• Aucun résultat trouvé

Mécanismes d’instabilité d’une paire de tourbillons OGE

CHAPITRE 5 ÉTUDE DE LA STABILITÉ LINÉAIRE D’UNE PAIRE DE

5.2 Mécanismes d’instabilité d’une paire de tourbillons OGE

Puisque la dissipation des tourbillons de sillage se fait principalement par l’apparition d’insta- bilités, celles-ci sont détaillées dans cette section. Lors d’une étude des mécanismes d’instabi- lité, il est voulu d’identifier si un ou des nombre(s) d’onde (k) occupe(nt) un rôle prépondérant lors de l’évolution des mécanismes de dissipation du système tourbillonnaire étudié. Pour des raisons de simplicité analytique, un tourbillon peut être représenté par une colonne de vorticité. Par l’étude de cette colonne de vorticité, une relation fondamentale (relation de dissipation) a mis en évidence la vitesse angulaire (ω) induite par une onde se propageant dans un écou- lement tourbillonnaire et la longueur d’onde (λ) de cette perturbation de faible amplitude, appelée ondes de Kelvin (Thomson (1880)). Ce sont ces perturbations qui peuvent croître et rendre les tourbillons de sillage d’avion naturellement instables. L’approche décrite par Dra- zin & Reid (1981) permet, entre autres, d’élaborer sur la théorie de stabilité linéaire temporelle et d’appliquer celle-ci à l’étude de la stabilité d’un tourbillon. Il a été discuté que la forma- tion du sillage évolue spatialement et ceci s’applique également aux perturbations s’y trou- vant. L’évolution des instabilités dans un système tourbillonnaire relève de la stabilité spatiale, mais pour des raisons de simplification analytique, une évolution temporelle des instabilités est considérée. Cette simplification est acceptable si l’évolution spatiale du sillage n’influence pas significativement l’évolution temporelle d’une instabilité dans un intervalle de temps donné. Cette analyse de stabilité temporelle consiste à décomposer le champ de vitesse en un champ de base (ou champ moyen) et une perturbation selon l’équation

avec ubasele champ de base et u le champ de perturbation. La théorie est dite linéarisée dans

la mesure où la perturbation est de faible amplitude par rapport au champ de base représentant la paire de tourbillons sans fluctuation axiale. Ainsi, il est possible de représenter la croissance exponentielle de la perturbation upar une décomposition modale telle que

u(r,θ,z,t) = u(r)ei(kz+mθ−ωt)eαt+ c.c. (5.2)

où k et m sont les nombres d’ondes axial et azimutal alors queω et α représentent la vitesse de propagation angulaire complexe et le taux de croissance de la perturbation respectivement avec i=√−1. Les composantes de u(r) dans l’espace spectral sont notées u(r). Pour simplifier l’écriture, le conjugué complexe (c. c.) est omis. Le champ de vitesse u peut être représenté selon différentes distributions de vitesse au sein du tourbillon. Une distribution standard de vitesse correspond au tourbillon potentiel tel que

u(r) = Γ

2πreθ (5.3)

oùΓ représente la circulation d’un tourbillon. L’adimensionnement des nombres d’ondes longues (kb) et courtes (ka) se fait par l’envergure de l’avion b et le rayon a du tourbillon (voir figure 5.2a) respectivement. De plus, une échelle de temps définie en fonction du temps nécessaire aux tourbillons pour être convectés d’une distance b (temps convectif) est utilisée pour adi- mensionner le taux de croissance. En somme, l’échelle de vitesse : Uref = 2Γπb, de longueur :

Lref = b et de temps : Tref =ULrefref = 2πb

2

Γ ont été utilisées pour adimensionner tous les résultats dans une configuration OGE et IGE à deux tourbillons.

Pour une paire de tourbillons OGE, la croissance exponentielle d’une perturbation est due à l’interaction de trois facteurs (Crow (1970); Widnall et al. (1971)) :

1. Le champ de déformation dans lequel le tourbillon se trouve ; 2. Les effets de l’auto-induction auxquels le tourbillon s’expose ; 3. Les effets de l’induction mutuelle de chaque tourbillon de la paire.

99

À noter que le champ d’étirement ou stretching field est de moindre importance par rapport aux points sus mentionnés. En effet, une étude de la stabilité linéaire d’un tourbillon de Burgers et de Lamb-Oseen dans un champ de déformation montre l’effet prépondérant du champ de déformation (strain field) par rapport au champ d’étirement (Eloy & Le Dizès (1999)). Les trois facteurs sus mentionnés interagissent entre eux pour développer un mécanisme d’instabilité. Le premier facteur fait l’objet d’une description détaillée dans les paragraphes suivants.

Dans le contexte de la dynamique tourbillonnaire présentée ici, le champ de déformation est ca- ractérisé par la présence de points de stagnations. Les points de stagnation deviennent visibles dans un repère se déplaçant avec les tourbillons, alors que ceux-ci s’induisent mutuellement une vitesse vers le sol (figure 5.2a). En se positionnant dans le repère en translation vers le bas situé au centre du tourbillon de droite (par exemple), un observateur visualise l’écoulement tel que représenté à la figure 5.2 b. Cet écoulement est obtenu en sommant la distribution de vitesse azimutale du tourbillon de droite (de rayon a0,1/b = 0.05) et le champ de vitesse uniforme cor- respondant à la vitesse de convection mutuelle des tourbillons vers le bas (mouvement relatif du fluide). Ainsi, c’est avec cette perspective (figure 5.2 b) qu’il est possible de visualiser le point de stagnation au point (−0.5,1) et, par conséquent, le champ de déformation généré par le tourbillon de droite centré au point (0.5,1). Enfin, le même raisonnement s’applique pour chaque tourbillon de la paire.

Par conséquent, le centre des tourbillons se trouve au cœur d’un champ de déformation. Ce dernier amplifie ou amortit toutes perturbations (ou ondes) présentes dans l’écoulement. Une onde instable peut se former en fonction du mécanisme d’instabilité selon s’il s’agit d’un mode de flexion (bending wave ex. onde de Crow) ou d’un mode elliptique (onde de Widnall). Dans le cas d’un mode de flexion, il s’agit d’une interaction entre le champ de déformation, les effets de l’induction mutuelle et de l’auto-induction. Cette interaction résulte en une onde amplifiée selon l’axe divergeant de champ de déformation. Dans le cas de l’instabilité du mode elliptique, une onde stationnaire se forme suite à l’interférence constructive (ou résonance) de deux ondes de Kelvin (Roy et al. (2011)). Suite à cette interférence, une onde stationnaire (ω = 0) en résulte. La partie de l’onde stationnaire exposée à la partie divergente du champ de déformation

Uref

Γ12

Observateur se déplaçant avec les tourbillons :

Observateur fixe : a b Γ1 -Γ2 Uref

a) Vitesse Uref induite sur le tourbillon de

gauche par celui de droite (En haut). Une paire de tourbillons contrarotatifs s’induisant, l’un sur

l’autre, une vitesse Uref vers le bas (En bas).

ī1

b) Représentation du point de stagnation au centre du tourbillon de gauche engendré par la

superposition du tourbillon de droite et du champ de vitesse uniforme vers le haut Uref.

Figure 5.2 Représentation schématique de la cinématique des tourbillons. Figure a) : Un observateur fixe voit les tourbillons s’induire mutuellement une vitesse Uref

vers le bas, alors qu’un utilisateur se déplaçant avec un tourbillon voit l’écoulement au loin se déplacer vers le haut avec une vitesse Uref. Figure b) : Champ de

déformation tel que vu par le tourbillon de droite sans l’effet du tourbillon de gauche.

est amplifiée. À l’opposé, la partie de cette onde exposée à la partie convergente du champ est amortie et n’a aucun effet sur les mécanismes de l’instabilité et par le fait même, sur les mécanismes de dissipation de l’énergie du système tourbillonnaire.

Autrement dit, si la perturbation n’a aucune (ou une très faible) rotation, alors elle est étirée (croissance exponentielle selon la stabilité linéaire) par la partie divergente du champ de dé- formation et écrasée (amortie) par la partie convergente de ce même champ. Cependant, si la rotation angulaire n’est pas négligeable, la perturbation alterne continuellement entre un axe divergeant et un axe convergeant, ce qui empêche la croissance de l’instabilité. Contrairement à l’instabilité du mode de flexion, l’instabilité du mode elliptique se forme dans le noyau du tourbillon où les effets d’auto-induction sont significatifs. La nature de l’interaction entre la perturbation et le champ de déformation est détaillée dans la suite du présent chapitre.

101