• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE

2.4 Développement méthodologique

2.4.3 Choix du modèle économique

2.4.3.1.1 Amplitude de la perturbation

En théorie le choix du modèle économique devrait être basé sur l'ampleur et le type de la perturbation économique analysée : marginale, petite ou importante (Berck et Hoffmann, 2002). Plus la perturbation économique est importante et plus il faut inclure de marchés dans la modélisation du système économique (Berck et Hoffmann, 2002). Cependant, dans la pratique des études économiques, c'est souvent le budget, le temps ou les connaissances disponibles qui conditionnent le choix du modèle (Berck et Hoffmann, 2002).

Lorsque la perturbation est marginale et n’affecte qu’un unique marché, alors l'analyse de l'offre et de la demande fournit généralement de bons résultats (Berck et Hoffmann, 2002). Lorsque la

perturbation économique est petite sans être marginale, une modélisation partielle de l’économie peut être suffisante si elle intègre les marchés offrant des substituts au consommateur et au producteur pour le produit directement affecté par la perturbation (Berck et Hoffmann, 2002). Certains auteurs notent cependant que les analyses de l'offre et de la demande d’un produit ou la modélisation d’équilibre partiel de l’économie risquent de sous-estimer l'impact réel d'une perturbation sur l'ensemble des marchés, car seule une fraction de l’économie est modélisée (Berck et Hoffmann, 2002; Povellato et al., 2007). Enfin, lorsque la perturbation économique est importante, tous les secteurs économiques doivent être pris en compte dans l’étude via une modélisation d’équilibre général de l’économie (Berck et Hoffmann, 2002; Bergman et al., 2005; Höjer et al., 2008).

Ainsi, l’étude de changements non-marginaux en ACV-C nécessite le recours à des modèles capables de couvrir plusieurs secteurs de l’économie :

- Des modèles d’équilibre partiel ou économétriques pour des changements de taille intermédiaire;

- Des modèles d’équilibre général ou E3 pour des changements de taille importante.

Il semble toutefois difficile de définir précisément ce qui correspond à un changement de taille intermédiaire ou importante, la définition pouvant varier en fonction du secteur ou de la région où survient le changement. L’avis d’un expert peut s’avérer nécessaire pour le choix du bon type de modèle.

2.4.3.1.2 Aspect temporel

Outre l’amplitude de la perturbation étudiée, les aspects temporels de l’étude conditionnent aussi le choix du type de modèle : linéraire ou non-linéaire. . Pour des études portant sur le long terme, comme certaines politiques environnementales, l’approche doit être non-linéaire de façon à pouvoir modéliser les variations de technologies, de prix, de capitaux et de populations (Berck et Hoffmann, 2002; Bergman et al., 2005; Toth, 2003). Pour des études nécessitant une modélisation dynamique, l’approche non-linéaire est également nécessaire, car l’approche linéaire ne permet pas de faire varier les paramètres du modèle en fonction du temps, ceux-ci étant fixés au début de la simulation et ils demeurent constants par la suite (Berck et Hoffmann, 2002). Cependant, en dehors de ces contraintes particulières, il y a tout lieu d’utiliser l’approche

linéaire qui est beaucoup plus simple à mettre en œuvre (nécessitant moins de données et d’expertise), l’approche non-linéaire étant à considérer seulement lorsque les besoins de configuration du modèle économique sont plus importants (Berck et Hoffmann, 2002).

Considérant les limites de l’approche linéaire concernant l’évolution des paramètres économiques, cette approche ne semble pas répondre aux besoins méthodologiques associés à l’étude d’un changement important. Néanmoins, l’approche linéaire pourrait être utilisée pour étudier un changement de taille intermédiaire s’accomplissant sur une courte période de temps.

2.4.3.1.3 Échelle géographique

L’échelle géographique peut aussi intervenir dans le choix du modèle. En effet, les modèles non- linéaires sont adaptés à une certaine échelle géographique, il convient donc de s'assurer que celle- ci convient bien aux besoins de l'étude (Berck et Hoffmann, 2002). Ainsi, selon Povellato et al. (2007), les modèles non-linéaires d’équilibre général ne peuvent être utilisés pour modéliser l'économie d'une région trop restreinte, au minimum c'est l'économie d'un pays qui doit être simulée. Bergman et al. (2005) observent que généralement, plus l'échelle géographique couverte par le modèle est petite et plus le niveau d'agrégation des secteurs économiques est faible ce qu i permet une modélisation plus détaillée de l’économie pour la zone considérée.

Là encore, il ne parait y avoir de solution unique pour le choix du modèle. On peut cependant s’attendre à ce que la région affectée par un changement de taille intermédiaire soit moins importante que celle concernée par un changement de taille importante. Comme pour le précédent critère, le choix du modèle est à considérer au cas par cas.

2.4.3.1.4 Nature du problème environnemental

Le type de problème environnemental peut également influencer le choix du modèle. Bergman et

al. (2005) sont d’avis qu’il est pertinent d'utiliser un modèle d’équilibre général pour analyser

une politique environnementale, s'il est attendu que celle-ci aura des répercussions globales sur l'économie. Cependant, d’après ces auteurs, bon nombre de problèmes environnementaux peuvent être résolus au niveau local (problématique du bruit ou de la qualité de l'air en milieu urbain) et dans ces cas, l'utilisation d'un modèle d’équilibre général ne parait pas pertinente. Il en va de même pour les problèmes découlant d'une substance spécifique utilisée dans un nombre restreint de procédés et/ou facilement remplaçable (comme les CFC nuisant à la couche d’ozone).

À l'inverse, un modèle d’équilibre général est adéquat pour analyser les conséquences de politiques globales comme celles utilisées dans le contrôle des émissions de gaz à effet de serre (Bergman et al., 2005). Ceci rejoint l’avis de Teixeira et al. (2006) qui recommandent l'utilisation conjointe d’un modèle économique d’équilibre général et de l'ACV pour mettre au point un outil au service du développement durable.

Ce troisième critère ne permet pas non plus de trancher définitivement dans le choix du type de modèle pour l’étude de changements non-marginaux en ACV-C. Ainsi, il n’y a pas de modèle économique idéal pour l’ACV-C. En effet, le choix du bon modèle repose en grande partie sur les caractéristiques du changement étudié.

2.4.3.2 Modèle économique retenu

Compte tenu de l’impossibilité de choisir un modèle économique idéal pour l’ensemble des changements non-marginaux étudiés en ACV-C, il est nécessaire de restreindre le cadre méthodologique de cette thèse. Ainsi, il est décidé de n’étudier que les changements de taille importante nécessitant une longue période pour être mis en application.

Dans ce contexte, au vu des critères de choix précédemment évoqués, seul deux types de modèles économiques peuvent être envisagés : les modèles d’équilibre général ou les modèles E3.

Bien que modélisant des impacts sur l’environnement, les modèles E3 semblent fournir des résultats beaucoup moins complets que ceux calculés en ACV (Kancs et Wohlgemuth, 2008). En effet, la méthode d’évaluation environnementale utilisée par ces modèles ne s’inscrit pas dans la pensée cycle de vie et les impacts calculés sont moins diversifiés que ceux décrits dans les méthodes d’évaluation des impacts utilisées en ACV. Pour la même raison, ces modèles ne semblent pas non plus capables de fournir une vision globale sur les cycles de vie des produits impliqués dans les problèmes environnementaux, comme le permet l'ACV. Ces modèles fournissent des renseignements pour le choix d’une meilleure politique pour résoudre un problème environnemental, mais ne considèrent pas nécessairement les déplacements d'impacts ou de catégories d'impacts du fait du manque d’indicateurs environnementaux utilisés. Ainsi, l’utilisation d’un modèle de type E3 ne parait pas adapté à l’ACV-C.

Le choix se tourne donc vers les modèles d’équilibre général (sont envisagés GTAP, G-CUBED, SGM, MERGE, WORLDSCAN) ce qui est en accord avec Teixeira et al. (2006). GTAP et

WORLDSCAN sont les modèles économiques d’équilibre général qui ont les bases de données les plus désagrégées : ils permettent chacun de simuler plus de 80 régions et de 50 secteurs économiques contre moins de 20 régions/secteurs pour les autres modèles. Considérant qu’en ACV-C les conséquences environnementales sont calculées en se basant sur des variations de production des processus industriels, il y a tout lieu de privilégier les modèles économiques ayant le plus haut niveau de désagrégation de l’économie afin d’éviter les situations où les résultats sont trop généraux du fait de la trop grande agrégation de la base de données économiques (Bergman et al., 2005).

Ainsi, le choix doit être fait entre GTAP et WORLDSCAN. Ces deux modèles sont très semblables (base de données similaires : GTAP7 pour GTAP et GTAP6 pour WORLDSCAN) et ne diffèrent vraiment que pour un seul aspect de la modélisation : WORLDSCAN est dynamique alors que GTAP est statique (Lejour et al., 2006). Toutefois ceci ne devrait pas constituer un gros avantage pour WORLDSCAN, car GTAP peut effectuer des simulations quasi-dynamiques en utilisant les résultats d'une période pour paramétrer la suivante. De plus, le modèle GTAP est librement4 disponible et dispose d’une large communauté d’utilisateurs si bien que beaucoup de développements et d’applications dérivées sont maintenant disponibles alors que l’utilisation du modèle WORLDSCAN est beaucoup plus marginale. C’est pourquoi, le choix du modèle se porte finalement sur GTAP.

2.4.4 Couplage du modèle économique GTAP avec l’ACV