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Nous nous sommes interrogés sur les éventuelles limites de la thérapie écosystémique en nous

demandant jusqu’où pouvait aller cette interven-tion [18].

En effet, malgré cette intervention, l’état du patient va continuer à se dégrader, nécessitant dans un certain nombre de cas l’institutionnali-sation, amenant à se poser la question de la poursuite de la prise en charge orthophonique.

En dehors d’une impossibilité matérielle, empê-chant la prise en charge dans l’institution par exem-ple, c’est l’état cognitif et comportemental qui va déterminer l’arrêt éventuel d’une prise en charge

« directe ». L’anosognosie est, comme nous l’avons montré [19], un facteur qui peut entraîner l’arrêt prématuré de la prise en charge. L’anosognosie doit être envisagée comme un facteur de qualité de la prise en charge du patient Alzheimer, au même titre que les troubles cognitifs et comportemen-taux. Un sujet anosognosique peut en effet se mettre en situation d’insécurité et d’opposition pour un traitement, il n’anticipe pas forcément ses troubles et ne met pas forcément en place de stratégies com-pensatoires. Il importe ainsi d’évaluer ce symptôme,

% scores MMS /à T=0

Témoins Patients TES

Témoins

Patients TES

−70

−60

−40

−50

−30

−20

−10 0

MMS T = 6

MMS T = 12

Temps MMS T = 18

8,5

−18,5

−30

−16

55

−66

Figure 6.8. Évolution du score au MMS par rapport à T = 0.

Tableau 6.2

Résultats après un suivi de 18 mois

Population TES Témoins

Patients (n = 6) 5 femmes 1 femme

Âge moyen 72 ans ± 9,61 81 ans

NSC (Gil) 4,2 ± 1,64 4

Situation familiale Couple = 40 %

Veufs = 60 % Veuve

Lieu de vie Domicile = 100 % Domicile

MMS moyen 13 ± 8,15/30 9/30

Gecco 7,16 ± 5,20 7,66

afin d’apporter des réponses à l’entourage et des aides aux patients. Pour cela, l’évaluation de fac-teurs tels que l’anosognosie et de ses interactions avec l’évolution cognitive devrait constituer des éta-pes utiles à la description, à la compréhension et à la prise en charge des patients [20].

Les troubles du comportement, un mutisme total, une incohérence complète du discours peuvent aussi, entre autres, conduire le thérapeute à ne plus intervenir régulièrement et directement auprès du malade. Son intervention s’arrête t’elle complète-ment pour autant ? Tout dépend de la situation et de bon nombre de paramètres mais l’interven-tion peut se poursuivre, à un autre rythme bien entendu, en direction de l’entourage soit unique-ment familial si le patient est à domicile, soit familial et professionnel en institution ou même uniquement professionnel.

Dans les deux cas, il sera important de faire com-prendre à l’entourage que, même à ce stade, une communication est encore possible même si elle prend une autre forme que lorsque tous les moyens de communiquer sont fonctionnels, non verbale en particulier, c’est-à-dire gestuelle grâce aux mimiques, aux sourires, aux regards mais aussi grâce au toucher (« embrassez-moi mes rides ne sont pas contagieuses »). Il faudra aussi faire com-prendre à chacun que le comportement du malade est souvent pour lui une forme de communica-tion, la seule dont il dispose en fait désormais.

À l’entourage familial en particulier, on fera aussi comprendre qu’une présence est aussi un moyen de communication, le dernier sans doute quand tous les autres ont disparu.

Les concepts de thérapie, soins, prise en charge, intervention font place alors à ceux d’humanité et d’accompagnement, accompagnement de fin de vie communicationnelle. Ce mode d’approche prendra évidemment des formes très différentes de celles d’une intervention orthophonique classique.

Le travail avec la famille prendra la forme d’entre-tiens épisodiques voire de groupes de parole réu-nissant plusieurs membres de famille de malades.

Le travail réalisé au stade précédent, avec les membres de la famille, en leur donnant un rôle dans la prise en charge (écosystémique) puis le travail réalisé à ce stade d’atteinte profonde, en les guidant lors de la phase d’accompagnement, évitent le rejet du malade et donc aussi la

culpabi-lité de ce rejet et le sentiment d’impuissance et d’inutilité face à la maladie que peuvent ressentir les accompagnants. Ceci facilitera d’autant le tra-vail de deuil qui sera à faire ultérieurement après le décès du malade mais aussi à faire de son vivant, le deuil de celui qu’il a été mais en acceptant celui qui devient.

En institution, des réunions interdisciplinaires rassemblant tous les intervenants permettront de donner des réponses multi-directionnelles en fonction des différentes difficultés posées par le malade. Un feedback immédiat, en situation (repas, toilette, coucher, etc.) permettra aussi d’aider les soignants dans ces situations à problè-mes. Ce type d’approche, pour des malades lour-dement dépendants, en fin de vie, qui donne un réel rôle thérapeutique aux soignants est égale-ment important pour eux car les faisant sortir de la tâche exclusive de nursing, pouvant permettre d’éviter un découragement et un épuisement bien compréhensibles, le fameux « burn-out » bien connu dans de telles unités de soins. Ce travail sera, avec efficacité, complété par des groupes de parole.

Références

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Paris : Inserm ; 2004.

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[3] Rousseau T. Évaluation de l’efficacité d’une thérapie des troubles de la communication chez une patiente atteinte de démence de type Alzheimer. Courrier Evaluation en Santé 2000 ; 18 : 22–7.

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Paris : IPSEN ; 1989.

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[14] Mavounza C. Soutien aux aidants familiaux des malades Alzheimer après institutionnalisation.

Mémoire de DESS psychologie gérontologique nor-male et pathologique de l’Université d’Angers (Directeur : T. Rousseau) ; 2004.

[15] Terrien A. L’approche écosystémique des difficultés de communication dans la maladie d’Alzheimer.

Mémoire de master 2 de psychologie normale et pathologique de l’Université d’Angers (Directeur : T. Rousseau) ; 2008.

[16] Rousseau T. Preliminary results of a study measu-ring the efficiency of ecosystemic therapy for the communication disorders of Alzheimer. J Nutr Health Aging 2009 ; 13 (Suppl. 1) : 317.

[17] Rousseau T. The impact of ecosystemic therapy of communication disorders in patients with Alzheimer’s disease. Quality Safety Healthcare 2010 ; 19 (Suppl. 1) : 124–5.

[18] Rousseau T. Prise en charge des troubles de la com-munication dans les pathologies neuro-dégénérati-ves : jusqu’où ? jusqu’à quand ? jusqu’à qui ? In : Entretiens d’orthophonie 2007. Paris : Expansion Formation et Editions ; 2007. pp. 146–55.

[19] Caron C, Rousseau T. Etude de l’influence de l’ano-sognosie sur la prise en charge orthophonique de patients atteints de maladie d’Alzheimer. Glossa 2009 ; 107 : 51–67.

[20] Antoine C, Antoine P, Guermonprez P, Frigard B.

Conscience des déficits et anosognosie dans la mala-die d’Alzheimer. Encéphale 2004 ; 30 : 570–7.

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hapitre

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Perspectives