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dépendance automobile : un choix moins définitif

3. Quitter le périurbain dépendant de l’automobile ou le signe plus profond d’un désenchantement du « tout

3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de dépendance

exprimées conduit à accélérer ou à ralentir la relocalisation de tout ou partie du ménage (en cas de divorce ou de décohabitation).

Tableau 4 : Statuts d’occupation pendant et après la localisation résidentielle périurbaine et dépendante de l’automobile

En italique, les personnes rencontrées en Côte-d’Or.

Dans le périurbain dépendant de l’automobile

Après le périurbain dépendant

Propriétaire Locataire Hébergé Tot.

Propriétaire Danielle Edwige Séverine P. (privé) Katarzyna (privé) Stéphane (privé) Fabienne (privé) Francine Monique 8 Locataire Christine (privé) Laurent (HLM) Agnès (HLM) Samia (HLM) Julien (privé) Séverine Y (privé/HLM) Ludivine (privé/privé) Charline (privé/privé) Isabelle (HLM/HLM) Redouane (privé/HLM) Claire (privé/HLM) Christelle (privé/HLM) Laurence L. (privé/HLM) Martine (HLM/HLM) Nelly (privé/HLM) Sylvie (privé/privé) Stéphane (privé) Anita (HLM) Laurence B. (privé) Abdel E. (privé) Julie (HLM) Nastassia (privé) 22 Hébergé Patricia - - 1 Total 8 15 8 31

3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de

dépendance

La relocalisation est d’autant plus rapide quand les ménages rencontrés n’étaient pas propriétaires dans le périurbain dépendant de l’automobile, ce qui est majoritairement le cas des personnes rencontrées dans le cadre du chantier 2. 23 ménages sur 30 rencontrés n’étaient pas propriétaires lorsqu’ils résidaient dans le périurbain dépendant de l’automobile : 15 étaient locataires et 8 hébergés à titre gratuit. Leur capacité à se relocaliser est plus importante que ceux qui étaient propriétaires car les locataires ne sont pas captifs d’une maison et du statut social qui l’accompagne. Elle l’est d’autant plus que ces ménages ont souvent accès par leurs ressources et leur

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employeur à des logements aidés, en HLM. L’effet d’aubaine est donc déterminant et se cumule avec la dépendance automobile pour emporter la décision d’un déménagement vers plus de centralité. Ainsi, sur les 22 ménages devenus locataires après avoir quitté des territoires périurbains dépendants, 13 sont devenus locataires en HLM et 3 ont disposé d’aides de leur employeur pour trouver une location privée (cf. Tableau 4 ci-dessus).

Le passage en HLM est d’abord motivé par la volonté d’avoir une localisation plus centrale ou mieux desservie. Mais ce ne sont pas là les seuls avantages constatés par les ménages qui en ont bénéficié. Le logement est souvent mieux équipé et en meilleur état du fait qu’il soit géré par un bailleur collectif. Le fait de ne plus avoir à gérer en tant que propriétaires ou à ne pas avoir à composer avec un propriétaire particulier pointilleux et peu arrangeant est vu comme un avantage qui vient nourrir le discours justificatif déployé par nos interviewés. D’autres évoquent le gain en termes de loyers qui s’avèrent moins élevés (à nombre identique de m² ou compte tenu d’avantages supplémentaires comme une place réservée de stationnement).

« Et puis, ben, on a contacté l’OPAC, euh... qui nous a donné le numéro direct du… du responsable, on va dire à qui j’ai… enfin, avec qui j’ai commencé à parler, j’ai fini par craquer au téléphone en disant que ce n’était plus possible, quoi. Et… il m’a trouvé, enfin, il nous a trouvé un logement sous 15 jours. Et là, c’était la première fois que Greg visitait un appartement, donc, sans moi, parce que ça, c’était entre midi et deux et il n’avait pas le temps de revenir de me redéposer, machin truc, etc. Il a pris la décision tout seul et puis on ne l’a pas regretté derrière, quoi. Parce que de 60 m², on est passé à un appartement de 100 m². Nettement mieux. » Séverine Y., 33 ans, opératrice en PAO, mariée, 2 garçons de 9 et 8 ans, vit à Dijon (HLM) depuis 2006, a vécu à Quemigny-Poisot (location privée) de 2004 à 2006.

« Alors, je paye beaucoup moins que je payais à Maincy, je paye 550 € avec parking. D’ACCORD. ET A MAINCY, VOUS PAYIEZ COMBIEN ?

Je payais 600... 100 € de plus, je crois, 650, et c’était à peu près la même surface, mais je n’avais pas de parking. Il fallait que j’en prenne un… à part, quoi, et… il n’y avait pas autant qui rentre ici, voilà. » Redouane , 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a vécu à Maincy (location privée) de 2005 à 2008.

Ces avantages participent indirectement à la décision de se relocaliser vers des territoires moins dépendants. Si l’arrivée en HLM peut être vue comme une forme de déclassement au sein des classes moyennes (Damon 2011), notons que les personnes concernées ici le perçoivent comme un avantage, une opportunité, notamment à l’heure où le logement pèse de plus en plus dans le budget des ménages (Bigot et al. 2012). Il peut être procuré soit par l’employeur (public comme privé), soit par la connaissance d’un réseau social. Ayant principalement habité dans du locatif en général et du locatif HLM en particulier, les ménages ne perçoivent pas le HLM comme un déclassement mais comme un réajustement logique et opportuniste de leur trajectoire résidentielle. Leurs collègues, d’autres membres de leur famille voir leurs parents y vivent ou y ont vécu. Les ménages sont

d’autant plus satisfaits d’obtenir ce type de logement que leur accès au logement est de plus en plus difficile, quelle que soit la localisation (cf. Laurence dans le chantier 1). Dès lors que ces logements ne sont pas situés dans des territoires considérés comme inenvisageables (cités, sans transports, etc.), ils peuvent même être perçus comme un signe positif de distinction. En témoignent les discours des individus sur la façon dont ils ont obtenu ces logements :

« Et ben écoutez, ce que j’ai fait, j’ai été assez intelligente, j’avais de contacts ici, je connais… je connaissais les gens du parti communiste. Donc… pas plus communiste que le beurre en tartine, ils m’ont dit : « tu prends une carte », j’ai pris une carte et j’ai insisté et on a eu ce logement très vite parce que… par rapport à ma fille qui est handicapée. Il y avait un logement au rez-de-chaussée qui était libre, on nous a demandé si on le voulait, quand on l’a visité, quand on a vu le coin, on dit : « on le prend tout de suite ». Donc, on a refait toutes les démarches que déjà, c’était pareil, ma fille, elle ne pouvait pas travailler à 9 h le matin parce que l’école là-bas ouvrait à 8 h 45, elle ne pouvait pas commencer à 7 h le matin comme moi, parce qu’il fallait qu’elle attende que l’école ouvre. Elle ne pouvait pas faire des heures supplémentaires le soir ou moi je ne pouvais pas en faire, parce qu’il fallait quelqu’un qui les récupère, il n’y avait pas de transport, on était toujours tributaire de quelqu’un. Donc, on s’est dit : « allez hop, qu’est-ce que tu fais, tu restes là-bas, tu ne restes pas là-bas », ben, elle me dit : « écoutes, je fais comme toi », donc, on a atterri ici. » Martine, 61 ans, magasinière au chômage et bientôt à la retraite (ne recherche pas d’emploi), en couple (mais ne vivent pas ensemble), 6 enfants entre 41 et 30 ans, vit avec 2 d’entre eux à Champigny-sur-Marne (HLM) depuis 2004, a vécu à Maincy (HLM) de 1994 à 2004.

« Au bout de 2 ans, moi, j’ai commencé un peu à réfléchir à tout ça. J’en ai parlé à mon ex- conjoint qui, lui… qui, lui, était bien, parce que lui, il bossait, il était en permanence en déplacement. Il ne voyait pas vraiment comment on vivait, nous, là, toute la semaine. Pendant les vacances, et puis… et puis au fur et à mesure, j’ai dit : « bon, ben, je vais faire une demande de logement », voilà, puisque si je ne prends pas d’initiative, on va rester là, donc… je vais faire une demande de logement et j’ai fait une demande de logement, préfecture et puis ici, après, sur la commune, puisque que j’avais déjà deux sœurs ici, sur la commune. C’était vraiment la ville la plus proche de là où on était. Donc… j’ai fait le… ça a mis… trois ans… trois ans d’attente. Et puis voilà, quoi, quand on a eu l’appartement et puis entre-temps, ça s’est un peu dégradé, les relations avec leur papa, donc, bon… ça fait qu’après, ben, j’ai pris l’appartement seule. » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a vécu à Favières de 2001 à 2007.

Redouane, Laurence L, Claire, Christelle ont mobilisé une énergie similaire pour obtenir leurs logements. Entente avec les locataires précédents, connaissance de personnes à la mairie ou aux services d’admission des dossiers, visites sauvages des lieux ou d’un appartement similaire pour se rendre compte de la superficie, etc. sont autant de moyens mis en œuvre pour choisir son logement social dont l’intérêt premier est d’être localisé dans un territoire moins dépendant de l’automobile, plus proche du lieu de travail et d’aménités.

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Réduction de la pénibilité des déplacements et accès à un logement social à proximité d’aménités sont les maîtres mots qui permettent de comprendre pour quelles raisons les individus rencontrés ont choisi de se relocaliser dans des territoires moins dépendants. Ces deux éléments peuvent provoquer un usage plus important en proportion de modes alternatifs à la voiture, comme les transports en commun, le vélo, la marche, des deux-roues motorisés comme les scooters qui sont finalement peu utilisés dans les territoires dépendants. Ceux amenés à se rendre dans des localisations plus centrales (pour le travail ou les loisirs) utilisaient certes ces modes quand ils étaient dans le périurbain dépendant de l’automobile mais toujours de façon multimodale, c'est-à-dire avec une partie réalisée nécessairement en voiture. L’omniprésence de la voiture et l’isolement qu’elle représente incite donc des ménages modestes à quitter les territoires périurbain dépendant de l’automobile pour élargir le champ des activités possibles à proximité de leur logement et en même temps le champ des opportunités modales qui s’offrent à eux. Toutefois nous allons voir à présent que si les individus aspirent s’affranchir du tout-automobile et quittent donc les territoires qui en sont totalement dépendants, ils n’envisagent cependant pas de renoncer à la voiture et à certains de ses usages.

3.3. Quitter le périurbain dépendant de l’automobile sans renoncer pour