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CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE

1.4 Analyse de cycle de vie Prospective

1.4.2 ACV-P

Les technologies évoluent avec le temps, certaines sont perfectionnées alors que d’autres apparaissent ou disparaissent (Deroy, 2004). La nature et les performances d’une technologie étant directement reliées à ses impacts sur l’environnement, l’utilisation de données contemporaines dans une ACV-P ne parait pas raisonnable (Ekvall et Weidema, 2004; Gielen et

al., 1998). Plus précisément, c’est l’évolution technologique de l’ensemble des processus

impliqués dans le cycle de vie étudié qui doit être prise en compte et non pas seulement celle des processus de premier plan (Frischknecht et al., 2007; Pehnt, 2003b). Une évolution technologique trop lente peut toutefois être négligée si elle affecte peu les résultats de l’ACV (Weidema, 2003). Parce qu’elle repose sur une prévision du futur, la prédiction de l’évolution technologique est incertaine et son incertitude doit être prise en compte avec attention (Pesonen et al., 2000). Godet

et al. (2004) estiment d’ailleurs qu’il y a une tendance à surestimer les changements

technologiques de son époque.

Plusieurs sources de données peuvent être sollicitées pour tenter de prédire l’évolution d’une technologie (Ekvall et Weidema, 2004; Pehnt, 2003a; Rasmussen et al., 2005):

 Les données historiques qui permettent d’établir les tendances passées, mais qui ne devraient être utilisées que pour des études à court terme car le futur est trop incertain pour qu’une tendance se maintienne durablement et parce que ces données ne permettent pas de prévoir les changements importants de technologie (Pehnt, 2003a; Rasmussen et

al., 2005).

 Les normes futures qui nécessitent la mise en application de nouvelles technologies généralement plus performantes. En effet, même si la technologie permettant de rencontrer les exigences de la norme est inconnue, il peut être raisonnable de faire l’hypothèse que la norme sera respectée. Les données relatives à ces normes peuvent par exemple aider à modéliser des réductions d’émissions pour certains processus.

 Les objectifs industriels qui, à l’instar des normes, peuvent fournir des informations sur la performance de certains processus.

 L’expertise des développeurs de technologie qui permet généralement d’obtenir les informations les plus précises pour une nouvelle technologie.

Cependant, Pehnt (2003a) reconnait que la confidentialité des données industrielles peut être un obstacle à l’obtention de ces informations. Une alternative dans ce cas peut être d’utiliser des données d’évolution technologique correspondant à des processus similaires et connus. Une autre solution consiste à améliorer l'efficacité des processus du cycle de vie étudié, et en particulier l’efficacité énergétique (Sue Wing et Eckaus, 2007).

Outre la prise en compte de l’évolution de la technologie, un problème fréquent en ACV-P est la modélisation des technologies émergentes pour lesquelles on ne dispose que de données issues de projets pilotes. En effet, les impacts environnementaux des processus pilotes ne peuvent être extrapolés directement pour modéliser les impacts des technologies correspondantes lorsqu’elles sont appliquées à grande échelle (Pehnt, 2003a). Ces auteurs notent qu’il ne paraît pas exister de solution satisfaisante à ce problème.

Au vu des travaux déjà effectués, il apparait que la réalisation d’une ACV-P se fait de la même manière qu’une ACV-A si ce n’est que des données prospectives sont utilisées pour modéliser les processus. Cependant, on observe un manque de consensus flagrant dans la manière de gérer l’évolution technologique. Par exemple, Zah et al. (2007) comparent un grand nombre de processus pour la production des biocarburants dans le futur, mais n’intègrent pas d’évolution technologique. Wu et al. (2006) analysent les impacts environnementaux de plusieurs carburants sur la période 2015-2030, mais intègrent l’innovation technologique que pour certains processus et que jusqu’en 2015, la technologie restant ensuite figée jusqu’en 2030. Pehnt et al. (2008) considèrent une amélioration de l’efficacité énergétique du secteur énergétique dans leur ACV-C et utilisent un modèle d’équilibre partiel pour simuler l’évolution de ce secteur suivant différents scénarios prospectifs. Cette dernière approche va à l’encontre des recommandations de Frees (2008) et Weidema (2010), déconseillant l’utilisation de modèles d’équilibre dans les études prospectives ou conséquentielles, démontrant ainsi le manque de consensus quant à l’utilisation de ces modèles économiques en ACV.

1.4.2.1 Les scénarios prospectifs

Une approche courante en ACV-P consiste à générer des scénarios et des données à partir des méthodes prospectives. Pour limiter la quantité d’informations requises par les scénarios prospectifs, un inventaire préliminaire du cycle de vie du produit étudié peut être réalisé afin de distinguer les processus dont l’impact environnemental est important et pour lesquels l’obtention

de données prospectives est primordiale, des processus secondaires contribuant peu au bilan environnemental du produit (Pehnt, 2003a; Rasmussen et al., 2005). Des scénarios prospectifs prévoyant l’évolution technologique pour ces processus primordiaux peuvent alors être imaginés à partir de méthodes prospectives adaptées à l’horizon temporel de l’étude (Weidema, 2003). Habituellement, les scénarios prospectifs sont construits par intervalle de temps, fournissant des données pour des dates charnières. Au sens mathématique, la description du futur est discrète. Idéalement, plusieurs méthodes prospectives sont utilisées à cette fin et, si les scénarios convergent, le scénario résultant est utilisé dans l’ACV prospective pour modéliser l’évolution technologique des processus; si les scénarios divergent, il faut les considérer séparément afin de prendre en compte les différentes évolutions technologiques possibles (Pehnt, 2003a). Certains auteurs reconnaissent néanmoins la nécessité de définir une nouvelle méthodologie pour gérer les scénarios prospectifs (Fukushima et Hirao, 2002).

1.4.2.2 Les modèles prospectifs dynamiques

Plutôt que d’élaborer des scénarios prospectifs, certains auteurs ont recours à des modèles dynamiques qu’ils alimentent avec des données prospectives pour décrire les impacts futurs d’un cycle de vie (Fukushima et Hirao, 2002; Shimada et al., 2000). Ces modèles dynamiques permettent d’introduire la composante temporelle dans certains paramètres du cycle de vie (comme la contribution d’un processus ou la taille d’un flux de matière) de manière à étudier les impacts environnementaux causés par les variations de ces paramètres dans le temps. Il devient ainsi possible de modéliser les impacts environnementaux d’un cycle de vie en fonction temps et donc de modéliser ces impacts pour un produit futur dès lors que des données prospectives sont disponibles pour paramétrer son cycle de vie. Le principal intérêt d’un modèle dynamique réside dans sa capacité à calculer les impacts environnementaux de façon continue dans le temps et non pas de manière discrète comme c’est généralement le cas avec les scénarios prospectifs. La modélisation dynamique permet ainsi de mesurer des fluctuations d’impacts environnementaux à l’intérieur d’un intervalle de temps, chose qui n’est pas nécessairement possible avec une approche par scénarios. C’est en partie pour cette raison que les résultats des ACV-P sont jugés meilleurs lorsqu’un modèle dynamique a été mis à contribution plutôt que des scénarios prospectifs (Ekvall, 2002; Eriksson et al., 2007; Mattson et al., 2007). Certains auteurs

recommandent en particulier d’utiliser un modèle dynamique pour les études ayant un long horizon temporel (Fukushima et Hirao, 2002).

1.4.2.3 Utilisation de travaux prospectifs existants

Tout comme la construction d’un scénario prospectif, l’élaboration et la configuration d’un modèle dynamique est un travail conséquent. C’est pourquoi, lorsque les ressources sont limitées, il peut être nécessaire de recourir à des travaux prospectifs existants. Cependant, cela n’est possible que s’il existe des travaux adaptés à l’étude devant être réalisée (notamment concernant les échelles spatiale et temporelle). Et quand bien même des scénarios prospectifs ou des modèles dynamiques sont disponibles, il peut être nécessaire de les compléter car les données qu’ils fournissent peuvent être insuffisantes pour répondre aux besoins d’une ACV-P. En effet, les experts de la prospective ou de la dynamique ne sont pas, à priori, des experts de l’ACV, si bien que leurs scénarios/modèles ne permettent pas nécessairement de modéliser des cycles de vie complets.