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Chapitre 1 : Introduction générale

1.3. L’adaptation des populations menacées par les pressions anthropiques

1.3.2. Le mécanisme d’adaptation

L’adaptation peut se définir comme la modification d’un trait phénotypique dans une population sous l’effet de la sélection naturelle, la nouvelle valeur du trait améliorant la fitness des individus qui en sont porteurs (Tirard et al. 2012). Le terme d’adaptation peut désigner le processus d’évolution ou le résultat du processus. L’adaptation d’une population peut se définir comme l'évolution, en moyenne, des individus d'une population vers les phénotypes qui s'ajustent au mieux à l'environnement considéré.

La sélection naturelle est une force évolutive qui tend à optimiser l’adaptation des populations à leur environnement en opérant un tri des individus sur la base de leur phénotype. Les individus les plus adaptés sont ceux qui ont un phénotype qui leur confère un avantage sélectif par rapport aux autres individus de la même population (Danchin et al. 2005). En d’autres termes, ces individus sont caractérisés par un phénotype qui les rends plus aptes à survivre et à se reproduire que les autres. Ce sont ces individus, sélectionnés, qui contribuent le plus au pool génétique de la génération suivante. Ce tri par la sélection naturelle modifie la fréquence des allèles impliqués dans la construction du phénotype au cours des générations. Le mécanisme de sélection naturelle d'un trait phénotypique s'opère lorsque 3 conditions sont réunies : le trait doit être variable entre les individus d’une population, il doit être impliqué dans la survie et ou la reproduction de l’individu et il doit être héritable (i.e. transmissible à la descendance). Ainsi les variations héritables qui confèrent un avantage sélectif sont davantage

Figure 5: Relation entre le génotype et le phénotype d’un individu. Le phénotype résulte de l’expression des potentialités du génotype et du contexte environnemental.

Relationship between genotype and phenotype of an individual. The phenotype results from the expression of the genotype potentialities and from environmental context.

transmises à la génération suivante que les variations moins avantageuses. Au fil des générations, dans un environnement donné, les fréquences alléliques se modifient, les allèles codants pour les caractères avantageux (i.e. les valeurs des traits les plus avantageux) se répandent, et ceux codant pour des versions moins avantageuses diminuent ou disparaissent. Il existe différents types de sélection. La sélection peut (1) favoriser le maintien de la valeur moyenne du trait soumis à sélection, la moyenne ne varie pas mais sa variance diminue, c'est la sélection stabilisante, (2) favoriser une valeur extrême du trait, la moyenne du trait varie mais pas sa variance, c'est la sélection directionnelle, ou (3) favoriser les valeurs extrêmes du trait, la moyenne du trait ne varie pas mais sa variance augmente, c'est la sélection divergente ou disruptive (Conner et al. 2004).

On peut générer l’évolution d’un trait par un processus de sélection artificielle si le trait sélectionné est variable dans la population et s’il est héritable. Dans une grande majorité des cas, la sélection anthropique est directionnelle, c’est-à-dire qu’elle génère une mortalité exacerbée des individus de grande taille corporelle (voir section 1.2.). Cependant certaines techniques de pêche (au filet notamment) peuvent aussi générer une sélection disruptive, où les valeurs extrêmes des tailles corporelles sont favorisées (e.g. Carlson et al. 2007).

Si un trait z est génétiquement corrélé avec d’autres traits, alors l’évolution de ce trait va également affecter les traits qui lui sont corrélés. De plus, la sélection affecte en général plus d’un seul trait, si bien que le trait est influencé par une sélection directe et par une sélection portant sur tous les traits corrélés. La réponse adaptative de la moyenne de plusieurs traits phénotypiques à la sélection directionnelle peut-être prédite par l’équation multivariée suivante (Lande and Arnold 1983; voir aussi Steppan et al. 2002) :

Δ ¯z=Gβ Eq. 1,

Δ ¯z est le vecteur des réponses à la sélection (i.e. valeurs moyennes des traits) qui correspond aux changements des valeurs phénotypiques des traits en 1 génération, G désigne la matrice des variances-covariances génétiques additives des traits et β désigne le vecteur des gradients de sélection des traits (i.e. à l’intensité de la sélection). La matrice G est une matrice symétrique carrée. Elle permet de prédire les capacités adaptatives des organismes car elle dévie la trajectoire de la réponse à la sélection sur le paysage adaptatif (voir Figure 6) vers la combinaison de traits qui possède la plus grande variance génétique. Plus précisément,

β peut s’écrire :

β=S

P Eq. 2,

où β correspond au vecteur des coefficients de régression partiel entre la fitness et les traits, en d’autre terme il correspond au changement de fitness par changement de trait, S est le vecteur des covariances entre les traits et la fitness et P est la matrice des variances-covariances phénotypiques. Pour donner un exemple, l’équation pour deux traits corrélés génétiquement, s’écrit :

[

Δ ¯z1

Δ ¯z2

]

=

[

G11 G12 G12 G22

][

β1

β2

]

Eq. 3,

Δ ¯z1etΔ ¯z2 sont respectivement les vecteurs de réponse du traits 1 et 2 à la sélection,

G11et G22 sont respectivement les variances des traits 1 et 2, G12 est la covariance entre les deux traits, et β1etβ2 sont respectivement les gradients de sélection du trait 1 et 2.

Actuellement il peut exister un gradient de sélection qui résulte de l’action simultanée des pressions de sélection naturelle et anthropique. La (les) valeurs(s) de trait pour lequel β = 0 définit un équilibre évolutif, c’est-à-dire un minimum ou un maximum de fitness. Seul un maximum de fitness est un équilibre évolutif stable. La théorie de l’évolution des traits d’histoire de vie prédit que les populations sont perpétuellement poussées par la sélection vers des optima (i.e. des pics) de fitness (voir Figure 6). Dans le contexte des changements globaux, on peut considérer que les perturbations anthropiques créent des pressions de sélection nouvelles et changent la position des pics adaptatifs. Ainsi les perturbations anthropiques créent des gradients de sélection (avec β ≠ 0) auquel les populations doivent répondre sous peine de risquer l’extinction (voir Figure 6).

Figure 6: Paysage adaptatif simplifié ou la fonction de fitness W(z), est associée à un seul trait, z. Le point bleu correspond à la valeur moyenne du trait z dans la population. Un pic définit un optimum local de fitness. La courbe noire correspond au paysage adaptatif sous sélection naturelle stabilisante. La courbe orange correspond au paysage adaptatif sous sélection anthropique directionnelle. La courbe rouge correspond au paysage adaptatif lorsque les deux sélections s’appliquent. A t1 seule la sélection naturelle exerce une pression sur le trait, on suppose alors que le trait moyen z dans la population est à l’équilibre évolutif (i.e. ß = 0). A t2 la sélection anthropique s’ajoute à la sélection naturelle et le trait moyen z se retrouve associé à une fitness beaucoup plus faible. Sous l’influence des deux pressions de sélection, et si le trait est capable de répondre à la sélection, le trait moyen devrait évoluer vers le nouvel optimum en t3.

Simplified adaptive landscape where the fitness function W(z), is associated with a single trait, z. The blue dot is the average value of z trait in the population. An adaptive peak defines a local fitness optimum. The black curve corresponds to the adaptive landscape under stabilizing natural selection. The orange curve corresponds to the adaptive landscape under anthropogenic directional selection. The red curve corresponds to the adaptive landscape when both selections are applied. At t1 only natural selection applies pressure on the trait, it is assumed that the average z value in the population is at the evolutionary equilibrium (i.e. ß = 0). At t2 anthrogenic pressure is added to natural selection and the average z value is associated to a lower fitness than at t1. Under influence of the two selection pressures, if the trait is able to respond to selection, the trait should move to the new optimum at t3.