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4. Discussion

4.4 Les limites de la présente étude

Malgré les observations pertinentes, il importe de souligner certaines limites de la présente étude qui ont potentiellement eu des impacts sur les résultats obtenus. Premièrement, il fut impossible d’accéder à toutes les informations au dossier des contrevenants. D’ailleurs, seulement une évaluation a fait l’objet d’analyse, soit les résultats au LS/CMI au moment de l’admission, et ce, malgré la présence d’autres évaluations (par ex., santé mentale). Cela dit, il s’agit d’individus purgeant de courtes peines, ce qui engendre nécessairement moins d’évaluations (et de ré-évaluations). Par ailleurs, la présence de données manquantes au dossier des contrevenants peut avoir potentiellement influencé les résultats des analyses. En revanche, la très faible proportion de données manquantes dans la base de données en raison de l’officialisation des données par le MSPQ suggère que les données de la présente étude sont fiables.

Deuxièmement, pour faire suite au point précédent, les données à l’étude sont uniquement des caractéristiques sociodémographiques et criminométriques des personnes contrevenantes. Cela produit deux conséquences non-négligeables. D’une part, il est fort possible que des éléments externes aux contrevenants, notamment des facteurs situationnels (par ex., mauvaise journée pour l’évaluateur ou l’évalué), des facteurs liés aux contraintes organisationnelles et des facteurs liés à l’évaluateur (par ex., biais, préconceptions, conception du risque de récidive criminelle, etc.) jouent un rôle dans le contexte menant un évaluateur à déroger. Cela dit, ces aspects échappent au chercheur, non pas par manque de volonté, mais puisqu’ils n’étaient pas disponibles au moment de l’acquisition des données. D’autre part, il n’y a pas d’informations sur les raisons ou les réels motifs de l’évaluateur derrière le choix de déroger. L’unique pièce d’information disponible liée à l’évaluateur est la décision finale de déroger ou non le contrevenant. Ce manque d’information est encore plus problématique pour les candidats potentiels à une dérogation, soient les contrevenants remplissant un profil de PCODC, mais sans avoir été l’objet de cette pratique. En effet, l’incapacité de déterminer pourquoi certains individus ont fait l’objet d’une dérogation, alors que d’autres non, bien qu’ils aient certaines caractéristiques en commun est considérable, et ce, tout en réitérant l’importance et l’instabilité du jugement clinique. Cependant, il est important de noter que la présente étude a pour objectif de mettre en lumière la convergence de caractéristiques sociodémographiques et criminométriques des personnes contrevenantes plutôt que l‘explication derrière le choix de déroger.

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Troisièmement, les profils ont été obtenus via des algorithmes d'apprentissage automatique. Bien que cette méthode permette de rendre compte de la complexité de l’évaluation et de la gestion du risque des personnes contrevenantes au Québec, celle-ci s’écarte considérablement du jugement clinique des évaluateurs. Ainsi, il peut sembler paradoxal d’utiliser une méthode informatisée de traitement des données basée sur des principes statistiques complexes pour élaborer des profils décrivant le raisonnement intuitif des évaluateurs. Selon cette vision, il est alors possible de concevoir les profils comme réductionnistes des réelles situations auxquelles font face les évaluateurs quand vient le temps de décider si l’octroi d’une dérogation clinique est souhaitable. En d’autres mots, rien ne permet de conclure que les évaluateurs ont conscience de la présence et de la clarté de ces profils. En effet, pour les évaluateurs, d’un point de vue strictement clinique, tous les cas sont perçus comme étant uniques. Or, les profils mis en lumière dans la présente étude sont le reflet d’une tendance non- négligeable. Bien qu’il soit possible de se questionner quant à la limpidité de ceux-ci parmi les évaluateurs, leur présence est difficilement contestable.

Quatrièmement, bien qu’il s’agisse d’un grand échantillon de la population contrevenante (probationnaires et détenus incarcérés pour une durée de moins de deux ans) dans la province de Québec, il est impossible de déterminer si les résultats sont généralisables, et s’appliquent ainsi ailleurs au Canada (et dans le reste du monde occidental).

Cinquièmement, le phénomène exploré comporte un faible taux de base, en l’occurrence, 4,1%. Cette proportion est d’autant plus faible pour les dérogations à la baisse (1,0%). Malgré tout, des tendances semblent se dégager. Heureusement, lorsque possible, le choix des analyses a été fait en considérant cette limite. Les coefficients AUC, par exemple, sont des analyses qui ne sont pas influencées par le faible taux de base.

Sixièmement, tous les arbres décisionnels ont été menés en utilisant l’échantillon total de contrevenants. Ainsi, il aurait pu être intéressant d’en mener en utilisant seulement les PCODC. Cela dit, l’une des forces de l’étude est la présence d’un groupe de comparaison, en l’occurrence, les contrevenants n’ayant pas été l’objet d’une dérogation clinique. Il serait alors contradictoire de procéder à des analyses excluant ce groupe.

Septièmement, l’incapacité d’établir si la dérogation s’est avérée être une bonne décision est une limite notable. Cependant, la complexité derrière l’opérationnalisation de ce qu’est une bonne décision est considérable, notamment en raison de la présence d’une variable tierce : le traitement. Est-ce qu’une bonne décision est une dérogation qui mène à une non-récidive? Est-ce qu’une dérogation à la hausse suivie d’une récidive est une mauvaise ou une bonne décision étant donné que l’évaluateur a vu juste? Est-ce possible que la dérogation ait été une bonne décision, mais que le traitement ne fût pas adapté, ce qui a mené l’individu à récidiver? De cette

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façon, en l’absence de variables à cet effet, ce volet a été délaissé et la dérogation a été interprétée de façon générale, en dépit de la qualité de celle-ci.

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