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L’évaluation dynamique du langage – une alternative

Dans le document L'évaluation dynamique de la syntaxe (Page 12-16)

1. L’évaluation problématique du langage oral

1.2 L’évaluation dynamique du langage – une alternative

1.2.1 Théories et origines de l’évaluation dynamique du langage

La Zone Proximale de Développement (ZPD) de Vygotsky (1978) et l’Expérience d’apprentissage médiatisé (Mediated Learning Experience) de Feuerstein (1979) sont les deux théories principales à partir desquelles a été élaborée l’évaluation dynamique du langage oral (Hasson & Joffe, 2007 ; Hasson et al., 2012 ; Camilleri et al., 2014).

La Zone Proximale de Développement (Vygotsky, 1978) correspond à la zone dans laquelle l’enfant peut apprendre grâce à l’aide d’un adulte plus expérimenté ; cette zone correspond au potentiel d’apprentissage de l’enfant. La ZPD se situe entre deux zones : une zone, située en-dessous de la ZPD, dans laquelle l’enfant peut apprendre sans l’aide d’un adulte et une zone située au-dessus de la ZPD dans laquelle l’aide de l’adulte n’est pas suffisante pour que l’enfant puisse apprendre ou réussir une tâche. Evaluer la ZPD, soit le potentiel d’apprentissage de l’enfant, prédirait mieux son fonctionnement et son diagnostic futur (Hasson et al., 2012). Toutefois, dans le cadre des tests standardisés, le clinicien ne doit pas donner de feedback, ni aider l’enfant (Glaspey & Stoel-Gammon, 2007). En effet, les tests statiques évaluent les connaissances cristallisées et non pas fluides de l’enfant (Hasson et al., 2012). L’évaluation dynamique permet donc d’identifier la ZPD de l’enfant, plus précisément d’évaluer quelles sont les compétences maximales dont dispose l’enfant lorsqu’il est aidé par l’expérimentateur. Elle permet également de déterminer quels types d’aide sont utiles pour l’enfant : quels types d’étayage peuvent lui être bénéfiques dans le cadre de ses apprentissages (Hasson et al., 2012).

Feuerstein (1979), quant à lui, parle d’une triade qui correspond à l’interaction entre l’apprenant qui, ici, est l’enfant, l’évaluateur et la tâche (c’est-à-dire la difficulté de la tâche). L’évaluateur est donc un médiateur qui permet à l’enfant d’acquérir des connaissances.

L’évaluation consiste à identifier comment l’enfant résout le problème et comment il transfère des connaissances apprises à de nouveaux problèmes. Ainsi, l’évaluation met en évidence le potentiel d’apprentissage de l’enfant et sa capacité à changer.

1.2.2 Définition et objectifs de l’évaluation dynamique du langage

L’évaluation dynamique du langage consiste ainsi à évaluer le potentiel d’apprentissage linguistique de l’enfant, contrairement aux tests standardisés qui évaluent le niveau de performance de l’enfant à un moment t (Hasson & Joffe, 2007). Elle permettrait de contrer les biais culturel, linguistique et de standardisation engendrés par les tests statiques (Hasson &

Joffe, 2007). L’évaluation dynamique serait donc plus adaptée aux enfants bilingues et multilingues, aux enfants de milieux culturels divers et aux enfants qui sont difficilement testables ou qui ne peuvent pas être testés par les tests standardisés (Peña, 2000 ; Hasson &

Joffe, 2007 ; Camilleri et al., 2014). C’est notamment le cas des enfants présentant d’autres troubles que des troubles du langage isolés (Hasson & Joffe, 2007), tels qu’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou un trouble du comportement. L’évaluation dynamique permettrait donc de limiter le risque de sous-diagnostiquer et de sur-diagnostiquer ces enfants (Hasson & Joffe, 2007). En plus des avantages figurant ci-dessus, l’évaluation dynamique donne également des informations qui permettent de mettre en place une prise en charge plus adaptée et efficace (Gutiérrez-Clellen & Peña, 2001 ; Hasson & Joffe, 2007), en identifiant notamment quels sont les types d’étayage les plus bénéfiques pour l’enfant. Il ne faut toutefois pas négliger les limites de l’évaluation dynamique. Elle peut prendre beaucoup de temps en fonction de l’enfant (Haywood & Tzuriel, 2002 ; Hasson & Joffe, 2007) : plus l’enfant a besoin d’étayage pour, par exemple, produire l’item cible, plus l’évaluation va durer dans le temps.

Certains auteurs se posent également la question de la validité et de la fidélité de l’évaluation dynamique (Haywood & Tzuriel, 2002 ; Hasson & Joffe, 2007). Le fait qu’il n’existe pas, à ce jour, de test d’évaluation dynamique du langage en français constitue une vraie limite à l’utilisation de l’évaluation dynamique en clinique.

1.2.3 Méthodes utilisées dans le cadre de l’évaluation dynamique du langage

Trois types de méthodes sont utilisées dans le cadre de l’évaluation dynamique du langage : le test – enseignement – retest, l’incitation graduée et l’expérience d’apprentissage médiatisé (Gutiérrez-Clellen, 2000 ; Gutiérrez-Clellen & Peña, 2001 ; Hasson & Joffe, 2007).

• Test – enseignement – retest

La méthode du test – enseignement – retest (test – teach – retest) évalue l’enfant avant et après une phase d’enseignement, phase pendant laquelle l’évaluateur aide l’enfant. Cette méthode est donc composée de trois étapes : la phase de pré-test identifie les connaissances de l’enfant. Lors de la phase d’enseignement, l’évaluateur fait comprendre à l’enfant ce qui est attendu de lui dans une tâche donnée et lui montre comment y parvenir, en lui enseignant des stratégies adaptées. La phase de post-test ou de retest permet de mettre en évidence le potentiel d’apprentissage de l’enfant suite à l’intervention (Gutiérrez-Clellen, 2000). En effet, l’expérimentateur mesure l’amélioration observée ainsi que la modifiability de l’enfant, sa capacité à changer après la phase d’enseignement. Petersen et al. (2017) ont élaboré une évaluation dynamique de la narration dans le but d’identifier un trouble langagier chez l’enfant.

Cette évaluation se base sur la méthode du test – enseignement – retest. Lors du pré-test, l’expérimentateur raconte une histoire à l’enfant, puis il lui demande de raconter la même histoire. Lors du rappel de l’histoire effectué par l’enfant, l’examinateur évalue des éléments de micro- et de macrostructures, afin d’identifier les connaissances de l’enfant en narration.

Pendant la phase d’enseignement, l’expérimentateur lit une histoire qui n’est pas connue par l’enfant, mais qui a une structure similaire aux histoires des pré- et post-tests. Il aide ensuite l’enfant à raconter l’histoire en utilisant des supports visuels et verbaux (indices verbaux, icônes colorées etc.). Ainsi, l’expérimentateur montre à l’enfant ce que l’on attend de lui lorsqu’il raconte une histoire et lui donne les outils pour y parvenir. Pour finir, lors du post-test, l’examinateur raconte une autre histoire, puis il demande à l’enfant de raconter à son tour l’histoire. Ainsi, les phases de pré- et de post-tests suivent les mêmes étapes. Lors de la phase de rappel du post-test, l’expérimentateur évalue à nouveau les éléments de micro- et de macrostructures rapportés par l’enfant. En comparant les scores obtenus lors des phases de pré- et de post-tests, il peut évaluer si l’enfant a réussi à utiliser les stratégies qui lui ont été enseignées et donc évaluer s’il y a une amélioration significative des performances de l’enfant en discours narratif lors du post-test.

• Incitation graduée

La deuxième méthode utilisée par l’évaluation dynamique est la présentation d’indices gradués, du moins au plus aidant (graduated prompting). Ceci permet d’évaluer le nombre

d’indices dont l’enfant a besoin pour produire l’item cible. A titre d’illustration, dans le Scaffolding Scale of Stimulability (Glaspey & Stoel-Gammon, 2005), un enfant est incité à produire un phonème (consonnes et clusters) à l’intérieur d’un mot. Si le phonème est mal prononcé, l’expérimentateur présente une série d’indices gradués jusqu’à ce que l’enfant réussisse à produire le son correctement ou que l’expérimentateur réalise que le phonème est non stimulable chez l’enfant. Par exemple, l’expérimentateur peut d’abord expliquer à l’enfant comment placer les articulateurs, puis si l’enfant n’arrive toujours pas à produire le phonème cible, il lui donne un modèle verbal. Le modèle verbal est également composé de plusieurs étapes : segmentation, prolongation du phonème, production du son en même temps que l’enfant et manipulation des articulateurs ou représentation tactile du son.

• L’expérience d’apprentissage médiatisée

Enfin, la troisième méthode utilisée en évaluation dynamique est l’expérience d’apprentissage médiatisée (MLE) qui consiste à attirer l’attention de l’enfant sur les stimuli pertinents et à faciliter le transfert et la généralisation des compétences apprises à de nouvelles tâches. Il y a une interaction entre l’expérimentateur et l’enfant pendant l’évaluation afin d’aider l’enfant à prendre conscience de ce qu’il est en train de faire. La MLE est composée de quatre caractéristiques :

- Le sens : l’expérimentateur explicite la signification de l’activité à l’enfant et l’aide à comprendre pourquoi il se trouve dans une situation d’apprentissage ;

- L’intentionnalité : l’évaluateur explicite l’objectif de l’apprentissage ;

- La transcendance : l’expérimentateur rend explicite le lien entre l’activité faite et les expériences vécues par l’enfant ;

- Le sentiment de compétence : l’évaluateur donne un feedback à l’enfant et le félicite.

Dans une étude sur les compétences d’apprentissage de mots (Kapantzoglou et al., 2011), l’expérimentateur explique ainsi l’objectif de l’activité (sens), fait un lien entre l’activité et les expériences de l’enfant qui ont lieu dans sa vie quotidienne (transcendance) et à la fin de l’évaluation, souligne le changement positif que cette activité permet (sentiment de compétence).

1.2.4 Echelle de modifiability

Lors de l’évaluation dynamique, en plus de l’utilisation d’une ou de plusieurs méthodes mentionnées ci-dessus, certains auteurs utilisent une échelle de modifiability : la Learning Strategies Checklist (Lidz, 1991 ; Peña, 2000). Cette échelle évalue les différents comportements de l’enfant dans une situation d’apprentissage pendant la tâche d’évaluation dynamique du langage ainsi que le niveau d’effort requis par l’examinateur (De Lamo White

& Jin, 2011). Selon Peña (2000), il existe un lien entre le score de modifiability et les capacités langagières de l’enfant. En effet, les enfants qui ont des capacités langagières plus faibles présentent des difficultés plus importantes, en comparaison aux enfants à développement typique à, par exemple, transférer ce qu’ils ont appris.

1.3 Evaluation dynamique de la morphosyntaxe

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