PDT de l’expression protéique du facteur tissulaire, corrélée à une consommation de fibrinogène [52]. Il en résulte une réduction du diamètre luminal pour aboutir à une thrombose et une stase vasculaire [53]. Thomas et al ont démontré une diminution du flux sanguin tumoral post-PDT de 50% [54].

Vasoconstriction. La PDT crée également une rupture de l’équilibre entre facteurs vasoconstricteurs et vasodilatateurs [5]. En effet, l’oxyde nitrique (NO) est un facteur vasodilatateur, anticoagulant, permettant d’éviter la thrombose des vaisseaux tumoraux. Son inhibition ou son relargage rompt l’équilibre préexistant au sein des vaisseaux tumoraux entre facteurs pro- et anti-coagulants [55].

L’occlusion vasculaire, engendrée par la thrombose et la vasoconstriction, induit la privation des cellules tumorales en O2 et nutriments et conduit à la destruction tumorale.

Le degré de réponse vasculaire demeure fortement dépendant des conditions de traitement utilisées, en terme de dose de photosensibilisateur, d’IDL et de dose de lumière [56-58]. Plusieurs stratégies peuvent être utilisées pour potentialiser cet effet vasculaire de la PDT, soit en agissant sur le protocole de traitement, soit en utilisant des photosensibilisateurs ayant un mode d’action dit vasculaire c’est à dire une forte clairance plasmatique [59] (Conf. PARTIE II, III.).

c. Effets inflammatoires et immunitaires en PDT

La PDT induit une réponse immunitaire anti-tumorale à long terme. Le stress oxydatif induit par PDT déclenche l’activation d’une variété de signaux de transduction conduisant à la production de protéines de stress et de cytokines [5, 60]. Les réactions photochimiques de

type I et II induites par l’irradiation du photosensibilisateur conduisent à une photo-oxydation des lipides membranaires des cellules tumorales et des cellules endothéliales. Le relargage massif par les tissus lésés de ces fragments lipidiques conduit au recrutement et à l’activation des cellules effectrices de l’inflammation [61]. Ces événements ainsi que les dommages vasculaires et la libération de médiateurs de l’inflammation par les cellules nécrotiques induisent le chimiotactisme des cellules de l’immunité spécifique et non spécifique. Les cellules phagocytaires sont activées au niveau du site irradié afin d’éliminer les débris cellulaires post-PDT. Ces phagocytes peuvent ensuite agir comme des cellules présentatrices d’antigène (CPA). Les épitopes présentés à leur surface, spécifiques de la tumeur, peuvent être reconnus par des lymphocytes T CD4+, conduisant à la génération de clones de lymphocytes T cytotoxiques qui vont détruire spécifiquement les cellules porteuses de ces épitopes. La réponse immunitaire qui s’en suit peut alors induire la destruction des cellules tumorales restantes et la prévention de métastases par le développement d’une réponse immunologique à mémoire [62, 63].

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