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Mécanisme de l’entrée du virus dans les hépatocytes et implication du complexe

II. Empêcher l’entrée du virus dans les hépatocytes : une nouvelle stratégie antivirale

II.1. Mécanisme de l’entrée du virus dans les hépatocytes et implication du complexe

II.1.1. Mécanisme d’entrée du VHC dans les hépatocytes

Les données actuelles indiquent que l’entrée du VHC dans une cellule est un processus impliquant différents facteurs cellulaires. Elle est composée de trois étapes séquentielles : (i) adsorption à la surface membranaire des hépatocytes, (ii) endocytose dépendante de la clathrine et de facteurs cellulaires et (iii) fusion dans les endosomes précoces.

Figure 7 : Etape d'adsorption du VHC à la surface des hépatocytes37

(i) adsorption à la surface membranaire des hépatocytes (Figure 7) : les particules virales s’associent aux lipoprotéines basses (LDL) et très basses densités (VLDL) et forment des complexes appelés lipoviraux-particules (LVP). Ces complexes permettent l’ancrage primaire des particules virales à la surface membranaire grâce à des molécules d’attachement telles que les glycosaminoglycanes de type héparane sulfate (HSPG) et les récepteurs aux lipoprotéines de basse densité (LDL-R)38, 39. Ces facteurs cellulaires d’encrage ne sont pas des récepteurs spécifiques du VHC. Ils concentrent les particules virales à la surface membranaire des hépatocytes et les dirigent vers des récepteurs spécifiques du VHC.

Le récepteur scavenger B de type 1 (SRB1) est l’un de ces récepteurs spécifiques du VHC. Il interviendrait juste après l’attachement primaire en interagissant avec une région spécifique de la glycoprotéine E2 du VHC. Cette interaction faciliterait le transfert du virus vers la protéine membranaire CD81, autre récepteur spécifique identifié, en lui exposant la glycoprotéine E2 nécessaire à sa fixation38, 40.

Le récepteur CD81 appartient à la famille des tétraspanines. Cette protéine est constituée de quatre domaines transmembranaires et de deux boucles extracellulaires (une petite, nommée Small Extracellular Loop ou SEL, et une grande, appelée Large Extracellular Loop ou LEL). C’est justement cette boucle LEL qui établit une interaction spécifique avec la glycoprotéine E240. En effet, il a été montré in vivo qu’en présence d’anticorps dirigés contre cette boucle de CD81, le virus ne peut pas se fixer à la surface de la cellule empêchant ainsi l’infection40. Néanmoins, le récepteur CD81 bien qu’indispensable à ce mécanisme d’entrée du virus n’est pas suffisant puisque un (d’) autre(s) récepteur(s) interviendrait (aient) dans le déroulement de cette première étape du cycle viral.

45 La protéine des jonctions serrées Claudine-1 (CLDN-1) a été identifiée comme étant un facteur nécessaire à l’entrée du virus38

. Les jonctions serrées sont des composantes majeures des complexes d’adhésion cellule/cellule. Elles assurent l’étanchéité des épithéliums. La protéine CLDN-1 est constituée de quatre domaines transmembranaires et de deux boucles extracellulaires notées EL1 et EL2. CLDN-1 n’est pas directement impliquée dans l’entrée virale mais elle est capable d’interagir avec la protéine CD81 pour former un complexe qui est nécessaire à l’entrée virale. En effet, il a d’abord été montré par des études d’imagerie et de transfert de fluorescence (Fluorescent Resonance Energy Transfer, FRET) que CD81 et CLDN-1 s’associent à la surface des hépatocytes41. Il a ensuite été montré le rôle critique de EL1 dans l’entrée virale puisqu’une mutagenèse dirigée des résidus 32 et 48 de CLDN-1/EL1 empêche la formation du complexe CD81/CLDN-1 conduisant ainsi à l’inhibition de l’entrée virale42. De plus, l’utilisation d’anticorps spécifiques de CLDN-1/EL1 empêche l’entrée virale en réduisant l’association de CLDN-1 avec CD8140

. Il a par ailleurs été montré que la formation de ce complexe était favorisée par deux récepteurs à activité tyrosine kinase (EGFR et EphA2). L’activation de ces deux récepteurs déclencherait un signal permettant la diffusion latérale de CD81 à la surface membranaire ce qui est indispensable à son interaction avec CLDN-143.

(ii) endocytose dépendante de la clathrine et de facteurs cellulaires (Figure 8) : après avoir interagi avec une série de récepteurs, le virus est internalisé dans la cellule sous forme de vésicules d’endocytose recouvertes de clathrine44

. En effet, les différentes unités de clathrine vont s’assembler pour former une cage protéique autour des vésicules d’endocytoses afin de les acheminer vers les endosomes. Ce processus d’endocytose est dépendant de la clathrine38

et du complexe CD81/CLDN-145. De plus, il semblerait que d’autres récepteurs soient impliqués dans ce processus tels que la protéine des jonctions serrées occludine (OCLN) et le récepteur de la transferrine 1 (TfR1)38.

46 (iii) fusion dans les endosomes précoces (Figure 8) : à la suite de l’internalisation du VHC, les vésicules d’endocytose rejoignent les endosomes précoces où le pH acide permet la fusion des membranes virales et endosomales38. Par ailleurs, la protéine Niemann-Pick C1-like 1 (NPC1L1), responsable du transport du cholestérol, serait impliquée dans cette étape de fusion38. L’ARN du VHC est ensuite libéré permettant ainsi la poursuite du cycle viral et la multiplication du virus dans l’organisme, comme nous l’avons vu précédemment (Figure 6).

En plus de ce mode d’entrée dans les hépatocytes, le virus est capable de se propager de cellule-en-cellule par contact direct (Figure 9). Des facteurs cellulaires tels que CD81/CLDN-1 et les récepteurs à activité tyrosine kinase (EGFR et EphA2) seraient impliqués dans ce processus nécessaire à la propagation du virus dans l’organisme37

.

Figure 9 : Processus de transmission cellule-en-cellule37

Ce mode de transmission de cellule-en-cellule permettrait au virus d’échapper et de résister aux DAAs46. Par conséquent, développer des agents ciblant les facteurs cellulaires de l’hôte (

host-targeted agents HTAs) impliqués dans l’étape d’entrée virale pourrait être une piste thérapeutique

prometteuse pour pallier à ce phénomène de transmission. L’entrée du VHC dans les hépatocytes étant un processus hautement coordonné et impliquant de nombreux facteurs cellulaires, plusieurs HTAs spécifiques de l’entrée virale sont actuellement en cours d’étude.

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II.1.2. HTAs spécifiques de l’entrée virales actuellement en développement

ITX5061 (Figure 10) est un inhibiteur du récepteur SRB1 impliqué dans l’adsorption du virus à la surface membranaire des hépatocytes. Ce composé est actuellement en phase 1 des essais cliniques pour empêcher l’entrée du virus dans les cellules du greffon sain chez les patients infectés par le VHC et ayant reçu une greffe du foie. Des études in-vitro ont montré que son association avec des DAAs permettait d’avoir un effet synergique contre l’infection virale faisant de cet inhibiteur un candidat prometteur pour ce type de combinaison thérapeutique47.

O N H O O NH S O O O N O

Figure 10 : Structure d'ITX5061, inhibiteur de SRB1

L’erlotinib (Figure 11) est un inhibiteur de l’EGFR, un récepteur à activité tyrosine kinase qui favorise la formation du complexe CD81/CLDN-1. Déjà sur le marché pour traiter le cancer, ce composé est actuellement en phase 1/2 d’études cliniques47

pour empêcher l’entrée du virus dans les hépatocytes. N N N H H O O O O

Figure 11 : Structure de l'erlotinib, inhibiteur de l’EGFR

Développer des HTAs spécifiques de l’entrée virale semblerait donc être une stratégie prometteuse pour prévenir la transmission cellule-à-cellule, empêcher la réinfection du foie sain après transplantation et traiter l’infection chronique. Qui plus est, administrés en association avec des DAAs, ces HTAs spécifiques de l’entrée ont un effet synergique48

. Parmi les facteurs cellulaires impliqués dans ce processus de l’entrée virale, le complexe protéique formé par CD81 et CLDN-1 joue un rôle essentiel. Par conséquent, il représente une nouvelle cible thérapeutique très intéressante pour empêcher l’entrée du virus dans les hépatocytes et ainsi prévenir l’infection par le VHC.

Nous nous sommes donc intéressés à l’identification d’inhibiteurs de ce complexe protéique. Pour cela, un test basé sur la technique de Bioluminescence Resonance Energy Transfer (BRET), permettant le criblage à haut débit, a été développé.

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II.2. Utilisation de la technologie de BRET pour le criblage d’une chimiothèque