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de la réglementation. Or l’avis du Commissaire a pour but de prévenir l’arbitraire de la société et son contenu doit révéler une analyse au cas par cas de chaque dossier, la transcription individuelle des expli- cations fournies au nom de la société et la conclusion qu’il convient d’en tirer quant à l’application éventuelle d’une sanction et quant au choix de celle-ci (Civ. Charleroi (3e ch.), 9 novembre 2011, J.L.M.B., 2011, p.1978).

3. Lorsque la société a pourtant connaissance de la situa-

tion financière et médicale du locataire et qu’elle applique un loyer maximum, elle commet un abus de droit. Il n’y a cependant pas lieu d’accorder à la locataire des indemnités pour dommage moral. Si le loyer-sanction n’avait pas à être appliqué, il appartenait néanmoins à la locataire de veiller à communiquer dans les délais les docu- ments demandés. L’attitude « excessive et disproportionnée » de la société ne justifie pas pour autant qu’elle soit condamnée à payer des dommages et intérêts à la locataire pour dommage moral (Civ. Charleroi (3e ch.), 31 mars 2009, Échos Log., 2010/3-4, p.21).

4. Adopter sans nuance un « loyer-sanction » envers un silence

non caractérisé, sans qu’aucune fraude ne soit décelée, conduit la société de logement à manquer sa finalité sociale, et est de nature à déstabiliser encore des personnes vulnérables (J.P. Charleroi II, 25 juin 2007, Échos Log., 2010/3-4, p.19 citant J.P. Grâce-Hollogne, 16 mai 2000, J.L.M.B., 2000, p.1341 et Échos Log., 2000, p.152).

Dès lors que la locataire a pu prouver que les renseigne- ments demandés avaient bien été fournis, la société de logement social a manqué de prudence et de raison, en ne prenant pas en considération la situation humaine de la locataire. Un manquement bénin ne peut justifier « une attitude vindicative ». C’est pourquoi une indemnité de 500 € pour dommage moral a été accordée au locataire

5. Si la société peut porter le loyer au maximum, l’hypothèse

d’une résiliation du bail est également envisageable, par exemple, en cas de refus de fournir les documents nécessaires à l’établisse- ment du loyer. Or il s’agit d’un manquement, dont il est douteux qu’il puisse donner lieu à la possibilité pour mettre fin unilatéralement au bail, sans que les tribunaux n’examinent les motifs de la résiliation

(cfr. C.E.D.H, McCann, 13 mai 2008 et C.C., Wooncode, 10 juillet 2008, Échos Log., 2009, pp.27 et 35).

6. L’application du « loyer-sanction » est donc un périlleux

exercice d’équilibre entre raison, bon sens, humanité et respect du principe de proportionnalité.

Luc Tholomé

J.P. TOURNAI II

10 MARS 2015

OBLIGATION D’OCCUPATION PERSONNELLE –

HOSPITALISATION PROLONGÉE – RÉSOLUTION DU BAIL

Le bail-type de logement social stipule que le preneur est tenu d’oc- cuper personnellement le logement, d’y résider et d’y élire domi- cile. Cette règle concernant le logement social s’impose dès lors que l’octroi d’une habitation publique s’inscrit dans une optique de concrétisation du droit constitutionnel à un logement décent et à un prix abordable.

1. LES FAITS DE LA CAUSE ET L’OBJET DE LA DEMANDE

L’action s’inscrit dans le cadre d’une convention de bail conclue entre les parties le 9 août 2011, aux termes de laquelle la demande- resse donne en location au défendeur S. une maison d’habitation sise à………, rue………, n°…, moyennant le paiement d’un loyer men- suel atteignant actuellement 233,54 €.

Postérieurement à la conclusion de ce bail, Maître P. fut désigné en qualité d’administrateur provisoire des biens du défen- deur S., raison pour laquelle il fit acte d’intervention volontaire à la présente action.

Dans le cadre de celle-ci, la demanderesse reproche à son locataire de ne pas occuper les lieux loués, et elle poursuit par conséquent la résolution du bail à ses torts, et sa condamnation au paiement d’une indemnité de relocation équivalente à trois mois de loyers.

A l’appui de sa demande, la requérante relève que le défen- deur est hospitalisé en institution psychiatrique depuis le mois de juillet 2012, et qu’il n’a jamais réintégré son logement, qui n’est par conséquent plus entretenu.

De son côté, le défendeur et son administrateur provisoire de biens admettent la réalité de cette situation, mais soutiennent que l’état de santé mentale de Monsieur S. est constitutif d’un cas de force majeure, élisif de toute responsabilité contractuelle dans son chef.

Ils concluent par conséquent au débouté.

2. APPRÉCIATION

En vertu de l’article 4 litigieux, relatif à l’occupation du loge- ment, « le locataire est tenu d’occuper personnellement le logement,

d’y résider et d’y élire domicile ».

L’article 11 de ce même contrat énonce quant à lui que le locataire s’engage à occuper et à utiliser les lieux loués en bon père de famille, conformément à l’article 1728 du Code civil, et que les réparations locatives et l’entretien courant sont à sa charge.

Il ne fait aucun doute que le défendeur transgresse ces diverses obligations, sans que son état de santé mentale puisse être considéré comme constitutif d’un cas de force majeure, élisif de sa responsabilité contractuelle.

A propos de l’obligation pesant sur un locataire social d’oc- cuper personnellement et effectivement le bien loué, la doctrine et la jurisprudence enseignent ce qui suit :

« Le bail-type de logement social stipule que le preneur est

tenu d’occuper personnellement le logement, d’y résider et d’y élire domicile. Cette règle concernant le logement social n’est que logique comme déjà vu, dès lors que l’octroi d’une habitation publique s’inscrit

dans une optique de concrétisation du droit constitutionnel à un loge- ment décent (et à un prix abordable); mettre un tel logement social à disposition d’une personne qui ne l’occuperait pas dans les faits marquerait à cet égard un sérieux constat d’échec (rendu davantage intolérable encore par la longueur de la file d’attente des ménages qui patientent des années pour intégrer le parc public). Epinglons, en ce sens, l’arrêt de la Cour de Cassation ayant disposé en son temps « qu’il ressort de l’économie du Code du Logement et des règles générales contenues en son article 31 que le bail d’une habitation sociale com- porte pour le locataire d’occuper effectivement le logement qui lui a été attribué en application de ladite législation » (Cass., 10 février 1983, J.J.P., 1983, p.230 et note B. Jadot ; N. Bernard et L. Lemaire, Le bail de logement social à Bruxelles

et en Wallonie. Approche descriptive, comparative et critique, Larcier, 2009, pp.260 et 261).

En l’espèce, il n’est ni contestable, ni contesté que le défen- deur S. n’occupe plus les lieux loués depuis le mois de juillet 2012 et qu’il n’existe actuellement aucun projet de réintégration, même à moyen terme.

Ainsi, le médecin qui traite au sein de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu à Leuze-en-Hainaut, écrivait ce qui suit le 5 sep- tembre 2014 :

« Je soussigné… certifie que Monsieur S. est hospitalisé dans

mon service depuis le 9 janvier 2013. Il n’a pas été capable depuis cette date d’occuper son logement, étant incapable médicalement d’y retourner seul sans surveillance jusqu’à présent. L’évolution len- tement progressive de ce patient lui permettrait si elle se poursuit de bénéficier de tentatives de réinsertion à l’extérieur au départ de ce logement et d’y rencontrer à nouveau ses enfants ».

A la lecture de cette attestation, il paraît acquis que le défen- deur ne pourra réintégrer son logement pour des raisons médicales, lesquelles doivent céder le pas aux dispositions du Code wallon du Logement et de l’Habitat durable, qui renferme des dispositions spécifiques balisant la mission de service public des sociétés de logements sociaux.

Par ailleurs, la circonstance que le défendeur n’occupe pas son logement depuis bientôt trois ans a pour conséquence qu’il viole également – certes involontairement –, son obligation d’occuper les lieux « en bon père de famille », conformément au prescrit tant de l’article 1728 du Code civil, que de l’article 11 du bail litigieux.

Ainsi, l’habitation n’est plus chauffée depuis bien longtemps, cependant que les photographies produites par la demanderesse démontrent que les abords du logement sont totalement délaissés. En raison de ce qui précède, la demande sera accueillie telle qu’elle est libellée.

(Résolution du bail)

Luc Tholomé

J.P. TOURNAI II

7 JUILLET 2015

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TROUBLES PSYCHIQUES DU LOCATAIRE – CAUSE DE RÉSOLUTION (NON) – DROIT POUR TOUS À UN LOGEMENT DÉCENT (ART. 23 DE LA CONSTITUTION)

Les réactions imprévisibles d’un locataire social liées à ses troubles psychiques ne sont pas une cause de résolution du bail à ses torts.

I. BREF RAPPEL DES FAITS ET DE L’OBJET DE LA DEMANDE.

Pour rappel, l’action s’inscrit dans le cadre d’une convention de bail conclue entre les parties le 24 février 2005, aux termes de laquelle la demanderesse donne en location au défendeur une maison d’habi- tation sise à………, moyennant le paiement d’un loyer mensuel attei- gnant actuellement 249,54 €.

La présente action, au travers de laquelle la demanderesse poursuit la résolution du bail aux torts du défendeur, est la consé- quence de divers incidents qui se produisirent entre l’intéressé et certains de ses voisins, à partir de l’année 2014.

C’est ainsi qu’aux termes de ses premières conclusions, la demanderesse relatait un certain nombre de difficultés de voisinage à l’origine desquelles se trouvait le défendeur et, plus particulière- ment, un incident remontant au 17 septembre 2014, au cours duquel l’intéressé tira sur certains de ses voisins à l’aide d’une carabine à air comprimé.

Si, à l’appui de ses affirmations, la demanderesse avait pro- duit divers procès-verbaux de police, de même qu’un certain nombre de témoignages portant essentiellement sur les incidents du 17 sep- tembre 2014, nous avions toutefois estimé que ces éléments étaient insuffisants pour infliger au défendeur la sanction de la résolution judiciaire du contrat du chef de manquements contractuels graves. Nous avions par conséquent autorisé la demanderesse à prouver par toutes voies de droit, témoignages compris, le fait suivant :

« D. ne cesse d’avoir des comportements agressifs et dépla-

cés à l’égard du voisinage et, en outre, détériore les haies et clôtures voisines ».

Dans la foulée de cette décision, nous entendîmes six té- moins, tous locataires de la demanderesse, et résidant à proximité de l’habitation du défendeur.

La requérante se fonde notamment sur ces témoignages, mais également sur les éléments qu’elle avait précédemment pro- duits, pour persister dans sa demande de résolution du bail aux torts du défendeur.

II. APPRÉCIATION.

II.1. LES PRINCIPES APPLICABLES.

Au rang des divers principes qui doivent nous guider dans l’appréciation du fondement de la demande, il convient d’épingler ceux qui suivent :

— en vertu de l’article 1728, 1°, du Code civil, le preneur est tenu d’user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destina- tion qui lui a été donné par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;

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