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CHAPITRE 4 DISCUSSION GÉNÉRALE

4.3 Limites de l’analyse de cycle de vie macroscopique

L’ACV-M est conçue pour étudier des changements d’importance survenant à grande échelle. Ainsi, il est inapproprié d’utiliser cette méthode pour analyser les conséquences d’un changement marginal survenant dans le cycle de vie d’une usine en particulier. On note qu’il n’est, à priori, pas évident de déterminer à partir de quand une perturbation est suffisamment importante pour être perceptible par le modèle GTAP et peut donner lieu à des conséquences environnementales

modélisables en ACV-M. Cependant, des simulations préliminaires permettent de déterminer rapidement si l’ACV-M peut être utilisée pour une étude de cas donnée.

4.3.2 Approximations

Le calcul des conséquences environnementales en ACV-M est fait avec quelques approximations dues à l’agrégation de la base de données du modèle GTAP. En effet, les variations de production des secteurs économiques sont utilisées pour modéliser les variations des sous-secteurs économiques, ignorant les disparités possibles entre les sous-secteurs. Ainsi, lorsqu’une augmentation de 3% est prévue pour le secteur du bois dans une région donnée, c’est tous les types de bois qui voient leur production augmenter de 3% dans la région considérée même s’il est peu probable que dans la réalité chaque sous-processus évolue comme la moyenne des sous- processus (le secteur économique). Considérant que chaque processus a un profil environnemental qui lui est propre, il y a là une incertitude sur les impacts environnementaux calculés. Pour solutionner ce problème, il faudrait désagréger les sous-secteurs à un niveau correspondant à celui de la base de données ecoinvent et effectuer les simulations GTAP avec cette base complètement désagrégée. Cependant, le nombre de secteurs économiques deviendrait tellement élevé qu’il ne serait plus possible de résoudre les simulations GTAP (du moins pas avec un ordinateur conventionnel). En effet, la base de données actuelle comptant 57 secteurs et 113 régions doit être agrégée pour que les équations du modèle soient solubles par un ordinateur conventionnel. Les variations de production des sous-secteurs pourraient néanmoins être obtenues de façon indirecte en effectuant plusieurs simulations GTAP avec à chaque fois une agrégation différente de la base de données de manière à isoler certains sous-secteurs. Au terme des simulations chaque secteur aurait été modélisé indépendamment. Notons aussi, que les futures mises à jour de la base de données GTAP fourniront vraisemblablement une description plus détaillée de l’économie en atteignant un plus grand niveau de désagrégation.

4.3.3 L’évolution des technologies

La modélisation des technologies est relativement imprécise (hormis pour le secteur énergétique de l’UE) car la qualité des données est plutôt faible étant donné que dans la plupart des cas ont été utilisées :

- des données passées plutôt que des projections futures

- des données pour un secteur plutôt que pour chaque sous-secteur8

De plus, l’innovation technologique n’a été modélisée que dans GTAP en termes d’efficacité des processus et non pas dans ecoinvent afin d’éviter un problème de double comptage de l’innovation technologique. Cependant, l’innovation technologique ne concerne pas seulement l’efficacité d’une technologie, mais aussi les émissions des substances qu’elle émet lors de son utilisation. Or cet aspect n’est pas pris en compte dans l’ACV-M hormis pour le secteur énergétique de l’EU. Ceci n’est toutefois pas nécessairement une limite importante, car la modélisation des technologies est la même dans les deux scénarios comparés. Compte tenu que dans chaque scénario ce sont les mêmes processus technologiques qui sont mis en jeu on peut s’attendre à ce que la partie commune de l’incertitude sur l’innovation technologique ne nuise pas de façon importante pas à leur.

4.3.4 Le futur

Le calcul des conséquences d’une perturbation majeure en ACV-M repose sur l’utilisation du modèlel GTAP lequel modélise l’économie en fonction des intrants alimentants le modèle. La méthode développée dans cette thèse propose de prendre en compte l’évolution globale de l’économie à travers un certain nombre d’indicateurs. Cependant, outre ces indicateurs, d’autres facteurs peuvent influencer l’évolution économique globale. On peut citer : les crises financières, les embargos, les politiques internationales (survenant en plus de celle étudiée), les guerres, les catastrophes naturelles. Or, il est vraisemblable que les simulations du modèle GTAP soient affectées par ces facteurs. Néanmoins, la prise en compte de tous ces facteurs nécessiterait de définir des scénarios prospectifs compatible avec la structure du modèle GTAP (ou d’adapter le modèle) pour chacun d’entres eux ce qui constitue un travail conséquent. Il est difficile d’évaluer l’impact précis de l’omission de ces facteurs sur les résultats d’une ACV-M, mais on constate lors de l’analyse de l’incertitude des résultats que la comparaison des deux politiques énergétiques européennes est peu affectée par le changement des contextes technologique et économique représentés dans les 28 scénarios prospectifs.

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4.3.5 L’incertitude

La principale limite de l’ACV-M est probablement l’incertitude sur ses résultats et le manque de moyens pour gérer cette incertitude comme cela est discuté dans Dandres et al. (in press). En effet, si l’analyse d’incertitude présentée à la section 4.3 montre que les résultats sont relativement robustes, l’approche utilisée ne prend pas en compte toute l’incertitude de la méthode. En particulier, l’incertitude du modèle GTAP, l’incertitude des données des bases de données internationales, l’incertitude sur le couplage des bases de données et l’incertitude sur les mécanismes conduisant aux impacts sur l’environnement (les données d’incertitude de la base de données ecoinvent ne concernent que l’inventaire des substances, pas celle de leurs effets sur l’environnement) ne sont pas estimées. Par ailleurs, si l’utilisation d’un facteur 2,5 pour augmenter la déviation standard de l’ensemble des processus lors des simulations de Monte-Carlo peut paraître surestimer l’incertitude en considérant des conditions très incertaines pour l’ensemble des processus, on peut néanmoins s’interroger sur la validité de ce facteur compte tenu du manque de transparence quant au calcul mathématique réalisé dans SimaPro pour calculer les déviations standards des densités de probabilité d’un processus ecoinvent. Aussi, les simulations de Monte-Carlo ont été réalisées pour chaque processus de façon indépendante bien que dans la réalité, certains processus sont corrélés entre eux. Ainsi, lors des simulations de Monte-Carlo, les tirages aléatoires de chiffres ont été réalisés sans tenir compte de ces possibles corrélations ce qui surestime globalement l’incertitude sur les résultats.

C’est pourquoi l’analyse d’incertitude réalisée dans cette thèse doit être vue comme préléminaire. Le fait que l’incertitude mesurée n’affecte pas sensiblement la comparaison des deux politiques énergétiques europénnes valide la poursuite des travaux d’incertitude en ACV-M. En effet, si l’analyse d’incertitude avait conclu que l’incertitude sur les résultats était trop importante pour que l’ACV-M puisse servir d’outil d’aide à la décision, alors il aurait pu être conclu qu’il n’était pas pertinent de poursuivre ces travaux.

Sur cette base, plusieurs recommandations peuvent être émises pour améliorer la gestion de l’incertitude et la qualité des résultats en ACV-M.

CHAPITRE 5

RECOMMANDATIONS