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Les lipides dérivés de tréhalose

III. Les lipides de l’enveloppe des mycobactéries

3. Les lipides dérivés de tréhalose

Les di-mycolates de tréhalose (DMT) et mono -mycolates de tréhalose (MMT)

Ces glycolipides sont retrouvés dans toutes les espèces de mycobactéries. Ils sont composés d’une tête polaire formée par le tréhalose et d’une partie hydrophobe constituée d’acides mycoliques. Les deux molécules de glucose d’anoméries α sont reliées par leur carbone 1 (C1) estérifiées en C6 par un acide mycolique (Figure 16). Les acides mycoliques retrouvés estérifiant ce tréhalose sont les mêmes que ceux retrouvés sur l’arabinogalactane. Le tréhalose peut être estérifié par un (MMT) ou deux (DMT) acides mycoliques. Comme vu précédemment les structures des acides mycoliques sont quant à elles différentes selon l’espèce. Les DMT et MMT sont retrouvés parmi les lipides extractibles des mycobactéries, signifiant qu’ils ne sont pas liés de façon covalente à la paroi bactérienne.

Le MMT présente un seul acide mycolique estérifiant la molécule de tréhalose (Figure 16) et assure le transport des acides mycoliques à travers la membrane plasmique via une flippase appelée MmpL3.

Figure 15 : Enzymes impliquées dans la condensation des chaînes α et méromycolique des acides mycoliques (Gavalda, Leger et al. 2009).

L’enzyme Pks13 est composée de cinq domaines catalytiques que sont : deux phosphopantethéine-binding domain (PPB aussi appelés peptidyl carrier protein (PCP)-like domain et ACP domain), kétoacyl synthase (KS), acyl transférase (AT) et thioestérase (TE).

59 Cette protéine est démontrée essentielle pour la survie des mycobactéries (Domenech, Reed et al. 2005). Les Ag85A, Ag85B et Ag85C sont des mycoloyl-transférases qui assurent le transfert des acides mycoliques du MMT vers l’arabinogalactane ou vers un second MMT dans le but de former un DMT (Puech, Bayan et al. 2000; Puech, Guilhot et al. 2002; Takayama, Wang et al. 2005).

Les DMT, aussi appelés « cord factor », sont des lipides essentiels retrouvés dans toutes les espèces de mycobactéries qui possèdent des propriétés immunogènes puisqu’il a été montré que ce lipide stimulait la production de cytokines et chimiokines (TNF, IL-12, MCP-1, IL-6 et IL-1) (Silva 1989; Behling, Bennett et al. 1993; Lima, Bonato et al. 2001; Indrigo, Hunter et al. 2003; Rao, Fujiwara et al. 2005; Rao, Gao et al. 2006; Welsh, Abbott et al. 2008). Les acides mycoliques présents sur les DMT varient selon l’espèce et cette différence de structure joue aussi un rôle dans l’activité inflammatoire. Des mutants de structures de ces lipides ont permis d’analyser leur rôle dans la virulence des bacilles. Il a ainsi été démontré que l’absence de cyclopropanes sur la chaîne méromycolique (inactivation du gène

pcaA codant pour une méthyltransférase) ou encore la longueur de chaîne des acides mycoliques (plus

courts, mutation du gène kasB) induisent une baisse de la virulence de M. tuberculosis (Glickman, Cox et al. 2000; Rao, Gao et al. 2006; Bhatt, Fujiwara et al. 2007). Il y a une augmentation de la production de DMT lorsque la bactérie se retrouve dans un milieu intracellulaire. Ces DMT ralentissent la maturation des phagosomes qui restent alors dans un stade précoce, avec un milieu intracellulaire moins acide favorisant la survie de la bactérie (Indrigo, Hunter et al. 2002; Axelrod, Oschkinat et al. 2008). Les études menées par (OrtaloMagne, Lemassu et al. 1996), qui consistaient à décaper la capsule des bactéries, suggèrent que les DMT sont enfouis dans les couches plus profondes de l’enveloppe et ne sont pas exposés à la surface de la bactérie. Ils seraient très certainement des constituants de la mycomembrane (Rezwan, Laneelle et al. 2007).

Les di-acyltréhalose (DAT), poly-acyltréhalose (PAT) et tri-acyltréhalose (TAT)

Ce sont des glycolipides spécifiques du complexe MTC incluant M. tuberculosis. Ils sont composés d’un tréhalose acylé en C2 par un acide stéarique ou palmitique. D’autres acides gras (mycosanoïque : acide gras saturé di-méthyl ramifié, mycolipénique : acide gras tri-méthyl ramifié α, β-insaturé ou mycolipanolique : acide gras tri-méthyl ramifié contenant un groupement hydroxyl) peuvent acyler les positions 2’, 3’, 4’ et 6’ du tréhalose. Lorsqu’un acide mycosanoïque estérifie le tréhalose on parle de DAT1, si c’est un acide mycolipanolique on parle de DAT2. Les TAT sont estérifiés par des acides stéariques, palmitiques ou mycolipéniques (Munoz, Laneelle et al. 1997). Le tréhalose des PAT est estérifié par un acide mycolipénique insaturé et un acide mycolipanolique saturé et hydroxylé en C2 et C3, respectivement (Figure 16) (Daffe and Laneelle 1988; Daffe and Draper 1998). Ces lipides ne

60 sont pas essentiels à la structure ou à la perméabilité de l’enveloppe mais semblent avoir un rôle important dans la virulence des bacilles puisqu’ils sont retrouvés uniquement au sein d’espèces pathogènes. Ils sont impliqués dans le contrôle de l’infection en inhibant la multiplication des lymphocytes T et en diminuant la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (Saavedra, Segura et al. 2006; Lee, Dubey et al. 2007) suggérant une localisation dans les couches externes de l’enveloppe.

Les sulfo-lipides (SL)

Ce sont des lipides à tréhalose caractérisés par la présence d’un groupement sulfate en position 2 du tréhalose. La position 2’ du tréhalose est estérifié par un acide palmitique et les positions 3’,6 et 6’ sont estérifiées par des acides phtiocéranoïques ou hydroxyphtiocéranoïques qui sont des acides gras comportant 30 à 32 atomes de carbone (Figure 16). Ces lipides sont retrouvés uniquement chez M.

canetti et M. tuberculosis. Tout comme pour les di- ou poly- acyl tréhalose (DAT/PAT), ces lipides ne

sont pas essentiels à la structure ou à la perméabilité de l’enveloppe mais joueraient un rôle important dans la virulence (Converse, Mougous et al. 2003; Domenech, Reed et al. 2004). Les SL bloquent la maturation du phagosome (Brodin, Poquet et al. 2010). Ils seraient localisés dans les couches externes de l’enveloppe (Jackson 2014).

Les lipo-oligo-saccharides (LOS)

Les LOS sont retrouvés chez toutes les mycobactéries mais présentent des structures différentes selon l’espèce. Le « core » de ce lipide est commun aux différentes espèces et est composé d’un tréhalose poly-O-acétylé et glycosylé par un mono- ou poly-saccharide (Figure 16) (Ren, Dover et al. 2007; Etienne, Malaga et al. 2009). Ce lipide serait impliqué dans les propriétés de surface de la bactérie et dans l’entrée de la bactérie au sein des macrophages. En effet des bactéries délétées des gènes impliqués dans la biosynthèse des LOS ne sont pas phagocytées (Ren, Dover et al. 2007). Les LOS sont considérés comme étant des facteurs avirulents puisqu’ils masqueraient les autres composés mycobactériens impliqués dans la virulence (Belisle and Brennan 1989).

Les polyphléates de tréhalose (TPP)

Ces glycolipides, initialement décrits chez M. phlei, sont composés d’un tréhalose octoacétylé majoritairement par des acides phléiques (acides gras poly-insaturés) retrouvés sur les positions -2, - 3, -3’, -4, -4’, -6 et -6’, la position -2’ est acylée par un acide gras (non phléique). Ces lipides dits « de

61 surface » sont retrouvés chez de nombreuses mycobactéries non-tuberculeuses (NTM) et sont impliqués dans le morphotype de la bactérie suggérant une localisation dans les couches externes de l’enveloppe mycobactérienne. En effet chez M. abcessus il a été démontré qu’ils jouent un rôle important dans la formation de cordes (Llorens-Fons, Perez-Trujillo et al. 2017), reliée à la virulence de la bactérie.

Figure 16 : Les différentes structures des lipides dérivés de tréhalose retrouvés chez les mycobactéries.