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Logique de développement touristique

CHAPITRE 4 : PERCEPTIONS INSTITUTIONNELLES ET PARCOURS DE PORTEURS DE PROJETS,

1. Regards d’élus : entre prise en compte des spécificités territoriales et « syndrome du

1.3. Logique de développement touristique

Le discours tourne ici autour du tourisme (classe 2, fig 44). Le vocabulaire employé pour décrire l’activité est en effet fortement emprunt de cette thématique : touriste, tourisme, camping, hôtel, chambre, gîte, sentier, randonnée, visiteur. Le site est également mis en avant (vallée, lac, nature, rivière, magnifique) mais reste centré sur quelques exemples emblématiques au regret de certains élus pointant un manque de reconnaissance et de valorisation d’un potentiel d’ensemble reposant sur son cadre paysager et son patrimoine architectural (photo 1).

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Ils ont pas forcément conscience du potentiel du pays, voilà. Ils vont aller chercher éventuellement des idées ailleurs ou loin, alors qu’ici on a de quoi développer des choses, parce qu’ils n’ont pas l’impression que dans un territoire comme celui-là on puisse attirer des gens. Ils vous disent, ah ben oui mais qui voulez-vous qui vienne […]. On a des atouts, mais les gens n’en ont pas forcément conscience. Et je pense que c’est ça le plus difficile. C’est leur faire prendre conscience qu’avec ce qu’ils ont autour d’eux, ils pourraient faire des choses. Et ça ils ne le voient pas, et je pense que s’il y avait une action de la Région qui devrait être faite c’est justement de faire prendre conscience au territoire de la richesse qu’ils ont chez eux plutôt que d’essayer d’aller la chercher ailleurs. Parce que la richesse elle est là, on a les forêts, on a les rivières, on a plein de choses. La richesse elle est là il y a pas besoin d’aller la chercher ailleurs. Et il faut la développer là. On a les bâtiments qui sont magnifiques, les gens quand ils viennent ils le disent, […]. On a des choses pour attirer les gens mais on n’a pas, les gens n’ont pas l’esprit, voilà. (Maire, bassin de vie d’Argentat)

Figure 44 : Lexique et cooccurrences des mots représentatifs de la classe 2, logique de développement touristique

La saisonnalité du tourisme présent, tourné vers les aménités naturelles, est également soulignée. Concentrée sur deux mois d’été et quelques week-ends prolongés au printemps, la période touristique entraîne des retombées certaines pour les territoires mais encore trop limitées pour espérer en tirer des bénéfices économiques suffisants pour permettre l’installation de commerces et services pérennes tout au long de l’année.

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Effectivement, l’été il y a une activité beaucoup plus dense que l’hiver sans aucun doute, c’est pas le Mont-Saint-Michel, c’est pas la cité de Carcassonne, mais il y a un regain d’activités. (Maire, bassin de vie de Dun-le-Palestel)

Vous allez me dire et alors, vous êtes vraiment, vous me parlez pas de l’essentiel, et le tourisme ? Le tourisme c’est une activité d’appoint pour moi. Vous avez un commerçant, même dans une zone touristique comme Argentat, c’est très touristique, c’est joli avec la Dordogne, le tourisme selon moi permet à certains, à un commerçant, à certains, de perdurer, c'est-à-dire que s’il n’avait pas ça juillet août ils auraient des difficultés. Mais quant au tourisme créateur d’emplois, faut être prudent. Ça en crée bien quelques-uns […] mais le tourisme est sans doute chez nous pas suffisamment exploité. On a de magnifiques ressources naturelles pour le tourisme, c'est-à-dire des paysages encore bien protégés, des vallées jolies à voir, à celui qui sait observer, on a aussi des villages magnifiques à découvrir hein, avec une architecture ancienne qu’on ne rencontre que sur le canton (Maire, bassin de vie d’Argentat).

Photographie 1 : patrimoine architectural du bassin de vie d’Argentat (Corrèze, clichés J. Dellier, 2012)

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Il en résulte un besoin de développer l’activité (fig 45) à travers l’amélioration de l’offre d’hébergement (chambre, gîte, hôtel, camping) et d’activités (randonnée, sentiers), mais aussi la promotion des spécificités du territoire (site, vallée, rivière, magnifique, peintre, Dordogne). A ce titre, les élus font le constat d’une modification des habitudes et attentes des touristes. Les séjours touristiques sont ainsi plus courts. Par ailleurs, les formes traditionnelles d’hébergement, comme le camping, sont progressivement délaissées au profit des gîtes et locations meublées. Cette évolution des pratiques entraîne un besoin d’adaptation de l’offre territoriale aujourd’hui essentiellement constituée par des campings et quelques hôtels vieillissants (INSEE, 2011). Cependant, face à la relative faiblesse du secteur touristique, les investissements nécessaires à la modernisation du parc semblent difficiles à mettre en œuvre, tandis que le secteur des locations de gîtes et meublés, tout en progressant, ne parvient pas à constituer une offre suffisamment porteuse pour le territoire.

Figure 45 : réseau de mots et cooccurrences pour le verbe développer (classe 2)

Début Juillet et fin août, ils (les hôteliers) travaillent normalement, mais après ils travaillent beaucoup moins. Ils travaillent avec le troisième âge, un petit peu, dans les périodes à partir de Pâques. Alors ils travaillent à Pâques, ils travaillent à la Pentecôte, mais entre deux, qu’est ce qu’ils font ? Donc ces hôtels sont difficilement rentables à

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partir du moment où on leur impose tous ces frais pour remise aux normes, et ben l’hôtel il ferme. La meilleure preuve, l’hôtel qui est un peu plus loin là dans le bourg, il est fermé. L’hôtel en bas, qui prenait beaucoup de monde et qui était très plaisant, avec les chambres qui donnent sur la Creuse, il est fermé. L’hôtel qui est en face a été fermé plus tôt parce qu’il n’était pas aux normes, lui il méritait d’être fermé. Il nous en reste plus qu’un, le quatrième qui est dans l’Indre, à côté de la rivière, lui il avait été agrandi et remodifié après la dernière guerre, donc il y avait la possibilité de le mettre aux normes. (Maire, bassin de vie de Dun-le-Palestel)

Photographie 2 : vues du bassin de vie d’Argentat (Corrèze, clichés J. Dellier, 2012)

Au regard des bassins de vie retenus pour l’étude, la présence d’un discours centré sur le développement touristique était attendue. La vallée de la Dordogne avec la ville d’Argentat et une partie de la Xaintrie d’un côté (photo 2) et la vallée de la Creuse avec le site de Crozant et la vallée des peintres de l’autre (photo 3) constituent deux des attractions touristiques du Limousin. Cependant, derrière ce discours commun se cachent quelques nuances. Pour le bassin de vie d’Argentat, le tourisme représente aujourd’hui une activité économique à part entière, même si elle reste concentrée sur quelques communes. Le discours porte alors tant sur la pérennisation de cette manne que sur la nécessaire adaptation de l’offre aux nouvelles demandes. Pour le bassin de vie de

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Dun-le-Palestel, l’activité touristique concerne presque exclusivement les trois communes de Crozant, Fresselines et La Celle-Dunoise mais avec un constat partagé d’une offre vieillissante, voire désuète, et d’un potentiel largement inexploité.

Photographie 3 : le site de Crozant, entre ruines et rivière (Creuse, clichés J. Dellier, 2012) Les réponses apportées par les élus, en termes de développement, sont de natures opposées. Sur le bassin de vie d’Argentat, le manque d’ambition, relatif à la valorisation du patrimoine, est déploré. Les efforts sont de fait plus tournés en direction de l’offre d’activités et d’hébergement. A l’inverse, sur le bassin de Dun-le-Palestel, d’importants travaux de cristallisation des ruines de Crozant et de mise en valeur de la vallée des peintres autour de l’école de Crozant sont effectués, sans que l’offre d’hébergement, peu attractive à l’heure actuelle, ne fasse l’objet d’une réflexion d’ensemble. C’est d’ailleurs dans ce manque de coordination, l’ensemble des initiatives ressortant plutôt comme ponctuelles et isolées, que semble se trouver l’une des failles du développement touristique de ces territoires. Malgré le constat partagé d’un potentiel existant, la question des moyens de valorisation ne peut, en l’absence de politique concertée, trouver de réponse satisfaisante.

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