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5. Le numérique en bibliothèque publique

5.5 Livres numériques

Quand on parle de livre numérique, une question est récurrente : le marché du livre électronique va-t-il vraiment se développer ou va-t-il rester à jamais un marché de niche ? Si l’on se penche sur les chiffres concernant le livre dit « grand public », on constate que le livre électronique représente entre 3 et 5% des ventes dans les pays européens tels que la France, l’Allemagne et l’Italie (Koutchoumoff 2016). Un petit pourcentage donc. Mais en France, en 2016, on a relevé une augmentation du chiffre d’affaires des livres numériques, qui est passé de 4 à 5% (Sutton 2016). Par contre, au niveau des éditeurs, 31% d’entre eux ne possèdent pas d’offre de livres numériques et plus que la moitié n’envisagent pas d’en proposer une dans le futur (Sutton 2016). Ce marché se développe donc très lentement, peut-être en partie en raison des réticences des éditeurs.

Examinons maintenant les pratiques de lecture numérique. Une étude menée en 2016 sur les habitudes d’achats de livres en Suisse romande (Dubosson, 2016) indique que 26.4% des personnes interrogées lisent des livres numériques. Chiffre plus élevé qu’en France (18%) et plutôt proche de celui des Etats-Unis (28%). Cette étude met aussi l’accent sur le fait que presque un tiers des personnes lisant des livres électroniques n’en achètent pas. Ceci explique en partie la petite taille de ce marché.

Le livre électronique est un marché qui, pour l’instant, reste en marge. Il faut cependant souligner que l’offre pour les bibliothèques se développe gentiment. Selon le baromètre du KPMG (Sutton 2016), un tiers des éditeurs proposent actuellement des offres pour les bibliothèques.

Le prêt de livres numériques est l’offre numérique la plus répandue aujourd’hui en bibliothèque publique. Cela fait déjà plusieurs années que des réseaux se sont mis en place pour trouver des solutions aux problèmes en lien avec le droit d’auteur et les éditeurs. Bien que le modèle idéal n’existe pas encore, différentes formules intéressantes ont vu le jour.

Avant de parcourir le panorama de ces offres, commençons par distinguer deux différentes possibilités de lecture électronique. La première est la lecture en streaming : l’usager n’a accès à son livre qu’en ligne, il a donc besoin d’une connexion Internet constante. La deuxième solution passe par le téléchargement. Le lecteur doit se connecter à Internet pour télécharger son livre ; une fois cela fait, il peut le charger sur le dispositif de son choix et le lire sans avoir besoin de connexion Internet. Le plus souvent, les bibliothèques proposent soit la seule lecture en streaming comme sur la

plateforme de bandes dessinées Iznéo28, soit le téléchargement (parfois aussi accompagné d’une possibilité de lecture en streaming), auquel cas l’on peut parler de prêt numérique.

Passons aux différents modèles utilisés par les bibliothèques. Le premier modèle passe par l’association de différentes bibliothèques qui se mettent ensemble pour négocier avec les éditeurs. Un catalogue de livres numériques est géré centralement et les bibliothèques peuvent s’y inscrire contre une partie de leur budget d’acquisition. Le prêt d’ebooks se fait ensuite généralement sur le modèle du livre papier, un exemplaire numérique pouvant être emprunté par un utilisateur à la fois ; au terme de la période de prêt, le livre redevient automatiquement disponible pour les autres lecteurs (chronodégradable).

Au Canada, le consortium Bibliopresto.ca gère depuis 2012 une plateforme nommée Pretnumérique.ca29, qui permet aux bibliothèques inscrites de proposer le prêt de livres électroniques à leurs usagers. En 2017, plus de 100 institutions sont parties prenantes de ce projet (Pretnumérique.ca 2017). Pretnumérique.ca utilise la plateforme Cantook Station, solution mise en place par l’entreprise DeMarque.

En Suisse, la fondation Bibliomedia Suisse30 propose depuis 2014 la plateforme e-bibliomedia. Elle suit ce modèle économique : les bibliothèques qui choisissent d’y participer peuvent, contre 2% de leur budget d’acquisition, offrir à leurs lecteurs la possibilité d’emprunter des documents parmi un catalogue d’environ 4'500 livres. Actuellement, septante-trois bibliothèques publiques ou scolaires de Suisse romande adhèrent à cette offre (Fondation Bibliomedia Suisse 2017a).

D’autres réseaux encore fonctionnent selon ce modèle, par exemple en Suisse allemande : DiBiZentral31 et ebook+32.

Une autre solution est celle de l’achat livre par livre. Ce modèle permet aux bibliothèques de constituer leurs collections individuellement. Un consortium ou une entreprise est chargé de faciliter la tâche aux bibliothèques : ils s’occupent de négocier avec les éditeurs et proposent un catalogue de livres numériques dans lequel les bibliothèques font leur choix. C’est le cas d’Overdrive33 aux Etats-Unis, de Numilog34,

28https://www.izneo.com/fr/ 29http://www.pretnumerique.ca 30http://www.bibliomedia.ch/fr/ 31http://www.dibizentral.ch/dibizentral/frontend/welcome,51-0-0-100-0-0-1-0-0-0-0.html 32http://www.ebookplus.ch/verbund_baden/frontend/welcome,51-0-0-100-0-0-1-0-0-0-0.html 33https://www.overdrive.com 34https://www.numilog.com/LivresNumeriques.aspx

ou encore du réseau français Prêt Numérique en Bibliothèque (PNB, géré par Dilicom)35.

Le troisième modèle est celui des bouquets de livres. La bibliothèque choisit de permettre à ses usagers d’accéder à un bouquet de livres déjà constitué ou à la totalité de l’offre d’une entreprise. C’est le cas de la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou (Bpi)36 qui utilise la plateforme BiblioVox37 de Cyberlibris. L’Harmathèque38 et la plateforme de bandes-dessinées Izneo fonctionnent aussi selon ce modèle.

En adoptant maintenant le point de vue de l’usager, nous pouvons constater que trois éléments importants ne sont pas optimaux.

Premièrement, les livres numériques n’apparaissent que rarement dans les catalogues des bibliothèques ; ils se trouvent en général dans un catalogue séparé, ce qui oblige le lecteur à conduire doublement sa recherche. C’est une opportunité manquée pour les bibliothèques, car les points d’accès aux livres numériques sont de ce fait très restreints. Malheureusement, les manipulations techniques pour mettre ce système en place sont encore actuellement chronophages.

Deuxièmement, avant de pouvoir emprunter des documents sur les plateformes de prêt numérique, le lecteur est contraint la plupart du temps de demander une inscription spécialement pour la plateforme d’ebooks.

Dernièrement, les institutions utilisent en général la formule du prêt chronodégradable, gérée par Adobe Digital Edition39. Le lecteur doit donc, pour télécharger un livre, se créer un identifiant Adobe, démarche peu intuitive et pour laquelle il est souvent nécessaire d’avoir un guide. C’est une des raisons (avec le coût) qui pousse les bibliothèques à proposer des liseuses pré-chargées de livres du domaine public. Car ces derniers ne sont pas soumis à des DRM40 et évitent donc des manipulations chronophages pour les professionnels.

Ces différents éléments constituent de vrais obstacles au prêt de livres numériques. Mais, pour l’instant, très peu de solutions se profilent pour remédier à ces problèmes. Les institutions sont donc obligées de se soumettre à ces contraintes. Le meilleur

35https://pnb-dilicom.centprod.com/documentation/doku.php 36http://www.bpi.fr/home.html 37http://www.bibliovox.com 38https://www.harmatheque.com 39http://www.adobe.com/fr/solutions/ebook/digital-editions.html

moyen de rendre ce service plus attrayant est de proposer un bon accompagnement aux lecteurs, ce qui sous-entend aussi un besoin en professionnels formés.