• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Matériels et méthodes

2.3. Présentation des protocoles expérimentaux

2.3.2. L'expérience de cascade trophique

Les objectifs

La première expérience réalisée avait pour objectifs à la fois d’identifier les conséquences écologiques des variations phénotypiques (i.e. la taille et la forme corporelle) et de quantifier ces effets par rapport à une variation démographique (présente-absence). Les questions spécifiques associées à cette expérience étaient les suivantes :

Figure 13: Diagramme présentant les dates auxquelles ont été réalisées les expériences de la thèse et les principales étapes de l'expérience de sélection artificielle bi-directionnelle. Avant la sélection deux générations ont été élevés au laboratoire, elles ont permis de diluer de potentiels effets parentaux et de tester les protocoles de phénotypage. Les trois lignées ont été initiées à partir de la F1 lorsque les poissons avaient 75 dph afin de produire une lignée haute (high), une contrôle (control) et une basse (low). La sélection et les différentes étapes de suivi ont été poursuivies pendant 6 générations.

Diagram showing the dates when the experiments occurred and the main steps of the bidirectional artificial selection experiment. Before selection two generations were raised in the fish facility, to dilute potential parental effects and to test the phenotyping protocols. The three lines were initiated from F1 when fish were 75 dph to produce a high line, a control line and a low line. Selection and the different monitoring steps were continued for 6 generations.

• Comment la taille corporelle d’un prédateur influence la cascade trophique qu’il induit ?

• Comment la forme corporelle d’un prédateur influence la cascade trophique qu’il induit ?

• Quelles sont les contributions relatives d’un changement de taille corporelle et d’un changement d’effectif dans la cascade trophique ?

Les résultats de cette expérience sont présentés dans le chapitre 3.

Le principe

Dans une chaîne trophique à trois niveaux (Figure 14), comprenant de bas en haut, du phytoplancton (Scenedesmus sp.), du zooplancton (95 % Daphnia pulex et 5 % Cyclopidae sp.) et un médaka, nous avons fait varier à la fois la présence du poisson et sa taille corporelle. Pour comparer les effets des variations morphologiques (i.e. taille et forme corporelle du médaka) et les effets des variations démographiques (i.e. présence ou absence du médaka) dans la chaîne trophique expérimentale, nous avons produit des paires d’aquarium identiques (aquarium de 3 L), variant uniquement par la présence ou l’absence d’un poisson. Ces paires d’aquariums ont été obtenues à l'aide d'un dispositif permettant la séparation d’un échantillon d’eau en deux parties égales (e.g. le splitter). Ainsi une paire d'aquarium était composée de manière identique sur les deux premiers niveaux trophiques (composition et quantité) et seule la présence d'un poisson dans l'un des deux variait. Les poissons des différentes paires étaient de différentes tailles corporelles. Nous avons testé l'effet de 60 médakas (i.e. 120 aquariums au total) de tailles variées (sdl moyenne ± écart-type = 23,8 ± 7,5 mm). 24h après que le poisson ait été ajouté aléatoirement dans un des aquariums d'une paire, l’abondance et les tailles corporelles des organismes de chaque niveau trophique ont été quantifiés.

Les mesures réalisées

Le phytoplancton a été quantifié (en µg de chlorophylle a/L) directement à la fin de chaque bloc d'expérience à l'aide d'une sonde spectrofluorimétrique BBE (FluoroProbe, Moldaenke). La sonde mesure la fluorescence émise par les pigments chlorophylliens à l'aide de diodes électroluminescentes (Beutler et al. 2002). Pour chaque échantillon, 10 mesures ont été

Figure 14: Chaîne trophique expérimentale. De bas en haut : niveau trophique 1, phytoplancton (Scenedesmus sp.), niveau 2, zooplancton (95 % de Daphnia pulex et 5 % de copépodes cyclopoid), niveau 3, un médaka (Oryzias latipes). Chaque aquarium avec une chaîne contenant un poisson avait un aquarium « miroir » contenant une chaîne sans poisson (avec des niveaux 1 et 2 comparable). Après 24h le contenu des aquariums à été comparé afin de connaître l'effet de (1) l'ajout d'un poisson, (2) de sa taille, (3) de sa morphologie.

Experimental food chain. From bottom to top: trophic level 1, phytoplankton (Scenedesmus sp.), Level 2, zooplankton (95% of Daphnia pulex and 5% cyclopoid copepods), Level 3, a medaka (Oryzias latipes). Each aquarium with a food chain containing a fish had a "mirror" aquarium containing a food chain without fish (with comparable levels 1 and 2). After 24 hours, aquarium contents were compared to know the effect of (1) the addition of a fish, (2) its size, (3) its morphology.

enregistrées.

Le zooplancton fixé à l'éthanol (95 %) à la fin de chaque expérience a été quantifié (en nombre d'individus), déterminé (à l'espèce si possible) et mesuré (longueur maximale en mm²) à l'aide d'un système d'imagerie numérique, le ZooScan (Hydroptic). Le ZooScan réalise une image hautement résolue de l'échantillon, qui est ensuite traitée par le logiciel Plankton Identifier (Gorsky et al. 2010) afin de détecter, compter et mesurer les particules de l'image semi-automatiquement (création manuelle d’un dossier d'apprentissage des catégories de particules détectables dans les échantillons et vérification manuelle des identifications).

À la fin de chaque expérience, tous les poissons ont été sexés (d'après leurs caractères sexuels secondaires ; voir section 2.2.1 et Figure 12) et pesés (en mg) et photographiés après anesthésie dans un bain de tricaine méthane sulfonate (3g MS222 pour 10 L d'eau). Leur taille corporelle standard, allant de la pointe du museau à l’insertion de la nageoire caudale (sdl en mm), a ensuite été mesurée à partir des photographies en vue latérale à l’aide du logiciel ImageJ (Abràmoff et al. 2004), mesure répétée 3 fois. Je me suis également intéressée au rôle de la forme du corps (conformation par morphométrie géométrique) dans la cascade trophique. Des travaux récents chez le guppy (Poecilia reticulata) suggèrent que des variations de la forme de la tête, indépendamment de la taille corporelle, peuvent être liées à des variations du comportement de prédation (Palkovacs et al. 2011). L’analyse de la conformation des poissons consistait en la numérisation manuelle de landmarks (ou points repères) sur la base de photographies, en vue dorsale et latérale, à l'aide du logiciel tpsDig2 (Rohlf 2010). Ainsi 19 landmarks ont été numérisés en vue latérale et 21 en vue dorsale. Les conformations obtenues ont ensuite été centrées, pivotées et mises à l'échelle de sorte à minimiser la somme des carrés des écarts entre les coordonnées d'un même landmark par superposition procruste généralisée. Cette analyse qui permet de comparer les formes corporelles des individus (i.e. leurs résidus procrustes) a été réalisée à l'aide de la librairie geomorph (Adams and Otárola-Castillo 2013) du logiciel R (R Core Team 2014). À partir de ces résidus procrustes il a également été possible de quantifier l'effet de la forme corporelle hors taille (i.e. hors allométrie).