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CHAPITRE 4 : PERCEPTIONS INSTITUTIONNELLES ET PARCOURS DE PORTEURS DE PROJETS,

1. Regards d’élus : entre prise en compte des spécificités territoriales et « syndrome du

1.4. Logique d’accueil

Le troisième discours identifié place l’accueil de résidents, temporaires (résidence secondaire, vacances), retraités et/ou extrarégionaux (anglais, Angleterre, hollandais, parisien) au centre des préoccupations des élus (fig 46). Les parcours migratoires sont également très présents dans le discours : acheter, venir, revenir, intégrer, repartir, partir, plaire, installer (fig 47). Les maires du bassin de vie de Dun-le-Palestel sont plus particulièrement porteurs de cette logique d’accueil, qu’ils considèrent indispensable au renouvellement démographique de leur commune au regard du vieillissement de la population en place. Derrière cette logique d’accueil, il est possible de relever des enjeux différents selon qu’il s’agit de résidents temporaires ou de résidents permanents.

Figure 46 : Lexique et cooccurrences des mots représentatifs de la classe 3, logique d’accueil Dans le cas des résidents secondaires, la saisonnalité de leur présence peut faire penser à un phénomène unique.

On dit souvent on a les volets qui s’ouvrent au mois de juin quoi, jusqu’au 30 septembre. Pis après ça se ferme. (Maire, bassin de vie d’Argentat)

La présence de ces résidents temporaires est porteuse d’un regain d’activité sur les mois d’été, d’autant qu’ils sont reconnus pour consommer localement. Ils sont également perçus comme ayant un impact fort sur le bâti, pour partie positivement car ils participent à la valorisation du bâti via la rénovation de leur patrimoine et entretiennent les terrains attenants, mais aussi négativement du fait de l’immobilisation de biens, qui tend à réduire l’offre de logements disponibles à la vente et par l’existence d’un marché spécifique qui participe à l’augmentation des prix. A ce titre, les résidents

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secondaires sont distingués par les maires selon qu’ils soient issus de familles originaires du territoire, et disposant par conséquent d’un patrimoine, ou qu’ils soient extérieurs à celui-ci. Les premiers font plus souvent l’objet de critiques en cas d’absence ou de rareté des visites quand les seconds sont accusés d’avoir grandement facilité une spéculation immobilière sur le bâti traditionnel.

Figure 47 : réseau de mots et cooccurrences pour le verbe venir (classe 3)

Ils (les résidents secondaires) sont pas là toute l’année mais au moins ils viennent au moins une fois de temps en temps. C’est entretenu, c’est retapé. Il y en a beaucoup nous quand même sur la commune. Surtout dans le bourg, dans les villages moins peut-être. Mais dans le bourg il y en a beaucoup (Maire, bassin de vie de Dun-le- Palestel)

C’est pas forcément des résidences secondaires, c’est des gens d’ici qui sont, il y en a pas mal d’ailleurs qui sont partis bosser à Paris par exemple, mais qui ont toujours gardé la maison. Parce que c’est la maison de famille, mais on n’appelle pas vraiment ça des résidences secondaires c’est des gens d’ici quoi. A la retraite, ils reviennent habiter ici. (Maire, bassin de vie de Dun-le-Palestel)

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La planche photographique 4 montre deux illustrations de cette problématique du résidentiel secondaire qui recouvrent deux dynamiques territoriales distinctes. La première repose sur un réinvestissement périodique du patrimoine familial. Ainsi, sur le cliché de gauche, des résidences familiales fermées, qui ne vivent qu’une partie de l’année, offrent à voir des hameaux fantômes l’hiver. La seconde engendre la confiscation du bâti traditionnel, comme présenté sur le cliché de droite, par une clientèle allogène, du fait de prix pratiqués difficilement accessibles aux ménages d’actifs locaux. A cet égard, les résidents étrangers sont particulièrement ciblés, à tort ou à raison, comme vecteurs de cette hausse du foncier déconnectée des réalités locales.

Photographie 4 : derrière les volets clos, des dynamiques différenciées, bassins de vie de Dun-le- Palestel (cliché de gauche) et d’Argentat (cliché de droite) (clichés J. Dellier, 2012)

L’installation de nouveaux arrivants, de manière permanente, est une autre facette de cette logique d’accueil. Dans ce contexte plutôt orienté vers la villégiature, il s’agit en grande partie de retraités venant renforcer la composante âgée du territoire. Le renouvellement générationnel n’est donc que très imparfaitement assuré et la problématique, posée plus haut, du développement de politiques publiques adaptées aux besoins émergeants de cette population, se pose avec acuité. Les maires signalent toutefois les stratégies résidentielles adoptées par un certain nombre de nouveaux résidents à cet égard. En effet, la fin d’activité professionnelle offre, pour beaucoup de résidents temporaires, une opportunité d’installation permanente dans leur résidence secondaire. Dans le même temps, ceux-ci conservent généralement un pied-à-terre dans un environnement plus urbain afin de pouvoir, en cas de perte d’autonomie, regagner un espace jugé plus en adéquation avec les situations de dépendance. Les élus signalent d’ailleurs la difficulté pour les nouveaux arrivants, qu’ils aient ou non une expérience préalable du territoire, de s’habituer au rythme de vie en basse saison, comparé au relatif dynamisme des périodes estivales.

Il y a bien sûr une bonne part de retraités qui sont issus, qui ont vécu sur le territoire de la commune, mais on assiste à un phénomène aussi de gens qui viennent, quelquefois qui sont nés sur la commune mais qui ont fait une carrière professionnelle ailleurs, et qui reviennent quand ils sont à la retraite. Et on a aussi, bon dans une plus faible part, des gens qui étaient pas du tout domiciliés sur la commune mais qui sont venus, c’est là qu’ils viennent passer leur retraite. […] Ils (ces nouveaux arrivants) venaient déjà en vacances, la région leur plaisait, donc ils ont coupé de leur milieu professionnel pour

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venir passer leur retraite chez nous. Mais il y a eu des échecs aussi, il y a eu des gens qui venaient en vacances l’été, donc qui trouvaient que c’était pas mal et qui avaient imaginé y passer leur retraite et quand on a été dans un milieu actif, très vivant, et se retrouver à la campagne, ben c’est bien les deux mois d’été mais l’hiver c’est un peu différent, il faut vraiment savoir à quoi, comment ça va fonctionner ensuite quoi. Entre deux mois d’été ou douze mois de l’année c’est pas tout à fait pareil. (Maire, bassin de vie d’Argentat)

Photographie 5 : vues du bassin de vie de Dun-le-Palestel (Creuse, clichés J. Dellier, 2012) Enfin dans cette logique d’accueil, le discours des maires sur les services prend une tonalité bien particulière. S’il ne diffère pas du discours d’ensemble pour les services aux personnes, notamment à destination des plus âgés, les besoins exprimés par les nouveaux arrivants en termes de commerces ou de dessertes ne sont pas jugés comme légitimes. Les élus pointent de fait l’écart entre la projection d’exigences liées à des habitudes de vie antérieures, souvent dans des contextes urbains denses, et les contraintes de campagnes peu denses (photo 5).

Ben il y a les deux. C’est un atout, ça nous fait du monde, ça fait travailler pendant la belle saison. C’est un problème par ailleurs parce que ces gens sont très exigeants et ils

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ont l’habitude, c’est toujours le même problème, ils ont l’habitude des services qui sont rendus dans les grandes villes et qu’ils n’ont pas dans les campagnes. Il faut choisir, c’est là le choix. (Maire, bassin de vie de Dun-le-Palestel)