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lithique taillé de Hin de Diou, Pujo-le-Plan, Landes (A Pasquini)

Introduction

L’industrie lithique taillée de Hin de Diou, à Pujo- le-Plan, a été attribuée au Gravettien lato sensu (cf. Chapitre 6). L’analyse tracéologique du matériel lithique taillé propose de renseigner la fonction des outils. Elle contribue aussi à la compréhension du fonctionnement des trois locus mis au jour par la fouille, au travers de l’analyse de la distribution spatiale des supports qui ont pu être utilisés au sein des assemblages.

7.1. Méthode

L’analyse fonctionnelle a été effectuée selon la méthodologie établie par S. A. Semenov (1964) et qui a ensuite été perfectionnée et utilisée par de nombreux chercheurs (Hayden 1979  ; Plisson 1985  ; Vaughan 1985a ; Mansur-Franchomme 1986 ; Van Gijn 1990 ; Gonzàlez, Ibàñez 1994 ; …). Notre protocole d’analyse tracéologique comporte une observation préalable à l’œil nu, suivie par la recherche des macro-traces à faible grossissement (à l’aide d’une loupe binoculaire Lomo MBS 10, avec des grossissements fixes de 4,8 x, 8 x, 16 x, 32 x et 56 x) et des micro-traces à fort grossissement (en utilisant un microscope optique à réflexion en fond clair Nikon Optiphot, muni d’objectifs à différents grossissement : 50 x, 100 x, 200 x et 400 x).

Les attributions fonctionnelles se font en comparant les traces archéologiques sur les artéfacts avec celles obtenues expérimentalement, selon le principe de l’analogie.

7.2. Échantillonnage

Etant donné les contraintes de temps liée à cette étude (qui s’est déroulé en dix jours  : 15 au 26 mars 2010) et l’intérêt porté aux pièces typologiquement définies, nous avons retenu pour l’analyse la quasi-totalité des pièces retouchées (n=40). Toutefois, nous avons jugé nécessaire d’inclure dans le lot certains supports non retouchés (produits laminaires et lamellaires, éclats, …) susceptibles d’avoir été utilisés et qui présentaient certains caractères (bord régulier, enlèvements irréguliers, fractures, émoussés localisés). Cette étape permet ainsi de compléter l’étude par une évaluation des éventuelles altérations mécaniques, visibles en particulier sur les bords bruts (cf. infra).

Un total de soixante-dix éléments lithiques a été soumis à l’analyse fonctionnelle, supports bruts et retouchés confondus (fig. 78).

7.3. Modifications de la surface post-dépositionnelle

Malgré l’absence de restes osseux, la surface de l’outillage en silex semble bien conservée, tant d’un point de vue macroscopique que microscopique. Toutefois, nous avons remarqué des indices d’altérations chimiques post-dépositionnelles, sous la forme d’une dissolution de la surface bien visible à l’œil nu sur vingt-quatre pièces, dont n° 451, 2149, 466, 2147, 449, ….

D’après les observations géoarchéologiques, les pièces ne semblent pas avoir souffert d’un mouvement post- dépositionel important dans le sédiment, d’autant plus que celui-ci était un « limon sableux très peu compact à rares petits éléments grossiers  » (cf. Chapitre 2). En effet, on observe pour la plupart des pièces des bords vifs, sans indices de processus taphonomiques mécaniques importants. Malgré cela, nous signalons la présence anecdotique de pseudo-poli d’abrasion (fig. 79a, b) et de stries sur deux bords observés au microscope (plages plates sur les parties plus saillantes du fil ; fig. 79c, d), mais aussi d’un support aux bords grignotés, probablement à la suite du décapage manuel et/ou mécanique des zones fouillées.

Comme cela a été évoqué dans l’analyse typo- technologique (cf. Chapitre 6), quatre pièces se distinguent du lot par leurs surfaces très altérées. Il s’agit d’un grattoir sur éclat (n° 50004), d’une lamelle tronquée (n° 451), d’une tablette de ravivage retouchée (n° 1898) et d’un éclat laminaire retouché (n° 50005) ; pièces pour lesquelles une analyse plus poussée s’est avérée impossible. Elles montrent, à l’œil nu, une brillance en surface (gloss patina) et un émoussé des arêtes et des bords très développé, qui rend vaine tout tentative d’observation plus approfondie.

Sur le silex de type Flysch (type F3 ; cf. Chapitre 5), nous observons une surface très mate, à faible mais aussi à fort grossissement. L’absence de traces macroscopiques et microscopiques (poli) sur la plupart des spécimens semble être liée à des causes d’ordre fonctionnel (cf. infra), plus que taphonomique. En outre, le type

résiste bien au frottement, qu’il soit d’origine post- dépositionnelle ou fonctionnelle. Pour cette raison certains supports utilisés peuvent ne pas avoir conservé de stigmates visibles, en raison de contacts avec des matières souples ou à des travaux de courte durée. Sept éléments présentent une surface altérée par la dissolution (appelée, de façon impropre, «  patine  » blanche), qui empêche toute lecture microscopique (n° 1012, 1337, 1873, 1666).

L’autre type de silex qui a été reconnu sur le site, est originaire du domaine chalossien (cf. Chapitre 5), il possède un grain plus fin. Dans treize cas, il montre une «  patine  » blanche de dissolution plus ou moins intense (n° 451, 466, 2147, 449, …  ; fig. 79e). On passe d’un voile léger (n° 601) au recouvrement complet de la surface (n° 2149). Malgré cette dissolution les polis les plus développés sont parfois visibles à l’échelle microscopique (n° 2149). Pour finir, la plupart des supports montrent, de façon plus ou moins étendue, une légère concrétion (fig. 79f ) qui a enrobé dans deux cas une partie des bords et de la surface observable.

7.4. Observations fonctionnelles

7.4.1. Outillage

Dans cette catégorie, cinq burins conservent des traces microscopiques d’utilisation (n° 2149, 5, 1008, 1166, 1858). Pour quatre autres exemplaires, on se base uniquement sur la présence de traces macroscopiques (poli non visible ou non conservé) (n° 466, 2147, 449, 601). Deux lames retouchées présentent également des indices microscopiques clairs sur les bords (n° 15, 40), alors que pour deux autres exemplaires retouchés (lame et éclat), les macrotraces seules sont trop limitées pour affirmer une quelconque utilisation (n° 1420, 1240).

7.4.1.1. Burins

Pour un exemplaire, il s’agit d’un burin dièdre de grand gabarit (n° 2149) qui montre un poli visible sur son extrémité (fig. 80a), mais aussi sur ses bords retouchés. La matière en contact semble être dure, probablement d’origine animale. La matière travaillée n’a pas pu être mieux définie à cause de la difficulté de lecture au niveau microscopique, engendrée par la « patine » blanche.

Dans le cas d’un second burin dièdre, les indices macroscopiques (enlèvements importants et fort

une matière résistante (n° 466 ; fig. 80).

Un autre burin de grand gabarit, obtenu sur un éclat outrepassé épais en silex de type Flysch (type F3 ; n° 5) pourrait avoir travaillé une matière dure animale (bois de cervidé en l’occurrence) avec son extrémité robuste (fig. 80c, e).

Un burin multiple, dans la même matière première (n° 1008), porte les stigmates de plusieurs phases d’utilisation. Les deux troncatures semblent avoir fonctionnées après l’aménagement des extrémités burinantes droites (en action de raclage sur une matière dure), tandis que les biseaux montrent les stigmates d’un contact longitudinal, qui a pu marquer les bords avant le détachement des chutes de burins. Il est alors possible d’envisager trois moments différents d’utilisation, dont le dernier serait le mieux documenté, d’un point de vue microscopique et macroscopique (fig. 80b).

D’un tout autre genre est la trace que nous avons identifiée sur un autre burin dièdre (n° 1166). Il semble avoir fonctionné en coupe sur de la matière animale tendre (viande/peau fraîche). Les deux bords du support montrent ce type d’utilisation avant l’aménagement de l’extrémité distale en burin, très acéré (angle formé par les pans de 45°). Ensuite, celui-ci a été employé de la même façon (fig. 81a, d). Cette double utilisation a déjà été signalée pour d’autres burins attribuables au Paléolithique supérieur (Vaughan 1985b, p. 492).

Les observations réalisées sur les parties actives de quatre burins de Noailles (un typique  : n° 601  ; trois atypiques : n° 449, 1858, 2147) sont comparables. Pour un exemplaire, un poli indique un contact longitudinal avec une matière relativement souple (n° 1858  ; fig. 81). Cet outil, relativement particulier, est caractérisé par son gabarit très réduit et par l’étroitesse de son biseau, avec ou sans coche d’arrêt. Il conserve, dans la plupart des cas, une partie active très normée (l’angle entre le pan et la troncature est autour de 60° ; le pan unique est très fin et régulier).

Même si dans le cas des autres exemplaires nous n’avons pas de poli conservé, les macrotraces présentes (émoussés légers, enlèvements très discrets) nous indiquent que la matière en contact n’était pas très résistante. Les extrémités burinantes et les pans très aigus sont identiques.

Il faut toutefois rester prudent sur l’attribution fonctionnelle de ces outils, en se fondant uniquement sur la base des macrotraces, étant donné que l’échantillon est numériquement très réduit.

Certaines pièces retouchées et à enlèvements irréguliers semblent également avoir été utilisées pour la coupe d’une matière tendre animale. Il s’agit de la partie résiduelle d’un bord de lame retouchée (chute de burin, n° 50001) et de deux lames à enlèvements irréguliers, utilisées sur les deux côtés (n° 15, 40) (fig. 81e, h). Pour l’une d’entre elles (n° 40), on note une ressemblance morphologique avec les supports utilisés pour l’obtention des burins de Noailles.

7.4.1.3. Lamelles à dos

D’après l’étude typo-technologique, les lamelles à dos retrouvées sont au nombre de dix (cf. Chapitre 6). Trois exemplaires (n° 2304, 2307, 2316 ; fig. 82) peuvent avoir été utilisées comme des armatures de jet. Les stigmates indiquent un contact violent du projectile avec la cible, il s’agit de fractures en languettes (n° 2316, 2304) et d’enlèvements causés par un arrachement tangentiel (n° 2307, 2316). Plusieurs études tracéologiques et sessions expérimentales ont permis d’établir les caractères fonctionnels diagnostiques pour les armatures de projectile (Christensen, Valentin 2003  ; Moss, Newcomer 1982  ; Moss 1983  ; Fischer et al. 1984 ; Plisson, Geneste 1989 ; Caspar, de Bie 1996 ; …).

Une quatrième lamelle à dos (n° 2306  ; fig. 82) montre pour sa part un émoussé localisé sur le tranchant opposé au dos. Ce qui fait plutôt penser à un frottement répété lors d’une action, peut-être de coupe, mais que nous n’avons pas pu détailler faute de microtraces.

7.4.2. Débitage

Parmi les support non retouchés, il faut signaler la présence de traces microscopiques d’utilisation sur un produit laminaire (n° 1701), une chute de burin (n° 50001, cf. supra) et un éclat (n° 1588), tandis que pour deux autres éclats des indices macroscopiques nous font penser à une utilisation, malgré l’absence de microtraces (n° 1335, 2302).

Dans le premier cas, il s’agit d’un fragment proximal de petite lame qui ne montrait, à première vue, aucun signe d’un potentiel fonctionnel (n° 1701  ; fig. 82a). Macroscopiquement, les deux bords semblent vierges de tout usage, à l’exception d’enlèvements très discrets et d’un léger émoussé, qu’on pourrait attribuer à l’enfouissement dans le sol. À l’échelle microscopique, on découvre un poli très développé des deux côtés. On

voulons attirer l’attention sur la similarité du gabarit de ce type de support avec ceux des burins de Noailles  : taille réduite et bords coupants, qui créent une extrémité aiguë au niveau de la cassure distale. Nous pouvons imaginer que ce type de produit devait être recherché pour un travail de précision sur des matières animales tendres.

Le même poli, aussi développé, est également présent sur le bord d’un éclat, très fin et de grande dimension (n° 1588 ; fig. 82b). Pour les deux autres éclats on peut envisager un contact du même type grâce à la présence d’enlèvements d’utilisation (n° 1335, 2302 ; fig. 82).

L’observation des nucleus n’a révélé aucune trace d’utilisation qui aurait suivi leur abandon.

Enfin, certains supports présentent uniquement des stigmates technologiques. C’est le cas de deux éclats, dont l’un retouché (n° 2155, 2309), pour lesquels on observe des stries et un émoussé du fil caractéristiques de l’emploi d’un percuteur en pierre.

Conclusion

L’industrie lithique taillée du gisement d’Hin de Diou à Pujo-le-Plan est en général bien conservée, ce qui a permis de mettre en évidence certaines traces d’utilisation.

Il s’agit notamment d’un travail de matières animales tendres en action de coupe, et d’actions transversales sur des matières plus dures. Cela nous amène à proposer qu’il pourrait s’agir d’un outillage employé dans le cadre de l’exploitation du gibier (parties charnues et bois). Une phase préalable d’acquisition des proies est attestée par la présence de quelques armatures.

Concernant les burins de Noailles, typique et atypiques, identifiés sur le site, la seule trace reconnaissable sur un de leur pan montre un travail lié aux matières animales souples (n° 1858 ;fig. 81). Considérant son unicité, cette observation ne permet pas de trancher le débat sur l’emploi de ce support si particulier (et probablement spécialisé). D’autres études fonctionnelles ont mis en évidence leur utilisation comme outil employé dans le processus de la transformation des matières végétales, notamment à Bilancino, en Italie  (Aranguren, Revedin 2001  ; Aranguren et al. 2007). Mais, ils sont également utilisés dans le cadre d’un travail sur des matières dures d’origine animale (Kildea, Lang, à paraître). Le débat reste donc ouvert.

bruts, apparemment vierges de toute utilisation, attire notre attention sur toutes les traces « discrètes » qui ont pu passer inaperçues à la seule observation macroscopique. Une observation systématique des bords à l’échelle microscopique aurait pu permettre leur détection, mais cela s’est avéré impossible, à cause des contraintes de temps liées à cette analyse.

Une grande quantité de supports, vraisemblablement non utilisés, pose la question de l’existence d’une éventuelle zone dédiée principalement au débitage sur place, probablement pour une utilisation différée. L’analyse spatiale et d’éventuels remontages pourraient nous éclairer sur ce point.

tant au niveau macroscropique que microscopique. À partir des traces retrouvées nous pouvons documenter des moments d’acquisition et de traitement du gibier, mais en ce qui concerne une quelconque vocation fonctionnelle du gisement, elle ne peut être pleinement appréciée au terme de cette étude.

lithique du gisement d’Hin de Diou :