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Limites et améliorations

Dans le document L'évaluation dynamique de la syntaxe (Page 48-54)

4. Discussion

4.3 Limites et améliorations

Même si la tâche dynamique et l’échelle de modifiability permettent de distinguer les enfants avec trouble développemental du langage d’enfants à développement typique, il nous paraît important de soulever certaines limites et critiques présentes dans notre étude. Nous proposerons également des améliorations en vue de futures recherches sur l’évaluation dynamique du langage.

4.3.1 Caractéristiques des participants

Nous n’avons pas contrôlé un certain nombre de variables quant aux caractéristiques de nos participants. En effet, les enfants TDL et DT diffèrent au niveau socio-culturel. Nous n’avons donc pas pu contrôler cette variable lors des analyses statistiques. Ainsi, nous ne savons pas si le niveau socio-culturel peut expliquer une part des scores. Ensuite, nous n’avons pas vérifié s’il existe une différence de performances entre bilingues consécutifs et simultanés.

De plus, certains enfants de notre échantillon parlent plus de deux langues. Nous ne savons donc pas si, une part des performances peut être expliquée par le fait qu’un enfant soit bilingue simultané ou consécutif ou encore plurilingue. Finalement, du fait de la taille limitée de notre échantillon, il serait important d’effectuer une étude incluant un plus grand nombre d’enfants,

afin de déterminer si les résultats obtenus sont également observés dans un échantillon dont la taille est plus importante.

4.3.2 Tâche dynamique de morphosyntaxe expressive

La tâche dynamique de morphosyntaxe expressive permet de différencier les enfants TDL des enfants DT au niveau du score dynamique total et du score total de la majorité des structures. En effet, les enfants TDL ont besoin de plus d’indices pour produire la structure cible, à part pour la production de la structure SVO. De plus, la tâche dynamique ne discrimine pas les enfants en fonction de leur statut linguistique. Ces résultats rejoignent ceux observés dans d’autres études portant sur l’évaluation dynamique. Nous pouvons donc conclure que notre tâche permet d’identifier les enfants présentant des difficultés importantes en morphosyntaxe expressive.

En raison de la pandémie de COVID-19, les passations effectuées et, par conséquent, les analyses statistiques ont été retardées. Ainsi, même si nous avons fait une analyse qualitative des types d’étayage requis pour produire les structures testées, nous n’avons pas pu analyser si certains types d’étayage étaient significativement plus efficaces que d’autres, comme l’avait fait l’étude de Stanford et Delage (submitted). En effet, les auteurs de cette étude ont observé que les indices linguistiques induisaient plus de productions de passives, en comparaison aux indices visuels. Nous ne savons donc pas si c’est le cas pour notre échantillon.

De même, nous ne savons pas si les enfants TDL sont plus sensibles à certains indices. En effet, les enfants TDL de l’étude de Stanford et Delage (submitted) étaient plus sensibles aux indices visuels. Ceci constitue une limite à notre étude, car connaître les types d’étayage qui sont les plus utiles pour cette population permettrait de mieux orienter la prise en charge de l’enfant, même si, suite à la cotation de la passation, il pourrait être possible d’identifier de manière globale le type d’étayage le plus utile pour l’enfant pour une structure donnée. De plus, si nous avions pu évaluer la sensibilité des enfants aux indices présentés, nous aurions peut-être pu proposer d’enlever un ou plusieurs niveaux d’étayage. Ceci aurait alors permis de réduire la durée de la tâche. En effet, une autre limite de notre tâche est sa longueur : les enfants TDL, ayant besoin de plus d’indices, la tâche durait souvent entre 30 et 40 minutes alors que les enfants DT avaient besoin d’environ 15 minutes pour effectuer la tâche. Les enfants TDL devenaient donc de plus en plus fatigués au cours de la tâche. Ceci pourrait également être dû

au fait que les structures les plus difficiles pour eux étaient présentées vers la fin de la passation.

Certains enfants TDL étaient aussi parfois confus, car ils comprenaient qu’ils ne produisaient pas la réponse attendue, mais ils ne savaient pas ce qu’ils devaient produire. Notre tâche est donc coûteuse en temps et en attention pour ces enfants.

Ensuite, étant donné que nous n’obtenons pas une différence entre le fait qu’une proposition soit réversible ou non-réversible et le nombre d’indices dont l’enfant a besoin pour produire la structure cible, nous nous demandons s’il faut garder la réversibilité comme variable. De futures recherches permettraient de répondre à cette question. Toutefois, la tâche telle qu’elle est constituée aujourd’hui permet de différencier les deux groupes d’enfants et la variable de la réversibilité pourrait constituer une analyse clinique intéressante : il se peut qu’une logopédiste remarque qu’un enfant ait plus de difficultés à produire des structures réversibles.

Vu que les enfants TDL et DT obtiennent des scores comparables à la structure SVO, nous pourrions également enlever la structure SVO de la tâche dynamique. Toutefois, si un enfant TDL obtenait un score significativement plus bas à la structure SVO, cela pourrait aider à l’identification de la sévérité du trouble langagier. Dans ce cas-ci, la structure SVO pourrait constituer une mesure intéressante, particulièrement chez les jeunes enfants TDL. Il se peut qu’une future recherche portant sur un nombre plus important d’enfants TDL puisse répondre à cette question.

Enfin, seule la structure du passé et, dans une certaine mesure, les pronoms clitiques objets évaluent la morphologie flexionnelle. Les enfants TDL présentant des difficultés importantes en morphologie (Parisse & Maillart, 2004), il nous paraît important qu’une tâche dynamique évaluant la morphologie expressive, comme celle d’Anderson (2001) s’intéressant à l’acquisition d’une règle de morphologie flexionnelle verbale, soit élaborée dans une future étude afin de compléter la tâche que nous avons créée. Ceci permettrait donc une évaluation plus approfondie et complète de la morphologie expressive des enfants TDL en langue française.

4.3.3 Subjectivité de l’échelle de modifiability et des stratégies d’apprentissage

Bien que l’échelle de modifiability et des stratégies d’apprentissage permette de discriminer les deux groupes d’enfants, nous souhaitons nuancer ce résultat, de par la subjectivité de la cotation. Tout d’abord, le score pour chaque item se situe entre 0 et 2 ou 0 et 3 points, ce qui ne permet pas à l’évaluateur d’être précis au niveau de la cotation. En effet, il était parfois difficile de déterminer si, par exemple, l’enfant ne cherchait jamais, parfois ou souvent de l’aide quand il était en difficulté. Les critères sont donc peu précis. De plus, même si l’échelle de modifiability évalue le potentiel d’apprentissage et non pas les performances d’un enfant à un moment donné, nous estimons qu’il ne faut pas négliger d’autres facteurs externes qui peuvent influencer la cotation et qui sont difficilement contrôlables. En effet, la réponse d’un enfant ainsi que l’initiation et le maintien de son attention peuvent par exemple être impactés par son niveau de fatigue, son état émotionnel. De même, des facteurs externes comme la fatigue peuvent influencer la cotation de l’item effort du clinicien. Toutefois, nous sommes conscientes du fait qu’il n’existe pas d’évaluation, qu’elle soit statique ou dynamique, permettant de tenir compte de tous ces facteurs. Enfin, afin de tenir compte de la subjectivité au moment de la cotation, il aurait fallu appliquer la méthode de fiabilité inter-juges, ce que nous n’avons pu faire, faute de temps. Nous ne savons donc pas s’il existe réellement une différence significative entre les enfants TDL et DT au score de modifiability. De plus, il n’est pas certain que, chez les TDL, il y ait réellement une corrélation significative entre les scores dynamique et de modifiability, ainsi qu’entre les scores de raisonnement non-verbal et de modifiability.

Une autre limite de cette échelle concerne la constitution de l’échelle. Avec les autres étudiantes participant au projet pilote, qui ont créé des tâches dynamiques pour évaluer les autres niveaux du langage oral, nous avons élaboré une seule échelle de modifiability, commune à toutes les tâches dynamiques du langage oral. Or, suite aux passations effectuées, nous avons observé que certains items, plus précisément les items cherche de l’aide quand il est en difficulté et se récompense, se félicite de la composante régulation / conscience de soi, ne sont pas adaptés à la tâche dynamique de morphosyntaxe expressive. En effet, très peu d’enfants de notre échantillon, qu’ils fassent partie du groupe TDL ou DT, cherchaient de l’aide et se félicitaient lors de l’évaluation. Si ces items sont pertinents pour d’autres tâches dynamiques, nous proposons de créer une échelle de modifiability propre à chaque tâche, même s’il est fort probable que ces différentes échelles partagent certains items.

Enfin, étant donné que les performances à la tâche dynamique et à l’échelle de modifiability sont corrélées et que la tâche dynamique est plus objective, nous pouvons nous demander ce que l’échelle de modifiability apporte de plus à la tâche dynamique. Selon Peña (2000), ce type d’échelle permet d’observer la réponse à l’intervention pendant l’évaluation dynamique. Les résultats de cette échelle peuvent ensuite être liés à la prise en charge qui cible des stratégies spécifiques pouvant avoir un effet sur la performance langagière de l’enfant.

Ainsi, l’échelle fournit des informations complémentaires à l’évaluation dynamique qui sont utiles pour la prise en charge, même si ces informations sont de nature qualitative. Nous partageons le même avis : si l’évaluateur observe que l’enfant a des difficultés à appliquer des stratégies entre les items d’une même tâche, il pourra tenir compte de ceci lors de la prise en charge, en explicitant davantage les stratégies qu’il souhaite transmettre à l’enfant. De plus, plusieurs études démontrent que les enfants TDL peuvent présenter des difficultés importantes au niveau des fonctions exécutives, plus précisément au niveau de l’administrateur central qui contrôle l’attention. Vu que l’échelle peut mettre en évidence, chez l’enfant testé, une difficulté à maintenir son attention lors de l’évaluation, le clinicien pourra y être plus attentif lors de la prise en charge.

4.3.4 Pas d’impact du statut linguistique sur les performances à la tâche statique

Nous avions observé dans la section 4.1.4 que le test statique ne différencie pas les enfants de notre échantillon en fonction de leur statut linguistique. Ce résultat semble aller à l’encontre de plusieurs études selon lesquelles les tests statiques peuvent engendrer un biais de standardisation (Hasson & Joffe, 2007 ; Kapantzoglou et al., 2011). Cependant, comme nous l’avions mentionné précédemment, notre étude porte sur un petit échantillon. Ainsi, avec un échantillon plus grand, une différence significative entre les enfants monolingues et bilingues au score statique pourrait être observée. Nous espérons qu’une future recherche pourrait aider à résoudre cette limite. De plus, il est intéressant de noter qu’un enfant DT monolingue de 10 ans, a obtenu un score déficitaire à la tâche statique (-2.16 ET), mais un score élevé à la tâche dynamique (105 points) et qui est comparable aux scores d’enfants de même âge. En effet, un autre enfant DT, ayant également 10 ans, a obtenu un score statique dans la norme (+0.42 ET) et un score dynamique de 102 points. Ainsi, la tâche dynamique a permis de mieux évaluer les compétences en morphosyntaxe expressive de l’enfant ayant obtenu un score statique

déficitaire, en évaluant son potentiel d’apprentissage et non pas ses performances langagières à un moment t.

Etant donné qu’il existe une corrélation significative entre les tâches statique et dynamique et que la tâche statique ne discrimine pas les enfants en fonction de leur statut linguistique, nous pourrions nous demander si la tâche dynamique apporte des éléments supplémentaires à la tâche statique. Nous avons observé qu’avec de l’étayage, certains enfants TDL peuvent produire une structure syntaxique qu’ils n’ont pas réussi à produire lors de la tâche statique. Ainsi, la tâche dynamique permet d’évaluer les compétences dont dispose l’enfant lorsqu’il est aidé par un adulte plus expérimenté et donc d’identifier sa ZPD. De plus, la tâche dynamique nous a permis d’obtenir une analyse qualitative sur les types d’étayage qui semblent le plus aider les enfants TDL. Ainsi, même si notre étude n’a pas pu mettre en évidence les différents biais engendrés par l’utilisation des tests statiques (De Lamo White &

Jin, 2011 ; Hasson & Joffe, 2007), notre tâche dynamique ainsi que l’échelle de modifiability donnent des informations supplémentaires à la tâche statique qui, selon nous, sont bénéfiques pour la mise en place d’une prise en charge efficace et adaptée aux besoins et aux difficultés de l’enfant.

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