CHAPITRE II. LES POLITIQUES D'ACCUEIL DE L'ACTIVITE ECONOMIQUE DANS
4. V Loiseau, 2009 Le changement institutionnel et la politique en matière de parcs
Pays-Bas
1. Référence bibliographique, adresse internet et numérotation en annexe 1
Loiseau V., 2009.- Le changement institutionnel et la politique en matière de parcs d’activité. La
situation au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, Mémoire de Bachelier en Sciences géogra-
phiques, Université de Liège, inédit.
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l’annexe 1 du présent rapport.
Numérotation en annexe 1 : PRL4
2. Type de document et contexte du travail
Travail de fin d’études réalisé dans le cadre du diplôme de Bachelier en Sciences géographiques
(Université de Liège).
3. Zone d’étude
Royaume-Uni et Pays-Bas
4. Lien avec la problématique du rapport
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5. Résumé
Ce mémoire vise à expliquer les différences entre deux pays européens concernant les politiques
de développement des parcs d’activités (promotion foncière). Les pays analysés correspondent
au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Il s’agit de deux États où la formule du parc d’activités existe
depuis l’entre-deux-guerres. Les deux pays s’opposent sur le fait que, au Royaume-Uni, les auto-
rités ont optés depuis les années quatre-vingt pour une évolution vers la privatisation des promo-
tions foncières à vocation économique. En d’autres termes, ce sont dorénavant des promoteurs
fonciers privés qui mettent en place les espaces aménagés pour l’accueil physique des entre-
prises. Par contre, aux Pays-Bas, nous sommes toujours en présence d’une politique publique
de production foncière, même si le gouvernement central a exprimé son souhait d’encourager la
privatisation. Aux Pays-Bas, ces sont des opérateurs publics qui continuent à aménager les parcs
d’activités. Il s’agit, en général, des municipalités.
Le mémoire développe les éléments suivants :
- les objectifs politiques du développement public des parcs d’activités (favoriser le développe-
ment régional et éviter la promiscuité entre des activités économiques nuisibles et d’autres
fonctions dont le logement) ;
- la mise en exergue de la différence entre la promotion foncière publique et la promotion foncière
privée ;
- une analyse de la notion de privatisation et de son application au sujet de la production de parcs
d’activités ;
- la présentation d’un modèle de changement institutionnel ;
- l’application de ce modèle à la problématique du développement des parcs d’activités au
Royaume-Uni et aux Pays-Bas.
6. Questionnements et méthodologie
Les objectifs de l’étude étaient les suivants :
- analyser les objectifs escomptés par la privatisation de la promotion des parcs d’activités ;
- comprendre les circonstances qui ont conduit à un tel changement au Royaume-Uni ;
- comprendre les circonstances qui ont bloqué cette évolution aux Pays-Bas.
La méthode choisie pour cette étude repose principalement sur une analyse bibliographique.
Pour ce faire, l’étudiante a rencontré certaines difficultés vu le manque de publications et de
documentations sur le sujet. En effet, si le sujet général de la privatisation est bien documenté, il
existe par contre peu de littérature qui portent sur la privatisation des développements fonciers à
vocation économique. Le travail s’est en réalité basé sur deux références principales :
Jones C., 2004.- « A regional perspective on the impact of the privatisation of the UK public
industrial property stock », Environment and Planning C: Government and Policy, Vol. 23, pp.
123-139.
Needham B. et Louw E., 2006, « Institutional Economics and Policies for Changing Land Markets
: The Case of Industrial Estates in the Netherlands », Journal of Property Research, Vol. 23,
n°1, pp. 75-90.
Concernant la méthodologie, attardons-nous sur le modèle de changement institutionnel utilisé
(les styles en gras sont des ajouts de notre part) :
Un changement de politique s’accompagne d’un changement institutionnel. Par conséquent, la priva- tisation de la politique en matière de parcs d’activité au Royaume-Uni peut s’expliquer par un modèle de changement institutionnel. Dans cette section, nous introduisons le modèle institutionnel sur lequel ce travail repose.
Dans leur discussion de 2003, Burch et al. introduisaient la « rupture » du « sentier institutionnel ». L’histoire institutionnelle est une succession de périodes de stabilité et de périodes de ruptures insti- tutionnelles. Pendant les périodes de ruptures, un nouveau sentier institutionnel est créé. Pour qu’il y ait rupture, des pressions au changement sont nécessaires. Ces pressions peuvent être ex- ternes, lorsque la demande de changement est extérieure à l’organisme (par exemple en moment de crise), ou être internes, lorsque la demande au changement provient d’une réflexion critique au sein de l’organisme. Si la pression est suffisante, qu’elle soit interne ou externe, « le moment critique » du changement arrive. À ce moment, la possibilité d’un changement institutionnel est perçue et le système institutionnel est remis en question. Le moment critique constitue la première étape vers le changement mais elle n’est pas suffisante. Le changement se réalisera si les deux pressions externes et internes sont suffisamment importantes. Si le changement est réalisé et qu’un nouveau système institutionnel est mis en place, on parle alors de « jonction critique ».
Burch et al. (2003) expliquent les différentes étapes conduisant à la jonction critique. Néanmoins, ils n’identifient pas les conditions sous lesquelles la jonction critique peut être atteinte lorsque le moment critique est atteint. C’est grâce aux travaux de Kingdon (1995) que ce modèle de changement institu- tionnel est complété. Pour celui-ci, trois conditions sont nécessaires au changement de politique : des problèmes de société importants, des solutions politiques en main (par exemple, des suggestions pour un nouveau modèle institutionnel), l’appui et l’action politique.
En conclusion, le système institutionnel de départ sera modifié uniquement si deux développements liés l’affectent. Le premier est le développement de réflexions, d’idées alternatives et d’actions issues de l’organisation institutionnelle interne. Le second est le développement de la société externe qui perçoit les problèmes et met le système institutionnel sous pression. Le moment critique apparaît lorsqu’un de ces développements ou la combinaison des deux exerce assez de pression pour le chan- gement. Pour qu’il y ait jonction critique, il faut que les deux développements issus des pressions internes et externes soient présents et suffisamment importants pour engendrer un changement. La théorie du sentier de la dépendance de North [1990] peut être assimilée dans ce modèle. En effet, la théorie de la dépendance explique que, malgré l’envie de changer de modèle institutionnel, aucun changement n’est opéré. Dans ce contexte, la théorie de la dépendance correspond donc à l’étape du moment critique avec des pressions insuffisantes pour arriver à la jonction critique. (V. Loiseau, 2009, p. 11)
Ce modèle, repris sous une forme graphique en figure 1, a été formalisé par E. Buitelaar et al.
(2005). Nous considérons qu’il est intéressant de le détailler car la théorie du sentier de dépen-
dance nous semble parfaitement applicable à la politique wallonne menée en matière d’accueil
de l’activité économique (voir ci-dessous au point 9).
Figure 1
Modèle de changement institutionnel
Traduit de : E. Buitelaar et al., 2005, p. 897.
7. Données mobilisées
La recherche ne s’appuie que sur une analyse de la littérature.
8. Principaux résultats
Nous présentons ci-dessous les conclusions du travail (les styles en gras sont des ajouts de notre
part) :
L’objectif premier de ce travail était d’analyser les objectifs escomptés par la privatisation de la pro- motion foncière et immobilière des parcs industriels et surtout de comprendre comment et dans quelles circonstances un tel changement peut être réalisé.
Sur base de la théorie du changement institutionnel, nous avons pu établir une comparaison entre l’expérience du Royaume-Uni et des Pays-Bas.
Le Royaume-Uni a souffert, dès 1973, de la récession économique et de ses conséquences. Les différentes régions du pays n’ont pas pu s’adapter avec la même efficacité à la désindustrialisation de l’économie, ce qui engendra de grandes disparités régionales. Le climat de crise qui s’installe exerce une pression extérieure en faveur du changement institutionnel. De plus, le parti du gouvernement conservateur, leurs réflexions libérales ainsi que leur rigidité à mener à bien leur politique conduisent, dès 1979, à une pression interne suffisamment forte pour induire le changement. Le moment critique
prend place et la réflexion institutionnelle propose une solution. Le nouveau modèle institu- tionnel doit entraîner une promotion foncière et immobilière privée des parcs d’activité. Le mo- ment critique cède donc sa place, sous de fortes pressions, à la jonction critique.
Cependant, nous avons vu qu’il n’existe pas de preuves quant à l’augmentation des loyers ou au renforcement de la promotion et des investissements privés. Bien que les institutions formelles aient été changées de manière radicale, les institutions informelles persistent. La privatisation des parcs d’activités ne peut à elle seule résoudre les problèmes du marché et sans un marché attractif, les
promoteurs privés restent absents. Par conséquent, le secteur public reste actif dans les ré- gions en difficultés et de plus en plus de partenariats privés-publics aident à promouvoir les parcs d’activité.
Au Pays-Bas, la promotion foncière des parcs d’activité publique existe depuis plus de 60 ans. Ce- pendant, nous avons vu qu’actuellement les réflexions institutionnelles exercent une pression
pour que cette politique change. Comme cela s’est fait au Royaume-Uni, le gouvernement néerlan-
dais souhaiterait une promotion privée des parcs d’activité. Les Pays-Bas, bien que connaissant le moment critique depuis plusieurs années, n’ont pas encore vécu la jonction critique qui entraînerait ce changement. North nomme cette incapacité à passer du moment critique à la jonction critique le
sentier de la dépendance. Pour Needham et Louw, ce phénomène s’explique par les idéologies des
municipalités, et donc les institutions informelles, mais également par les faibles loyers des parcs industriels, repoussant les promoteurs privés. Néanmoins, le modèle institutionnel nous permet de comprendre que sans pressions extérieures comme le Royaume-Uni en a connues, la jonction critique est impossible.
Le modèle du changement institutionnel appliqué à la politique des parcs d’activité nous aura donc permis de comprendre, d’une part, pourquoi la privatisation de leurs promotions a abouti au Royaume- Uni et, d’autre part, pourquoi la situation reste bloquée au Pays-Bas. (Ibidem, pp. 25-26)
9. Discussion des résultats et perspectives pour la politique wallonne
Par rapport à la politique wallonne menée en matière d’accueil de l’activité économique, le travail
analysé conduit à souligner deux problématiques. La première est celle des rôles respectifs
des promoteurs publics et privés. Au Royaume-Uni, le changement institutionnel des années
quatre-vingt s’est traduit par une évolution ayant fortement renforcé le poids des acteurs privés
(et donc du marché) sur les acteurs publics (et donc de la régulation par les autorités publiques).
Il en résulte que, depuis lors, au Royaume-Uni,
« ce sont [principalement] des promoteurs privés qui sont à l’initiative de zones d’activités et qui en assurent le financement » (J. Serrano et C. Demazière, 2016, p. 743).