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Une lisibilité difficile ?

C) Percevoir le Mur de l’Atlantique au travers de ces vestiges

II) Une lisibilité difficile ?

Les résultats de l’enquête permettent de faire un état des lieux des connaissances des publics sur la question du Mur de l’Atlantique. Premièrement, le premier constat qui apparaît est que la nature des réponses et leur contenu varie beaucoup en fonction de l’âge des personnes interrogées. Sur environ 150 questionnaires remplis, la moitié des personnes est âgée de moins de 30 ans. Il apparaît que les plus jeunes connaissent le moins bien le Mur de l’Atlantique. En effet, à la question « Connaissez-vous le Mur de l’Atlantique ? » la majorité des réponses pour les moins de 30 ans est « non ». Inversement, le mur de l’Atlantique semble déjà beaucoup plus connu des personnes plus âgées, quelle que soit leur origine géographique. Les réponses à la question « Avez-vous remarqué la présence de constructions militaires bétonnées sur le littoral ? » reflètent en revanche qu’à quelques exceptions près (moins de 5%), la totalité des personnes interrogées a remarqué la présence de ces vestiges sur les côtes. En effet, il semblerait que la présence des vestiges du Mur ne laisse pas insensibles les promeneurs ou les baigneurs.

La nature de ces constructions paraît évidente : les vestiges sont perçus comme des constructions militaires, de par leur aspect esthétique et leur emplacement géographique. Les personnes interrogées décrivent les vestiges qu’ils connaissent avec beaucoup d’attention. Les descriptions minutieuses relevées dans les réponses aux questionnaires montrent que les vestiges sont dans plusieurs cas vus comme des constructions intéressantes d’un point de vue historique et architectural. Une personne les décrit comme « Je les décris comme des ruines

militaires, donc peu esthétiques, mais donnant un charme fou au paysage » ou encore : « un génie militaire superbement pensé et camouflé ». En revanche, ils sont tout autant considérés

comme étant des masses de béton sans intérêt esthétique, jurant avec le paysage naturel des côtes françaises. Par exemple une personne les décrit comme « A moitié ensevelis, jurant sur

Dans le cadre de notre inventaire, nous avons vu qu’une certaine partie des vestiges du Mur de l’Atlantique servait de support aux graffitis et occasionnellement de squats. Ces pratiques semblent davantage marquer les esprits des personnes interrogées dans la mesure où nous retrouvons souvent des réponses qui insistent sur le coté « insalubre » des vestiges du Mur. On peut également constater que les personnes interrogées sur place ont tendance à insister sur ce type de description, et ceci plus que dans les réponses en version Web. Les vestiges du Mur de l’Atlantique apparaissent de façon visible : ils marquent les esprits, mais leur présence n’est pas systématiquement comprise par tous, surtout pour les vestiges basques. L’image du Mur de l’Atlantique reste principalement associée aux événements du 6 juin 1944 et beaucoup de personnes prennent des exemples situés en Normandie.

A la question « Si oui, pouvez-vous donner des exemples ? » deux zones géographiques reviennent très souvent : les plages landaises et la Normandie. On peut s’apercevoir que certains lieux sont décris avec précision dans les réponses. Par exemple : « sur les dunes de la

côte landaise, sur les plages normandes où a eu lieu le Débarquement, pointe du Hoc par exemple, plages aux alentours de Ouistreham ». Malgré tout, les personnes interrogées à

Saint-Jean-de-Luz ou à Biarritz perçoivent aussi la présence de certains vestiges dans leur environnement. Au final, pourquoi certains exemples reviennent-ils souvent ? Il faut chercher la réponse dans la nature esthétique de certains vestiges : les exemples les plus souvent repris sont des vestiges visibles et volumineux, ceux que l’on « ne peux pas rater » lorsqu’on parcourt le littoral. Les personnes ont généralement tendance à limiter le Mur de l’Atlantique aux plus gros ouvrages de béton situés près des plages.

Ne connaissant pas la diversité et la typologie des éléments de défenses constituant le Mur de l’Atlantique, ils passent souvent à côté, ignorant qu’ils en font véritablement partie. Le Mur de l’Atlantique est donc difficile à lire dans son ensemble. Par exemple nous nous sommes placés devant une embrasure de tir de la batterie de Miramar132 et avons demandé à

plusieurs personnes si elles connaissaient la vocation de ces constructions. La plupart des personnes ont répondu que non, que ce soit des touristes ou des habitants de la ville. Toujours dans cet esprit, la plupart des petits ouvrages ne sont pas remarqués. Une personne interrogée sur la batterie Sainte-Barbe à Saint-Jean-de-Luz était persuadée que les Tobrouks murés étaient en réalité des ouvertures pour l’écoulement des eaux de pluie. Dans les réponses aux questionnaires,

le vocabulaire employé dans les réponses reflète que si dans l’ensemble le Mur de l’Atlantique est quelque chose de connu, il se compose exclusivement de « bunkers » et de « blockhaus », les autres éléments n’étant pas connus. Les personnes vivant dans des maisons construites sur les soutes à munitions du quartier d’Erromardie à Saint-Jean-de-Luz savent sur quoi leur maison est bâtie mais elles ne font pas systématiquement le rapprochement avec la Seconde Guerre mondiale et le Mur de l’Atlantique. Une habitante de 55 ans interrogée décrit sa maison ainsi : « Oui, je sais que mon habitation est construite sur un blockhaus, on peut le

voir dans la cuisine et depuis le jardin, mais je ne peux rien vous dire dessus, je ne sais pas pourquoi il est là ni à quoi il servait. Ce qui est certain c’est que c’est une construction militaire, mais je ne peux pas vous en dire plus ».

Les réponses des associations d’anciens combattants du département des Pyrénées-Atlantiques montrent que le Mur de l’Atlantique est relativement bien connu dans le secteur. La totalité des personnes interrogées semble connaître cette ligne de fortification, et toutes les réponses mentionnent de nombreux exemples de vestiges sur la côte basque. Certains connaissent même très bien le sujet et sont capables de situer avec exactitude certains vestiges sur une carte. Ainsi, les membres de « l’association départementale des C.P.G et C.A.T.M du pays basque section d’Anglet » ont répondu a la question « Sauriez-vous indiquer l’emplacement exact de certaines constructions ? » en dessinant sur un plan les emplacement des vestiges du Mur de l’Atlantique. Cependant, il faut rappeler que les membres de ces types d’associations sont davantage concernés par l’histoire militaire de la France et des mémoires locales. Ils ont au fur et à mesure des années acquis un certain nombre de connaissances liées à la mémoire qu’ils essaient de faire perdurer, et le Mur de l’Atlantique fait partie de ces connaissances.

Le Mur de l’Atlantique n’est donc pas inconnu sur le département mais des réponses enregistrées montrent que certaines personnes aimeraient que sa lisibilité soit accrue pour que l’histoire de ces édifices soit davantage connue pour les personnes visitant le littoral. Ainsi, une personne de 43 ans aimerait que « les vestiges soit mieux indiqués ou signalés pour

servir d’outil pédagogique ». Cependant, malgré une lisibilité parfois difficile, si la plupart

des personnes interrogées sur la question semblent avoir conscience de la présence et de l’histoire de ces vestiges, les questions de la perception du Mur de l’Atlantique et de l’avenir de ces vestiges aboutissent à des avis mitigés. Effectivement, comment ces vestiges sont-ils perçus par les populations locales et extérieures ? Quelles images véhicule le Mur de l’Atlantique dans l’imaginaire collectif ?

Le corpus de réponses nous permet aussi de voir quels éléments sont mis en avant pour encourager un processus de valorisation ou au contraire pour justifier son impertinence.