PARTIE I : Introduction bibliographique
6. Applications cliniques en PDT
Les indications en dehors de la cancérologie concernent principalement la dermatologie, l’ophtalmologie mais également le diagnostic [64]. Du fait de l’utilisation d’une lumière peu pénétrante dans les tissus, la PDT est surtout appliquée actuellement pour des tumeurs accessibles directement (tumeurs cutanées) ou par voie endoscopique (œsophage, vessie), mais il est également possible de traiter des tumeurs solides (e.g. prostate, pancréas, foie, cerveau) en insérant les fibres optiques en surface de la tumeur ou directement dans celle-ci (PDT interstitielle). La PDT est actuellement utilisée en traitement curatif des cancers superficiels à des stades précoces ou en traitement palliatif (après échec de la radiothérapie et de la chirurgie). Un certain nombre de photosensibilisateurs sont actuellement en phase d’essai clinique ou ont obtenu l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) et/ou l’agrément de la FDA (Food and Drug Administration) (Tableau I).
Tableau I : Les photosensibilisateurs ayant une AMM ou l’agrément de la FDA, d’après [65].
Photosensibilisateur Nom commercial Ȝexc (nm) Indications
Verteporfin Visudyne® 689 Carcinomes basocellulaire et squameux
HPPH 2-(1-hexyloxyethyl)-2- divinylpyropheophorbide-Į Palladium-bacteriopheophorbide Tookad ® 763 Cancer de la prostate 630
Tumeurs de la peau, de la tête et du cou, tumeurs gynécologiques et carcinome
basocellulaire
375-400 Photodétection des cancers du cerveau, de la tête et du cou, des reins
Acide méthyl-į -aminolévulinique Metvix ® 635 Carcinome basocellulaire Acide benzyl-į -aminolévulinique Benzvix ® 635 Tumeurs gastro-intestinales Acide hexyl-į -aminolévulinique Hexvix
® 375-400 Photodétection du cancer de la vessie
Lutetium(III)-texaphyrin ou Motexafin-lutetium
Lutex®, Lutrin®,
Optrin®, Antrin® 732
Cancers de la prostate, du col de l'utérus, du sein et du cerveau
SnEt2 ou éthiopurpurine d'éthyle d'étain (IV)
Purlitine®,
Photrex® 659
Sarcome de Kaposi, cancers du sein et de la prostate, carcinome basocellulaire
NPe6, mono-L-aspartyl chlorin e6, talaporfin
sodium
Talaporfin®,
Laserphyrin® 664 Tumeurs solides, cancer des poumons
BOPP, protoporphyrine
borée BOPP 630 Tumeurs cérébrales
Phtalocyanine zinguée CGP55857 670 Carcinome squameux
Phtalocyanine de silicone Pc4 675 Lésions cutanées et subcutanées de diverses
tumeurs solides
Mélange de phtalocyanines
sulfonées d'aluminium Photosense
®
675
Cancers de la peau, du sein, du poumon, du larynx, du col de l'utérus, de la tête et du cou,
tumeur des yeux
Carcinome basocellulaire, cancers de l'œsophage et cancer de la tête et du cou
Photochlor® 665
5-ALA Levulan®
m-THPC Foscan® 652 Cancers de l'œsophage, de la prostate, du
En France, cinq photosensibilisateurs possèdent l’AMM :
• Le Photofrin®, ou porfimer sodium, a obtenu l’AMM en 1996 pour traiter les rechutes de cancer du poumon non à petites cellules et de l’œsophage [10]. Comme expliqué dans le paragraphe I. 2., il s’agit d’un photosensibilisateur de 1ère génération composé d’un mélange de monomère et d’oligomère de dérivés d’hématoporphyrine. Son temps de demi-vie plasmatique dans l’organisme est élevé, causant une photosensibilité cutanée pendant plusieurs semaines après le traitement [66]. En PDT, en plus des effets directs classiques, le Photofrin® induit également des dommages au niveau des cellules endothéliales vasculaires conduisant à une hypoxie, une thrombose et donc la nécrose des cellules tumorales par ischémie [67]. On observe également une inflammation locale associée à une réponse immunitaire [10]. En plus des pathologies pour lesquelles il a obtenu l’AMM, le Photofrin® est actif sur d’autres pathologies telles que le sarcome de Kaposi, l’oesophage de Barrett et le psoriasis [68].
• L’acide 5-aminolévulinique (ALA), commercialisé sous l’appellation Lévulan®(AMM en
2000) est principalement utilisé en dermatologie, en application locale suivie d’une irradiation pour traiter le psoriasis ou les kératoses actiniques [10]. L’ALA est un composé porphyrinique impliqué dans la biosynthèse de l’hème. Après métabolisation dans les mitochondries, l’ALA est transformé en une molécule photo-active, la protoporphyrine IX (PpIX), puis en hème. Selon son mode d’administration, l’IDL est compris entre 1h et 8h, et sa clairance plasmatique est rapide (48h). Le Levulan® induit donc peu de photosensibilisation cutanée, en revanche la profondeur de nécrose tumorale reste limitée à 1 mm et le traitement est considéré comme douloureux.
• Le Metvix® a obtenu l’AMM en 2000 pour le traitement des kératoses actiniques et carcinomes basocellulaires [10]. C’est un dérivé méthylé de l’ALA. Le Metvix® est déméthylé par les estérases intracellulaires des cellules cibles pour former l’ALA. Le cycle de l’ALA est ensuite entamé. Le Metvix® possède donc les mêmes propriétés photophysiques et pharmacologiques que le Levulan®. Le Metvix® présente un caractère plus lipophile, une meilleure sélectivité tumorale et induit une nécrose tumorale légèrement plus profonde que le Levulan® (> 2 mm) [10]. De plus, le traitement par Metvix® est moins algique que celui au Levulan® [10].
• La méso-(tétrahydroxyphényl)chlorine (m-THPC), commercialisée sous le nom Foscan®
(AMM en 2002) est utilisée pour le traitement des cancers de la tête et du cou [10, 69]. Il s’agit d’un dérivé de chlorine, pur. Le Foscan® possède un rendement quantique de formation d’1O2 élevé. De faibles concentrations de Foscan® et de lumière sont suffisantes pour son activité photodynamique. Le Foscan® agit directement sur les cellules tumorales mais cause également des dommages vasculaires. La profondeur de nécrose des tumeurs traitées avec le Foscan® peut atteindre 1 cm [70]. Une étude a montré une accumulation sélective du Foscan® dans les cellules d’un implant orthotopique de tumeur cérébrale avec un rapport tumeur/tissu sain de 100/1 [71].
• La verteporphine, un dérivé de type benzoporphyrine monoacide (BDP-MA)
commercialisé sous forme liposomale, sous le nom deVisudyne® (AMM en 2000), s’est
avérée très efficace pour le traitement de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) dû à son haut potentiel d’accumulation dans les cellules endothéliales. Schmidt-Erfurth et Hasan ont réalisé une revue très intéressante sur les mécanismes d’action de la verteporphine [59]. La verteporphine est un composé chimiquement stable avec un rendement quantique de formation d’1O2 élevé. Cette molécule absorbe énormément dans les UVA et possède également un pic d’absorption entre 680 et 695 nm. Grâce à sa nature lipophile, la verteporphine se lie aux LDL. Les cellules endothéliales néoplasiques de la rétine surexpriment le récepteur aux LDL pour assurer l’apport en lipides nécessaires à leur croissance. La verteporphine est alors internalisée dans les cellules endothéliales néoplasiques causant la DMLA. La verteporphine est très rapidement éliminée de l’organisme, réduisant ainsi le risque de photosensibilisation cutanée et oculaire [59]. En effet, chez l’Homme, son temps de demi-vie plasmatique est de 5 à 6h [10].