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O bjectifs et modalités des recherches à venir

L’objectif à terme de ces recherches est de contri-buer à l’évolution générale des approches non médicamenteuses, notamment l’orthophonie. En effet, historiquement, l’orthophonie a eu pour cible les troubles de l’articulation de la parole puis son champ d’intervention s’est élargi vers les trou-bles du langage oral et écrit puis vers les troutrou-bles de la communication. Nous pensons que l’étape suivante doit être un élargissement du champ d’intervention vers les troubles du comportement (ou encore l’inadaptation sociale), notamment, mais pas seulement, dans le cadre de la prise en charge des pathologies neuro-dégénératives. Nous avons en effet montré [6] le lien existant entre troubles de la communication et du comporte-ment dans la maladie d’Alzheimer, ceci est vrai dans la plupart des pathologies dont un des symp-tômes est une difficulté de communication, y compris dans les pathologies du langage écrit.

L’enfant dyslexique turbulent, l’adolescent bègue dépressif, l’adulte dysphonique irritable, la per-sonne âgée démente agressive ne sont que quel-ques exemples mais ô combien criants. Il nous paraît donc inévitable que les approches théra-peutiques de ces différents troubles de la commu-nication ciblent plus ou moins directement les

conséquences (ou les causes ?) des difficultés qui sont dans la majorité des cas une inadaptation à une vie sociale (familiale, scolaire, etc.). Cela doit également se traduire par une évolution du voca-bulaire, le concept de rééducation devant laisser la place à celui de réadaptation.

Il ne s’agit évidemment pas de faire de l’orthopho-niste un psychologue, encore moins d’opposer ces deux professions, mais bien au contraire de contri-buer à accentuer leur complémentarité. Il s’agit d’afficher clairement le fait qu’une action directe sur le langage et la communication, qui restent les cibles privilégiées des orthophonistes, vise aussi à obtenir un effet indirect sur des capacités/domai-nes « distaux » tels que le comportement, l’humeur ou encore la qualité de vie, le bien-être.

Notre objectif à travers ces futures recherches est de contribuer à ce que les professionnels disposent d’outils d’évaluation et d’approches thérapeuti-ques validés permettant d’atteindre ces objectifs.

Références

[1] HAS. Recommandations professionnelles : diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées. Saint-Denis : HAS ; 2008.

[2] ANESM. L’accompagnement des personnes atteintes d’une maladie d’Alzheimer ou apparentée en établis-sement médico-social. Saint-Denis : ANESM ; 2009.

[3] Inserm. Psychothérapie, trois approches évaluées.

Paris : Inserm ; 2004.

[4] Jones EE. Introduction to special section : single-case research in psychotherapy. J Consult Clin Psychol 1993 ; 61 : 371–2.

[5] Sloane RB, Staples FR, Cristol AH, Yorkston NJ, Whipple K. Short-term analytically oriented psycho-therapy versus behavior psycho-therapy. Am J Psychiatry 1975 ; 132 : 373–7.

[6] Rousseau T, Fromage B, Touchet C. Interaction entre le sujet âgé et son environnement. Neurologie, Psychiatrie, Gériatrie 2009 ; 9 : 45–52.

La synthèse des recherches effectuées autour du thème directeur de la commu-nication que nous venons de réaliser dans cet ouvrage confirme les hypothèses que nous pressentions dès le début de notre carrière de clinicien : la complexité d’aborder ce domaine lorsqu’il est frappé de troubles avec l’objectif d’y appor-ter un soin.

En effet, le terme même de communication renvoie à une multitude d’autres notions qui constituent autant d’éléments faisant partie de la communica-tion : l’articulacommunica-tion, la parole, le langage, la prosodie, le rythme, la voix, l’oral, l’écrit, le non verbal, etc., mais aussi la pensée, le raisonnement, la program-mation, etc., et encore : la relation à l’autre, la connaissance du monde, le vécu personnel, etc.

Tous ces « domaines » peuvent être, isolément ou conjointement, touchés par une pathologie dont les origines sont aussi très diverses et les conséquences multiples car, dans la plupart des cas, les facteurs influents sont nombreux et rarement seulement liés à la pathologie initiale.

Ceci s’illustre, de manière particulièrement exemplaire, dans le registre de la pathologie qui est le deuxième thème qui a guidé nos recherches : la maladie d’Alzheimer. En effet, cette maladie touche progressivement l’ensemble des fonctions cognitives qui sous-tendent les capacités de communication et elle atteint l’individu dans son comportement en tant qu’individu, dans sa relation à l’autre et au monde. Mais, au-delà, elle atteint aussi les proches dans leur communication et leur relation au malade qui ne reconnaissent plus celui qui vit désormais dans un nouveau monde qui mélange sans discernement le pré-sent, le passé et l’imaginaire et dont ils s’excluent parfois trop précocement faute d’y retrouver la place qu’ils s’étaient habitués à avoir.

Par conséquent, le rôle du thérapeute va, d’abord, consister à identifier tous les facteurs qui aboutissent à cette nouvelle situation pour voir comment, ensuite, une approche thérapeutique peut être proposée intégrant toutes les données individuelles (organiques, psychologiques), sociales et « situationnelles ».

Nos recherches ont tenté de repérer les facteurs influents sur la dégradation ou plus exactement sur le maintien des capacités de communication du malade Alzheimer, notamment en insistant sur la nécessité de prendre en compte le rôle de l’interlocuteur que nous avons montré fondamental. Elles ont, à partir de là, conduit à la construction et à la validation d’un outil d’évaluation utile aux praticiens puis à la conception et à l’évaluation d’une approche thérapeu-tique adaptée.

Ces recherches ont surtout, modestement, contribué à adapter, voire à inver-ser, les cibles et les objectifs du thérapeute des troubles de la communication dans les pathologies neuro-dégénératives en particulier. En effet, la cible, à un moment donné, n’est plus le malade lui-même mais son entourage, les objectifs ne sont plus une amélioration de l’état du patient mais un ralentissement de sa

Conclusion

dégradation et ces objectifs ne visent plus seulement les capacités langagières ni même communicationnelles mais le comportement de façon globale.

Certaines de nos recherches ont sans doute les défauts de leurs qualités, celles d’être conduites par un clinicien-chercheur qui a parfois dû privilégier l’étude de cas au détriment d’études randomisées sur une population suffisamment large mais elles sont toutes issues d’une réflexion, d’une interrogation que la pratique avait fait naître. Nous mesurons en fait la chance que nous avons, malgré tout, d’être au quotidien confronté à cette réalité clinique et de pou-voir, grâce à nos activités parallèles de chercheur, soumettre au feu de la vali-dation scientifique les hypothèses quelquefois venues des intuitions du professionnel de terrain alimentées par une longue expérience. Comme nous l’avons dit dans le chapitre précédent, de nombreuses pistes sont encore à explorer et nous souhaitons contribuer à les défricher.

Elle ne connaît plus le jour qui va Elle ne sait plus quel âge elle a Lorsqu’elle entend Marie

Elle sait encore que c’est d’elle dont il s’agit Ses mains de couturière, autrefois si habiles

Ne lui permettent même plus aujourd’hui de tenir un fil Elle ne trouve pas les mots pour dire

Alors elle choisit la colère ou le sourire Elle se souvient un peu du bon vieux temps D’ailleurs c’est lui qui remplit le présent Les plaisirs du moment

Elle ne les garde qu’un court instant Sa mémoire ne fait plus rien C’est par hasard si elle retient Alors elle marche,

Elle marche, elle marche Elle marche pour ne pas dormir Elle marche pour ne pas mourir Elle rit pour ne pas pleurer

Elle crie parce qu’elle n’est plus écoutée Elle crie mais elle n’est pas entendue Ses enfants ne sont pas venus Marie ne s’en aperçoit pas Ses enfants sont là Marie ne les reconnaît plus Ses enfants sont venus Marie ne s’en souvient pas Marie n’est déjà plus là Mais où est-elle ?

Dans un temps où elle est toujours belle ? Dans les bras de sa maman ?

Dans ceux de son prince charmant ?

Devant celui qui un jour lui a jeté ce regard si inquiétant ? Elle est dans un monde où son passé rencontre son présent

Postface

Elle est dans un monde où ses rêves sont réalité Elle est dans un monde où ses peurs ne l’ont pas quittée Elle est dans un autre monde mais Marie ne le sait pas Elle est dans un autre monde mais elle est encore là

De sa vie, de ses amours, de ses rêves, de ses peurs, Marie n’a pas tout oublié Mais dans ce miroir ce n’est pas elle qu’elle reconnaît

Tous ces événements du passé lui reviennent en dehors de l’ordre du temps Ce garçon si gentil, il est venu hier ou il y a cinquante ans ?

Marie ne se demande même pas si elle l’a vu ou s’il elle l’a rêvé Mais elle sait si elle a souffert ou si elle a aimé

Et Marie reconnaît parmi ceux qui l’entourent Ceux qui savent encore lui donner de l’amour

Thierry Rousseau

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