• Aucun résultat trouvé

I- Les leptospires

3. Mécanisme d’action

a) Historique

En 1929 deux scientifiques danois Carl Peter Henrik Dam et Shônheyder qui menaient des recherches sur le métabolisme du cholestérol remarquèrent que des poulets nourris sans lipides mourraient d’un syndrome hémorragique même après ajout de cholestérol à leur nourriture. En 1935 Carl Peter Henrick Dam identifia un composé liposoluble différent du cholestérol qu’il appela vitamine K pour koagulation en danois ou vitamine de la coagulation (128). Durant l’année 1936 il extrait la vitamine K1 (phylloquinone) à partir de la luzerne et en 1939 un chercheur américain Edward Adelbert Doisy réalise la synthèse chimique de la vitamine K. La même année la vitamine K2 (ménaquinone, MK) est extraite de chair de poisson avariée. Durant l’année 1943 Karl Henrick Dam et Edward Adelbert Doisy obtinrent le prix Nobel pour leurs travaux respectifs sur la découverte de la vitamine K d’une part et la découverte de sa structure chimique d’autre part. Les structures des différentes vitamines K sont présentées sur la figure 24.

79

La vitamine K est le co-substrat de la réaction de gamma-carboxylation consistant en la carboxylation en gamma de résidus glutamiques (Glu) en acide gamma carboxy-glutamique (Gla) qui se fait dans le réticulum endoplasmique des hépatocytes mais aussi dans d’autres cellules comme les ostéoblastes avec l’action de l’enzyme appelée gamma-glutamyl-carboxylase. La vitamine K permet une modification post traductionnelle de protéines vitamines K dépendantes (PVKDs) et il y en a actuellement 16 (Tableau 9).

Tableau 9. Les différentes PVKD connues à ce jour

PVKD hépatiques PVKD extra hépatiques facteurs de coagulation ( II, VII, IX et X), la

protéine C, la protéine S et la protéine Z

Protéines Gla transmembranaires (PRG1, PRG2 (129), TMG3 et TMG4 (130)), protéines riches en Glu gamma carboxylables (Gla-Rich-Protein et périostine 1), Growth Arrest Specific gene 6, Matrix Gla Protein et Ostéocalcine

Légende :

Gla : Acide amine gamma-carboxyglutamate, PRG : Prolin-rich Gla protein et TMG : Protéine Gla transmembranaire.

b) Rôle de la vitamine K dans la coagulation

La vitamine K sert notamment de co-substrat à l’enzyme GGCX qui sert à l’activation de certains facteurs de coagulation (II, VII, IX et X) eux-mêmes impliqués dans l’hémostase. L’hémostase est un ensemble de mécanismes permettant d’arrêter les hémorragies et d’empêcher les thromboses. Elle est constituée de trois phases.

L’hémostase primaire sert à combler une brèche vasculaire en faisant un thrombus plaquettaire en quelques minutes. Elle se fait en deux phases. La première phase vasculaire va ralentir l’écoulement du sang et regrouper plaquettes et protéines coagulantes au niveau de la plaie. La deuxième phase plaquettaire va consister en l’adhésion des plaquettes, leur activation et leur

80

agrégation. Les cellules endothéliales vont permettre de synthétiser le facteur de Von Willebrand qui sert de transporteur au facteur VIII (cofacteur de la coagulation) et médiateur de l’adhésion et agrégation plaquettaire quand il y a une lésion vasculaire et la prostacycline par exemple. Les plaquettes possèdent une membrane riche en cholestérol, en calcium, ayant des récepteurs pour facteur de Von Willebrand et fibrinogène. Le fibrinogène est un dimère composé de trois chaines (alpha, bêta et gamma) avec un domaine central E et deux domaines latéraux D, jouant un rôle dans l’hémostase primaire et l’hémostase secondaire.

- L’hémostase secondaire sert à renforcer le thrombus blanc par le fibrinogène se convertissant en fibrine. Il s’agit d’une cascade de réactions enzymatiques permettant d’activer des facteurs de coagulation (Tableau 10) pour produire la fibrine. Les régulateurs de la coagulation sont des systèmes anticoagulants physiologiques situés dans le plasma permettant d’inactiver les facteurs activés. Le système de l’antithrombine inhibe la thrombine et le facteur Xa, l’héparine augmente son action anticoagulante. Le système protéine C-protéine S permet l’inactivation les facteurs Va et VIIIa et ces deux protéines sont des PVKDs. Le système tissu factor pathway inhibitor (TFPI) peut inhiber le complexe facteur VIIa- facteur tissulaire.

- L’hémostase tertiaire a pour objectif de dissoudre la fibrine. Il s’agit d’une destruction des polymères de fibrine ce qui a pour objectif d’empêcher l’installation et l’extension du caillot.

Tableau 10. Description des facteurs de coagulation

Forme inactive Forme active Nom PVKD

I Ia Fibrinogène non

II IIa Prothrombine oui

III IIIa Facteur tissulaire non

IV IVa Calcium ionisé non

V Va Proaccelérine non

VII VIIa Proconvertine oui

VIII VIIIa Facteur

antihémophilique A non IX IXa Facteur antihémophilique B oui X Xa Facteur de Stuart Prower oui

81

XI XIa Facteur Rosenthal non XII XIIa Facteur Hageman non XIII XIIIa Facteur Laki-Lorand non

c) Cycle de la vitamine K

La vitamine K est nécessaire à la gamma carboxylation d’acides aminés glutamiques en acides aminés gamma-carboxyglutamates de protéines dites protéines vitamine K dépendantes. Cette gamma carboxylation permet l’activation de facteurs de coagulations et autres PVKDs. Lors de cette gamma-carboxylation, la vitamine K est transformée en vitamine K époxyde. Une partie de la vitamine K est apportée par la nourriture (131) mais cet apport est insuffisant pour assurer les besoins en vitamine K (132). L’organisme a un cycle de recyclage de la vitamine K époxyde en vitamine K hydroquinone qui se fait en deux étapes.

Figure 25. Cycle de recyclage de la vitamine K

La première étape du cycle est la réduction de la vitamine K époxyde en vitamine K quinone (Figure 25). L’enzyme qui catalyse cette transformation est la VKORC1 (Vitamine K époxyde réductase). L’activité de la vitamine K epoxyde réductase (VKOR) décrite pour la première fois

82

en 1970 (133) est inhibable dans le foie par le coumafène. Le gène vitamine K epoxyde reductase complex subunit 1 ou vkorc1 qui fait 5126 paires de bases, code pour une protéine VKORC1 de 163 acides aminés et est situé sur le chromosome 16 de l’humain. Ce gène a été découvert en 2004 (134,135) et est conservé parmi les vertébrés, les plantes et les bactéries (136). La deuxième étape du cycle permet la réduction de la vitamine K quinone en hydroquinone. L’activité VKR est catalysée par une NADPH quinone oxydoréductase ou DT-daphorase ainsi que par la VKORC1.

d) Inhibition du cycle de la vitamine K par les AVKs

Les AVKs agissent en inhibant l’activité VKOR du cycle de recyclage de la vitamine K (Figure 26). Il s’agit d’une inhibition de type non compétitif. Les AVKs ont une homologie structurale avec la vitamine K époxyde. Le site de fixation sur VKORC1 n’est pas défini. Ils bloquent le cycle de recyclage de la vitamine K en entrainant une diminution de la vitamine K disponible. Ils entrainent ainsi une augmentation du temps de coagulation et un retard de formation de la fibrine. Les réserves en facteurs de coagulation II, VII, IX et X activés étant très importante, l’effet clinique des AVKs est différé dans le temps, les premiers symptômes apparaissant au moins 48 heures après l’administration. Cet effet différé permet de contourner l’aversion alimentaire des rongeurs.

Figure 26. Mécanisme d’action des AVKs sur le cycle de la vitamine K(110)