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V. Etude des mécanismes de déformation et d’endommagement des

1.1. Mécanismes de déformation en traction

Après traction à température ambiante sur une nuance ODS à base Fe-14%Cr filée, de nombreuses interactions entre les dislocations rectilignes, typiques d’un mécanisme de Peierls observé à température ambiante dans un matériau cubique centré [249], et les précipités de taille nanométrique sont observées par MET [37]. Ce comportement a également été observé par déformation in situ dans un MET sur des aciers ODS MA957 [250], MA956 [251, 252] et PM2000 [252]. Les analyses EBSD réalisées par Boulnat sur éprouvette rompue en traction à 20°C d’une nuance de composition nominale Fe-14Cr-1W-0,3Ti-0,25Y2O3 consolidée à 1150°C par Spark Plasma

Sintering (SPS) à l’INSA de Lyon, montrent que les gros grains accumulent efficacement la déformation plastique. Il est plus compliqué de définir les mécanismes de déformation dans les zones à petits grains en raison de la mauvaise résolution de la cartographie EBSD [164].

Des expériences de déformation pour de faibles températures (entre l’ambiante et 400°C) dans un Microscope Electronique à Balayage (MEB in situ) et dans un Microscope Electronique en Transmission (MET in situ) ont également été réalisées sur des aciers ODS filés (microstructure à grains allongés dans la direction de filage), consolidés par CIC (microstructure bimodale à grains équiaxes) ou encore consolidés par SPS (microstructurale bimodale, similaire à un acier consolidé par CIC). A l’échelle de la microstructure, des mécanismes de déformation intragranulaires sont mis en évidence au MEB avec la formation de bandes de glissement au sein de certains gros grains. Boulnat [164] suspecte également une légère rotation de gros grains liée à la formation de sous-joints durant la déformation plastique. En outre, pour des taux de déformation importants, Boulnat souligne l’apparition d’un endommagement intergranulaire au niveau des zones à grains nanométriques et s’initiant au niveau des oxydes de titane grossiers, observations en accord avec celles de Choi [253]. Des analyses EBSD mettent également en évidence une rotation des nano-grains lors de l’essai de traction [164]. Praud observe par MET des dislocations ancrées sur les nanoparticules au sein des nuances ODS filées, qu’elles soient ferritiques ou martensitiques. Les tests de déformation in situ au MET mettent en évidence que leur désancrage est saccadé. En outre, des sources intragranulaires de dislocations sont observées, confortant l’idée d’une déformation principalement intragranulaire à basse température. Les mêmes mécanismes de déformation sont observés sur des nuances ODS consolidées par CIC. Des phénomènes de glissement dévié (cross-slip) sont également observés sur les nuances CIC [37].

1.1.2. Mécanismes de déformation à haute température

Pour des températures comprises entre 400°C et 550°C, les dislocations observées en déformation in situ dans un MET au sein d’une nuance CIC gardent une mobilité saccadé avec un fort

ancrage sur les nanoparticules [37]. L’apparition de cavités et de décohésion le long des joints de grain a également été soulignée, mettant en évidence une compétition entre les mécanismes de déformation intra- et intergranulaire [254]. A 575°C, un mixte de deux types de mouvement des dislocations, avec certaines gardant un mouvement saccadé et d’autres se déplaçant de façon plus visqueuse (mouvement continu) a été observé [37]. Il a été proposé que le mouvement saccadé provienne d’un phénomène de vieillissement dynamique. Le phénomène de vieillissement dynamique correspond à un mécanisme de blocage de dislocations qui est commandé par un processus de diffusion des solutés. La vitesse de diffusion des solutés étant du même ordre de grandeur que la vitesse de mouvement des dislocations, une compétition entre la mobilité des dislocations et des solutés, s’accompagnant de phénomènes d’ancrage-désancrage successifs des dislocations, est observé dans le domaine du vieillissement dynamique. Selon Caillard [255], le soluté impactant le vieillissement dynamique est le carbone. En effet, l’énergie d’activation correspondant au début du domaine de vieillissement dynamique est comprise entre 0,8 et 0,85 eV, soit une énergie correspondant à la diffusion du carbone au cœur des dislocations. La fin du vieillissement dynamique correspond à un mécanisme de formation d’un double décrochement couplé avec la diffusion des atomes de carbone [255]. Dans le cas du fer pur et des alliages Fe-Si et Fe-Ni, le vieillissement dynamique apparait à des températures situées entre 100°C et 300°C [255]. Le vieillissement dynamique d’un alliage Fe-Cr débute pour des températures plus élevées (250°C à 450°C), probablement en raison de la formation de carbure de chrome [249]. A l’échelle macroscopique, le vieillissement dynamique est à l’origine des instabilités plastiques (décrochements correspondant à l’apparition de bandes de déformation localisées) observées sur la courbe contrainte – déformation (instabilités de Portevin-Le Chatelier) et apparaissant lorsque la sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation est négative [256, 257, 258]. Toutefois, comme le souligne Wang, le domaine de vieillissement dynamique peut être plus large que le domaine de Portevin-Le Chatelier. Ainsi, il peut également se manifester lorsque la sensibilité de la contrainte à la vitesse est supérieure à 0 [259]. Probablement dû à la fine taille de grain, le vieillissement dynamique n’a pas été observé sur les nuances ODS filées [37].

Les essais de déformation en MET in situ réalisés à des températures supérieures à 600°C sur des aciers renforcés par une dispersion d’oxydes indiquent la présence de sources d’activation intergranulaires ainsi que des mouvements de dislocations continus. Les nanoparticules continuent tout de même d’ancrer les dislocations, cependant ces dernières se détachent rapidement [251, 252, 260]. Ainsi, le franchissement des précipités est supposé facilité par un mécanisme de montée- glissement des dislocations. Différentes théories de franchissement ont été proposées dans la littérature :

- Brown et Ham [261] ainsi que Shewfelt et Brown [84] supposent que les précipités sont contournés par une montée « locale » des dislocations. Cela signifie que seule la portion de dislocation proche de l’interface précipité – matrice monte, l’autre portion de dislocation restant dans le plan de glissement.

- Du fait de la forte courbure de la portion de dislocations proche de l’interface précipité – matrice, permettant à la dislocation de monter, Lagneborg montre que la théorie de montée « locale » ne peut être admise. La montée des dislocations seraient plutôt « générale » [262]. - Srolovitz suspecte l’existence d’une interaction attractive entre la dislocation et les nanoparticules [87]. Cette hypothèse a d’ailleurs été confirmée à l’aide d’observations au MET des interactions entre les particules et les dislocations [263].

- En s’appuyant sur les travaux de Srolovitz, Rösler et Arzt supposent que le franchissement des nanoparticules est suivi d’un détachement thermiquement activé contrôlant le mouvement des dislocations [264].

En plus des mécanismes intragranulaires, Okada rapporte que les travaux de Yoshizawa [265] ont mis en évidence du glissement aux joints de grain lors d’un essai de compression à 650°C [36], indiquant donc la présence d’un phénomène de superplasticité. Sugino et ses collaborateurs confirment ce phénomène de déformation pour des essais de traction à haute température (800°C) avec suivi de déformation avec micro-gravure [266].

La superplasticité se traduit par la capacité d’un matériau polycristallin à se déformer plastiquement à haute température (T > 0,5 Tf) et d’atteindre des taux de déformation d’au moins 100%. Ce phénomène est observé pour des matériaux dont la microstructure est composée de grains fins (< 10 m) [267, 268]. La superplasticité se manifeste par l’apparition de glissement aux joints de grain, s’accompagnant de mécanismes d’accommodation. Cette accommodation peut se faire par diffusion de matière le long des joints (Figure 105 (a)) ou par mouvement des dislocations permettant la poursuite du glissement intergranulaire (Figure 105 (b)).

(a) (b)

Figure 105 : Schéma des mécanismes de glissement aux joints de grain accommodés par diffusion (a) ou par mouvement des dislocations (b) [267].

Dans le but de mettre en évidence ce phénomène de superplasticité, des essais de traction à haute température avec suivi de la déformation par corrélation d’images ont été réalisés par Steckmeyer [50]. Des lignes de platine sont déposées par MEB-Focused Ion Beam (FIB) en surface d’un échantillon, préalablement poli (finition feutre avec suspension de silice colloïdale). Le dépôt est principalement constitué de lignes perpendiculaires à la direction d’extrusion afin de pouvoir mettre en évidence le glissement le long des joints de grain. Cependant, malgré la réalisation de l’essai de traction interrompu sous atmosphère neutre (hélium), l’oxydation en surface n’a pu être évitée. Masuda [269] et Sugino [53] ont également effectué des essais de traction interrompus avec suivi de la déformation par micro-grille, cette fois dessinée par gravure au FIB à l’aide d’ions gallium. Ces études de déformation par corrélation d’images ont permis de mettre en évidence des effets de vitesse de sollicitation à haute température.