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I. Description de la pathologie et des traitements actuels

I.4. L’évolution des traitements contre le VHC de 1970 à aujourd’hui

Depuis la découverte de l’hépatite virale baptisée « non A, non B » jusqu’à aujourd’hui, de nombreuses avancées concernant les stratégies antivirales contre le VHC ont eu lieu. Cependant, il aura fallu attendre une vingtaine d’années avant de voir apparaître les premiers traitements spécifiques du VHC. Cela s’explique par l’arrivée tardive de modèles d’étude puisque le premier test cellulaire de réplicon du VHC n’est apparu qu’en 1999. De plus, l’absence de modèles animaux de petites tailles a été un réel frein pour le développement de molécules contre l’infection chronique du VHC19

. En effet, seul le chimpanzé est infecté par le VHC et dans un tiers des cas il éradique spontanément le virus.

I.4.1. De 1970 jusqu’à 2011 : découverte et développement de la bithérapie associant l’interféron alpha pégylé à la ribavirine (INF-α-PEG/RBV)

L’efficacité des traitements est déterminée à partir de tests capables de mesurer le taux d’ARN viral dans le sang. L’absence d’ARN viral dans le sang, 24 semaines après la fin du traitement, définit la réponse virologique prolongée (RVP) correspondant à une guérison définitive de l’infection dans la majorité des cas.

Dans les années 80 et suite aux effets bénéfiques obtenus contre le VHB, l’interféron alpha était le seul traitement disponible pour les patients chroniquement infectés par le VHC. Malgré les optimisations faites sur la durée ainsi que sur la dose du traitement, seuls 15 à 20% des patients , tous génotypes confondus, obtenaient une RVP après 48 semaines de traitement26.

En 1998, l’administration par voie intraveineuse de l’interféron alpha associé à la ribavirine, qui est un antiviral à large spectre, a permis d’améliorer significativement l’efficacité thérapeutique puisque 41 à 47% des patients ont obtenu une RVP à l’issue de 48 semaines de traitement27, 28

. En 2001, la bithérapie associant l’interféron alpha pégylé (INF-α-PEG) combiné à la ribavirine (RBV) est devenue le traitement de référence contre les infections chroniques du VHC. Même si les mécanismes d’action de cette bithérapie ne sont pas complétements connus, il a été montré que l’interféron pourrait avoir une activité antivirale en induisant la production de protéines inhibant la réplication virale. L’interféron aurait également un rôle d’immunomodulateur en augmentant la réponse immunitaire

39 adaptative spécifique au VHC29. Concernant la ribavirine, sa tri-phosphorylation intracellulaire inhiberait la polymérase NS5B alors que sa mono-phosphorylation inhiberait l’inosine monophosphate ce qui conduirait à l’épuisement en guanosine triphosphate nécessaire à la synthèse de l’ARN viral. Elle aurait également un rôle d’immunomodulateur en favorisant la réponse immunitaire29

.

L’utilisation de cette bithérapie pendant 24 à 48 semaines a conduit à un taux de RVP compris entre 70 et 90% pour les génotypes 2/3/5 et 6, 65% pour le génotype 4 et environ 40% pour le génotype 130, 31. Néanmoins, ce traitement est long et associé à des effets secondaires non négligeables tels qu’une anémie, un état dépressif et une neutropénie. De plus son efficacité antivirale est faible contre le génotype 1 qui est le plus répandu à travers le monde. Il était donc primordial de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques en identifiant des antiviraux à action directe (DAAs pour

direct-acting antivirals) ciblant directement des protéines virales.

I.4.2. De 2011 à maintenant : mise sur le marché d’antiviraux à action directe (DAAs) et développement de nouvelles thérapies

Les DAAs développés ciblent les protéines virales impliquées dans le cycle réplicatif du VHC telles que la sérine protéase NS3/4A, la protéine NS5A et la polymérase NS5B.

Les premiers DAAs à avoir eu une autorisation de mise sur le marché sont bocéprévir et télaprévir en 2011. Ce sont deux inhibiteurs covalents réversibles de la sérine protéase NS3/4A. L’inhibition de cette sérine protéase NS3/4A empêche le clivage de la polyprotéine et ainsi la libération des différentes protéines non structurales formant le complexe de réplication. Bocéprévir et télaprévir constituent la première génération d’inhibiteurs de NS3/4A.

En 2014, siméprévir a obtenu une autorisation de mise sur le marché. Il s’agit également d’un inhibiteur de la sérine protéase NS3/4A mais qui n’est pas covalent. Il fait partie de la seconde génération d’inhibiteurs de NS3/4A. De nombreux composés de cette classe thérapeutique sont actuellement en cours de développement clinique.

Enfin, toujours en 2014, le sofosbuvir a également été approuvé. Il s’agit du premier inhibiteur de la polymérase NS5B. Cette protéine est responsable de la réplication de l’ARN viral en catalysant la synthèse des brins de polarités négatives et positives de l’ARN. Cette polymérase est donc indispensable pour la réplication du virus.

Ces quatre inhibiteurs sont administrés avec la bithérapie de référence précédemment décrite et les résultats obtenus pour chacune de ces nouvelles trithérapies en fonction du génotype engagé dans l’infection virale sont illustrés dans le Tableau 130-34

40

DAA

(compagnie et année de mise sur le marché)

Cible thérapeutique Régime thérapeutique Durée RVP INF-α-PEG RBV Télaprévir Vertex 2011 NS3/4A De 24 à 48 semaines Génotype 1 : 60% à 75%30, 31 Bocéprévir Merck 2011 NS3/4A Siméprévir Jansen 2014 NS3/4A 24 semaines Génotype 1 : 80% à 85%30, 31 Sofosbuvir Gilead 2014 NS5B 12 semaines Génotype 1, 4, 5 et 6 : 89% à 100%32 Pas d’ INF-α-PEG 12 semaines Génotype 2 : 95%33 24 semaines Génotype 3 : 65%34

Tableau 1 : Combinaison INF-α-PEG, RBV + DAA et RVP associée en fonction du génotype

Les RVPs indiquées dans le Tableau 1 concernent des patients naïfs de tout traitement. L’administration de télaprévir ou bocéprévir avec la bithérapie de référence a permis de passer de 40% de RVP à 60% pour le génotype 1 après 24 à 48 semaines de traitement. Ces deux nouvelles trithérapies ont permis d’accroître l’efficacité antivirale contre le génotype 1 tout en conservant une durée de traitement identique à la bithérapie de référence.

41 Cependant ces traitements étaient mal tolérés puisqu’ils entrainaient la potentialisation des effets indésirables liés à l’administration par voie intraveineuse de l’interféron alpha pégylé ou à la prise de ribavirine. De plus des effets indésirables spécifiques à ces deux DAAs tels que des complications dermatologiques ou une dysgueusie30, 31 ont été observés et des phénomènes de résistance à ces deux nouveaux DAAs sont apparus35.

La nouvelle trithérapie avec le siméprévir, seconde génération d’inhibiteurs de la sérine protéase NS3/4A, a conduit à une RVP de plus de 80% pour le génotype 1 tout en réduisant la durée de traitement à 24 semaines et en ne provoquant pas la potentialisation des effets secondaires connus30,

31

. La découverte du premier inhibiteur de la polymérase NS5B, le sofosbuvir, a permis une avancée considérable dans la prise en charge des patients. Administré avec l’INF-α-PEG et la RBV, le sofosbuvir a abouti à une RVP de plus de 89% pour les génotypes 1/4/5 et 6 en seulement 12 semaines de traitement32. Par ailleurs et de façon intéressante, l’administration de sofosbuvir avec uniquement la RBV a permis d’aboutir à une RVP de 95% après 12 semaines de traitement pour le génotype 233

et à une RVP de 85% après 24 semaines de traitement pour le génotype 334. Ces résultats montrent pour la première fois qu’il est possible de s’affranchir de l’administration par voie intraveineuse de l’INF-α-PEG, dont l’utilisation est contre-indiquée chez certains patients36. De nouvelles stratégies antivirales innovantes en associant des DAAs sans l’INF-α-PEG ont ensuite été développées.

Parmi ces nouvelles associations de DAAs, trois sont illustrés dans le Tableau 2. Les RVPs indiquées dans le tableau ci-dessous concernent des patients naïfs de tout traitement31.

42

1er DAA

(compagnie et année de mise sur le marché)

2ème DAA (compagnie et année de

mise sur le marché)

Ribavirine (RBV) Durée RVP Siméprévir Jansen 2014 NS3/4A Sofosbuvir Gilead 2014 NS5B +/- 12 semaines Génotype 1 et 4 : 94%31 Daclatasvir Bristol-Myers Squibb 2014 NS5A +/- De 12 à 24 semaines Génotype 1 : 99%31 Génotype 2 : 96%31 Génotype 3 : 89%31 Lédipasvir Gilead 2015 NS5A +/- 12 semaines Génotype 1 et 4 : 97%31

Tableau 2 : Combinaisons de DAAs sans INF-α-PEG et RVPs associées en fonction du génotype

Comme l’indique le Tableau 2, l’association de siméprévir, inhibiteur de la sérine protéase NS3/4A, et de sofosbuvir, inhibiteur de la polymérase NS5B, avec ou sans RBV ont conduit à une RVP de 94% pour les génotypes 1 et 4 après seulement 12 semaines de traitement.

Le daclatasvir et lédipasvir ont récemment obtenu leurs autorisations de mise sur le marché (fin 2014 - début 2015). Ce sont les premiers inhibiteurs de la protéine NS5A. Bien que son rôle exact ne soit pas encore déterminé, la protéine NS5A serait impliquée dans le processus d’assemblage des nouveaux ARNs viraux avec leurs capsides. Les résultats obtenus pour ces deux inhibiteurs de NS5A, associés au sofosbuvir avec ou sans RBV, sont très prometteurs pour la lutte contre le VHC quel que soit le génotype responsable de l’infection. En effet, 12 à 24 semaines de traitement avec daclatasvir plus sofosbuvir avec ou sans RBV ont abouti à des RVPs de 99%, 96% et 89% pour les génotypes 1, 2 et 3 respectivement31. L’association de lédipasvir et de sofosbuvir avec ou sans RBV a permis d’obtenir une RVP de 97% pour les génotypes 1 et 4 après 12 semaines de traitement31

. De façon très intéressante, ces stratégies antivirales basées sur l’association de DAAs permettent non seulement d’éviter l’administration de l’INF-α-PEG, qui est associé à de sévères effets secondaires, mais aussi

43 d’obtenir des meilleures RVPs pour l’ensemble des génotypes du VHC tout en diminuant la durée de traitement (24 semaines maximum).

Par ailleurs, le profil de tolérance des différents DAAs est globalement satisfaisant. Durant les études cliniques, la fréquence des effets secondaires rapportés était moins importante pour les traitements cours (2 à 3 mois) et en l’absence de ribavirine. Selon les molécules, les effets indésirables fréquemment rencontrés ont été l’insomnie, les nausées, l’anémie et l’hyperbilirubinémie. Ces deux derniers symptômes ont principalement été observés dans les groupes recevant de la ribavirine.

Malgré ces avancées, seul le sofosbuvir présente une barrière génétique élevée le rendant ainsi plus résistant aux phénomènes de résistance découlant de mutations du VHC. En revanche, pour les autres DAAs, des phénomènes de résistance apparaissent déjà chez certains patients. En effet, 85% des patients en échec à une trithérapie daclatasvir, INF-α-PEG/RBV et 78% des patients en échec à un traitement par lédipasvir/sofosbuvir ont développé une résistance résultant d’une substitution d’acides aminés de la protéine NS5A31. Pour pallier à ce phénomène d’échappement, une stratégie antivirale consisterait à développer une nouvelle classe thérapeutique d’agents capables de cibler directement les facteurs cellulaires de l’hôte (on les nommera HTAs, pour host-targeted agents). De nombreux facteurs cellulaires humains sont impliqués au cours du cycle de réplication du VHC et constituent donc des cibles de choix pour développer de tels agents. Parmi les molécules actuellement en développement, le miravirsen, inhibiteur de miR-122 impliqué dans la traduction du brin génomique et dans la réplication de l’ARN viral, est en phase 2 des essais cliniques tandis que l’alisposivir, inhibiteur de la cyclophiline A impliquée dans la réplication de l’ARN viral, est en phase 2/3 des essais cliniques37. En plus de leurs barrières génétiques élevées, de telles molécules offrirait des nouvelles perspectives thérapeutiques puisqu’elles pourraient être associées aux DAAs afin d’agir de manière synergique contre le virus37.

L’ancrage et l’entrée du virus dans les hépatocytes, phases essentielles et indispensables dans le processus d’infection, apparaissent également comme des cibles intéressantes de cette nouvelle stratégie antivirale consistant à cibler des facteurs cellulaires humains. De plus, bloquer l’entrée du VHC dans les hépatocytes permettrait d’empêcher la réinfection systématique du foie sain chez les patients atteint d’un cancer du foie et ayant reçu une greffe.