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Explications des résultats liées aux hypothèses opérationnelles

Dans le document L'évaluation dynamique de la syntaxe (Page 43-48)

4. Discussion

4.1 Explications des résultats liées aux hypothèses opérationnelles

4.1.1 Hypothèse 1 : Performances plus faibles des enfants TDL à la tâche dynamique de morphosyntaxe expressive

Selon notre première hypothèse opérationnelle (H1), si la tâche dynamique de morphosyntaxe expressive distingue les enfants avec trouble développemental du langage des enfants à développement typique, alors les TDL obtiendront des scores dynamiques inférieurs au DT. Nous observons effectivement une différence significative au score dynamique entre les enfants TDL et DT. Notre première hypothèse est donc validée.

Si nous comparons maintenant les scores obtenus pour chaque structure, nous observons que les moyennes des TDL sont plus faibles que celles des DT pour toutes les structures, à part pour la structure SVO (voir Tableau IV). Selon les résultats du test de Mann-Whitney, ces différences de moyennes sont significatives (voir Tableau VI). De plus, les plus grandes différences de moyennes entre les deux groupes se situent au niveau des pronoms clitiques objets et des relatives objets.

Ces résultats rejoignent ceux retrouvés dans la littérature. En effet, plusieurs études, comme celles de Parisse et Maillart (2004) et de Jakubowicz et Tuller (2008), démontrent des difficultés importantes et persistantes chez les enfants TDL en morphosyntaxe expressive, plus précisément au niveau des structures complexes. Paradis et al. (2003, cités par Parisse &

Maillart, 2004) proposent la production de pronoms clitiques objets comme étant un bon marquer clinique du TDL. Nous partageons le même avis, car une des plus grandes différences de moyennes entre TDL et DT que nous avons obtenues porte sur les pronoms cliniques objets.

Les relatives objets constituent l’autre différence de moyennes la plus importante. Ce résultat rejoint d’autre études portant sur la production de relatives. En effet, selon Tuller et al. (2012), les TDL de 11 à 16 ans produisent moins de structures relatives que des enfants DT appariés en âge et en LME. De plus, Damourette (2007) a observé que dans son échantillon constitué de huit enfants TDL de 8;0 à 11;1 ans, cinq de ces enfants n’ont pas produit de relatives objets.

Ainsi, la production des pronoms clitiques objets et des relatives objets sembleraient être de bons marqueurs cliniques du trouble développemental du langage. Quant à Hasson et al.

(2012), ils concluent que leur tâche dynamique de syntaxe expressive distingue les enfants TDL des enfants DT, car les enfants DT ont besoin de significativement moins d’indices que les enfants TDL. A notre tâche dynamique, les enfants TDL ont besoin de significativement plus d’indices que les DT, à part pour la structure SVO. En effet, plus le score total pour une structure de la tâche est élevé, moins l’enfant a eu besoin d’indices, car, pour obtenir le score maximal possible, l’enfant doit produire la structure cible sans étayage. En vue des résultats obtenus, notre tâche dynamique de morphosyntaxe expressive permet de différencier les TDL des DT. Ainsi, elle permet d’identifier les enfants qui ont des difficultés importantes en morphosyntaxe expressive.

4.1.2 Hypothèse 2 : Performances plus faibles des enfants TDL à l’échelle de modifiability et des stratégies d’apprentissage

Selon notre deuxième hypothèse opérationnelle (H2), si la tâche dynamique de morphosyntaxe expressive différencie les enfants avec trouble développemental du langage des enfants à développement typique, alors les TDL obtiendront des scores de modifiability inférieurs au DT. Nous observons bien une différence significative entre les deux groupes au score de modifiability. L’échelle de modifiability et des stratégies d’apprentissage distingue donc les TDL des DT. Ce résultat rejoint celui obtenu par Peña (2000) qui, dans son étude, a démontré que son échelle de modifiability permet de différencier les enfants avec de faibles capacités langagières et les enfants à développement typique, et ce même si les enfants testés étaient plurilingues et multiculturels. Ainsi, notre hypothèse 2 est validée. Toutefois, nous nuancerons ce résultat ultérieurement (voir section 4.3.3).

4.1.3 Hypothèse 3 : Effet de l’âge sur les performances des enfants TDL et DT à la tâche dynamique de morphosyntaxe expressive

Selon notre troisième hypothèse opérationnelle (H3), si le développement morphosyntaxique suit un ordre chronologique, alors plus un enfant est âgé, plus son score dynamique sera élevé. Etant donné que nous avons obtenu des corrélations significatives et positives entre l’âge et le score dynamique pour l’ensemble de l’échantillon, au sein du groupe DT ainsi que parmi les TDL, nous pouvons conclure qu’il existe bien un lien entre l’âge et le score dynamique : plus l’enfant est âgé, plus son score dynamique est élevé. Notre hypothèse 3 est donc validée.

Ce résultat corrobore avec l’étude de Brown (1973, cité par Maillart, Parisse &

Tommerdahl, 2012), le F-LARSP 1.0 (Maillart, Parisse & Tommerdahl, 2012) et l’étude de Satoer (2006) qui démontrent que le développement de la morphosyntaxe suit un certain ordre.

4.1.4 Hypothèse 4 : Effet du statut linguistique sur les performances à la tâche statique

Selon Hasson et Joffe (2007) ainsi que Kapantzoglou et al. (2011), les tests statiques ne sont pas adaptés aux enfants plurilingues, leurs normes ayant été élaborées à partir d’échantillons d’enfants monolingues. De plus, selon Hasson et Joffe (2007), l’évaluation dynamique réduirait le risque de sous-diagnostiquer les enfants TDL et de sur-diagnostiquer les enfants plurilingues. Nous nous attendions donc à ce que le test statique discrimine les enfants monolingues et bilingues, contrairement à la tâche dynamique et à l’échelle de modifiability. Nous n’avons effectivement obtenu aucune différence significative entre les bilingues et les monolingues aux scores dynamique et de modifiability, que ce soit au sein du groupe DT qu’au sein du groupe TDL. Toutefois, les enfants monolingues et bilingues ont obtenu des scores statiques comparables, aussi bien parmi les TDL que parmi les DT. Notre hypothèse n’est donc que partiellement validée : la tâche dynamique ainsi que l’échelle de modifiability ne différencient pas les enfants en fonction du statut linguistique, mais la tâche statique ne discrimine pas non plus les enfants, qu’ils soient monolingues ou bilingues. Ainsi, le résultat que nous avons obtenu pour la tâche statique ne corrobore pas avec la littérature scientifique. Toutefois, nous souhaitons nuancer ce résultat : étant donné que l’échantillon de cette étude est de petite taille (24 enfants DT et 18 enfants TDL) et que nous avons obtenu une p-valeur de .07 donc une tendance statistique pour le score statique des enfants DT, il se peut qu’avec un échantillon plus grand, nous ayons obtenu une différence significative au score statique entre enfants monolingues et bilingues. Une future recherche portant sur un échantillon d’une taille plus importante permettrait de vérifier ceci.

4.2 Explications des analyses exploratoires

4.2.1 Lien entre les performances à la tâche dynamique et l’échelle de modifiability

Vu que nous avons obtenu une corrélation significative entre le score dynamique et le score de modifiability, nous pouvons nous demander si l’échelle de modifiability et des

stratégies d’apprentissage apporte des éléments supplémentaires à la tâche dynamique. Nous discuterons ce résultat dans la section 4.3.3.

4.2.2 Analyse qualitative des différents types d’étayage

Nous observons une hétérogénéité au sein du groupe TDL au niveau du type d’étayage requis pour produire la structure cible. Toutefois, la plupart des enfants TDL ont eu besoin de la complétion graduelle pour produire les différentes structures complexes testées. Ainsi, même si cette analyse est qualitative, les TDL sembleraient se différencier des DT non seulement sur le nombre d’indices requis pour produire la structure cible, mais aussi sur le type d’étayage. En effet, la présentation de la question cible suffisait pour la majorité des enfants DT lors de la production des structures complexes, à part pour la production des relatives objets. Alors qu’une grande partie des enfants TDL avait besoin de la complétion graduelle pour produire une relative objet, la majorité d’enfants DT avait besoin du priming syntaxique pour produire cette structure complexe. Ainsi, même au niveau de la production de relatives objets, les enfants DT et TDL semblent se différencier quant au type d’étayage requis.

4.2.3 Impact de la réversibilité sur les performances à la tâche dynamique

Nous n’observons pas de différence entre le fait qu’une proposition soit réversible ou non-réversible et le nombre d’indices nécessaires. Ce résultat rejoint celui obtenu par Cronel-Ohayon (2004) qui ne trouve pas, chez les enfants TDL et DT, un effet de la réversibilité sur la production de structures actives et passives. En effet, dans son étude, les enfants TDL et DT ne font pas plus d’erreurs sur les structures réversibles, ce qui rejoint le résultat que nous avons obtenu. Ainsi, contrairement au niveau réceptif où les structures non réversibles sont comprises avant les structures réversibles, les structures non réversibles ne semblent pas être plus facilement produites que les structures réversibles. L’échantillon de Cronel-Ohayon (2004) étant composé d’enfants âgés de 3 à 7 ans et le nôtre d’enfants de 6 à 11 ans, il semble que, même chez les enfants plus jeunes, il n’y aurait pas d’effet de la réversibilité sur le versant expressif. Il faudrait que ces résultats soient répliqués avec un échantillon plus grand et sur une plus grande étendue d’âge, avant d’affirmer que la réversibilité n’a pas d’impact sur la production des structures morphosyntaxiques.

4.2.4 Lien entre le raisonnement non-verbal et les performances aux tâches chez les TDL

Au sein du groupe TDL, il n’existe qu’une corrélation significative entre la performance au test de raisonnement non-verbal et le score de modifiability. Il est intéressant de noter que l’étude de Norbury et al. (2016) conclue que les enfants TDL avec des habiletés non-verbales dans la moyenne ne se différencient pas au niveau de la sévérité du trouble langagier des enfants TDL dont le raisonnement non-verbal se situe dans la norme inférieure. Ainsi, le raisonnement non-verbal ne devrait pas impacter de manière significative les performances des enfants TDL aux tâches de morphosyntaxe expressive. Nous observons effectivement ceci dans notre étude.

Il est vrai que nous obtenons une corrélation significative entre le raisonnement non-verbal et l’échelle de modifiability, mais nous nuancerons ce résultat ultérieurement (voir section 4.3.3).

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