• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Matériels et méthodes

2.2. Le modèle biologique

2.2.1. Caractéristiques du médaka

Le médaka (Oryzias latipes ; Temminck et Schlegel, 1846), ou poisson des rizières, est un petit poisson dulçaquicole téléostéen qui appartient à l'ordre des Béloniformes et à la famille des Adrianichthyidés. Il est phylogénétiquement proche des cyprinodontiformes, qui comprennent les killies (e.g. top minnow), les poeciliidés (e.g. guppies, gambusies) et les xyphophorus (Figure 11; Near et al. 2012; Betancur-R. et al. 2013; Davesne and Lecointre 2015). Cette espèce originaire d'Asie du Sud-Est est caractérisé génétiquement par une forte diversité (Sakaizumi 1986; Takehana et al. 2003; Takehana et al. 2004; Katsumura et al. 2012) et est actuellement divisée en 4 populations, deux aux Japon, une regroupant la Chine et l’Ouest des Corées Nord et Sud, et une située dans l’Est des Corées Nord et Sud (Spivakov et al. 2014; Kirchmaier et al. 2015). Les médakas utilisés pour les expériences proviennent de la population du Sud du Japon (voir section 2.3.1.).

Le médaka est inféodé aux rizières, mares et zones d'eau lentiques (Nakabō 2002) et peu survivre dans des milieux très variables en température (de 0°C à 40°C) et en salinité (espèce euryhaline ; Yamamoto 1975; Shima and Mitani 2004). Il est omnivore, il se nourrit préférentiellement de zooplancton (cladocères et copépodes), d'annélides mais aussi de larves de diptères et de débris benthiques si aucune autre nourriture n'est disponible (Terao 1985; Edeline et al. 2016).

Le médaka sauvage est un petit poisson (longueur d'un adulte autour de 32 mm ; Nakabō 2002) globalement gris-brun (les chromatophores majoritaires de sa peau sont les mélanophores et les xanthophores) avec un abdomen bleuté-iridescent (dû à une concentration élevée d'iridophores et de leucophores ; Kinoshita et al. 2009). Le dimorphisme sexuel est peu marqué mais il est détectable sur des poissons de 16 à 24 mm de long (i.e. stade 44, Iwamatsu 2004). Trois caractères sexuels secondaires permettent de différencier les sexes (Figure 12; description précise dans Yamamoto 1975) : (1) la nageoire anale ; elle est longue, en forme de parallélépipède avec un petit décrochement postérieur et ses rayons osseux sont ornés de processus papillaires chez le mâle et courte, triangulaire et ses rayons osseux sont bifides aux extrémités mais sans processus papillaires chez la femelle. (2) la nageoire dorsale ; elle est longue et fine avec un décrochement postérieur net chez le mâle et légèrement plus courte et

Figure 11: Arbre phylogénétique simplifié présentant les liens entre le genre Oryzias et d'autres genres de poissons employé classiquement en expérimentation aquatique. En gris sont indiqués les principaux clades et ordres, en noir les genres avec pour chacun un nom vernaculaire d'espèce associé entre parenthèse. La longueur des branches n'est pas proportionnelle à la divergence temporelle séparant les groupes.

Simplified phylogenetic tree showing the link between Oryzias genus and other fish genus typically used in aquatic experiments. major clades and orders are in grey, genres in black with for each an associated common species name in brackets. The length of the branches is not proportional to the divergence time between the groups.

plus épaisse sans décrochement chez la femelle. (3) la papille uro-génitale ; elle est peu développée et bilobée chez le mâle et volumineuse et trilobée chez la femelle. Par ailleurs, lors de la période de reproduction les mâles peuvent arborer des couleurs plus vives (principalement sur les nageoires) et plus brillantes (développement de leucophores sur le corps et les nageoires).

En milieu naturel le médaka vit environ 1 an (Terao 1985; Edeline et al. 2016) et peut commencer à se reproduire à partir de 60 jours après l'éclosion (Hirshfield 1980; Leaf et al. 2011). De mai à août c'est la saison de reproduction pour cette espèce ovipare, les conditions abiotiques (photopériode, température et nourriture) sont réunies pour que les individus matures se reproduisent (Shima and Mitani 2004). Durant cette période, tous les jours à l'aube, les mâles séduisent les femelles par une « danse » qui stimule la ponte d'une vingtaine d’œufs (qui adhèrent à la papille uro-génitale des femelles) et qui sont fécondés extérieurement (Kinoshita et al. 2009). Dans la journée les femelles se débarrassent de leurs œufs en se frottant contre des végétaux, l'éclosion se produit dans un délai de 7 à 10 jours suivant la fécondation. Les femelles matures âgées de 90 jours après l’éclosion (90 dph) seraient les plus productives (maximum d’œufs pondus par jour), et plus le nombre d’œufs pondus est grand, plus le volume moyen des œufs est petit. En moyenne le taux d'éclosion serait de 73 % (Leaf et al. 2011). En laboratoire, le médaka aurait une croissance continue, comme un grand nombre de téléostéens (Ghoneum and Egami 1982; Hatakeyama et al. 2008).

2.2.2. Choix du médaka

Le médaka est une espèce dont l'utilisation en laboratoire est courante (i.e. organisme modèle), particulièrement dans les domaines de la biologie moléculaire et de l'éco-toxicologie (Wittbrodt et al. 2002; Kasahara et al. 2007; Kinoshita et al. 2009; Naruse et al. 2011; Kirchmaier et al. 2015) et il pourrait aussi être utilisé couramment en écologie expérimentale. Il possède en effet des caractéristiques qui font de lui un très bon modèle de laboratoire : (1) son génome de faible taille (800 Mpb, Naruse et al. 2004) est entièrement séquencé et présente un haut degré de polymorphisme nucléotidique (Kasahara et al. 2007), (2) des outils de biologie moléculaires sont disponibles (e.g. lignées transgéniques ; Kirchmaier et al. 2015),

Figure 12: Photographies d'une femelle (A) et d'un mâle (B) de médaka adulte sauvage en vue latérale. En (1) ,la nageoire anale, en (2) la nageoire dorsale et en (3) la forme de la papille uro-génitale sont les caractères sexuels secondaires qui permettent de les différencier.

Pictures of a female (A) and a male (B) of wild adult medaka in side view. (1) the anal fin, (2) the dorsal fin and (3) the shape of the urogenital papilla are secondary sexual characteristics that differentiate them.

(3) son temps de génération est court, (4) sa descendance est nombreuse, et (5) il est facile à maintenir en élevage et demande peu de place. Ces caractéristiques, « d’espèce modèle de laboratoire », sont aussi partagées par le poisson zèbre notamment (Furutani-Seiki and Wittbrodt 2004). En outre, le médaka possède des caractéristiques supplémentaires qui peuvent s'avérer intéressantes en écologie, notamment sa grande résistance aux variations environnementales (température et salinité), sa résistance aux manipulations et sa palette de comportements. Ces attributs sont aussi partagés par les killies, les guppys, les épinoches et les poissons porte-épées (McKinnon and Rundle 2002; Magurran 2005; Cossins and Crawford 2005).

Le médaka, possède donc à la fois les caractéristiques d’une « espèce modèle de laboratoire », et celles des poissons plus couramment employés en écologie expérimentale. Par sa polyvalence, il apparaît alors comme un des meilleurs organismes vertébrés aquatiques pour réaliser des études intégrées en écologie, allant du gène à l’écosystème. C'est dans cette optique que nous avons choisi d'employer ce poisson pour ces expérimentations.