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2.8 Vers de nouveaux concepts d’optique adaptative

2.8.7 Limitations de la MCAO pour une correction très grand champ sur

La correction en MCAO est généralement limitée à un champ d’environ 2 minutes d’arc ce qui correspond à un bon échantillonnage du volume turbulence avec 3 miroirs déformables sur un télescope de la classe des 8-10m. Sur un ELT, au delà de cette limite, la correction par un système MCAO entraîne l’utilisation d’un nombre de miroirs déformables très important (> 10) à cause de l’effet de profondeur de couche (cf section 2.8.4). De plus le nombre d’actionneurs nécessaires pour les miroirs conjugués en altitude devient également très important (100×100 actionneurs et plus). On peut alors se poser la question sur la disponibilité technique de tels miroirs.

Un système de type MCAO impose de transporter tout le champ à corriger vers chacun des éléments du système (tous les ASOs et MDs). Pour de larges champs corrigés (>2’) la MCAO se heurte également à une limitation physique. Suivant la taille du champ à corriger et le diamètre du télescope utilisé, il peut devenir difficile de transporter tout le champ dans l’instrument tout en respectant le principe de l’invariant de Lagrange, illustré en figure 2.27. Ce principe repose sur l’invariance de l’étendue de faisceau captée par le télescope D × θ et celui transporté dans tout l’instrument D� × θ.

Fig. 2.27 – Principe de l’invariance de Lagrange. Exemples :

– D=8m, D� =20cm et θ = 2’ donne un angle 150×2’ = 1.33˚

– D=42m, D� = 20cm et θ =2’ donne un angle 210×2’ = 7˚.

– D=42m, D� = 20cm et θ =5’ donne un angle 210×5’ = 17.5˚.

On voit qu’un télescope de la classe des ELT (D = 42m) utilisant des miroirs défor- mables de taille D� = 20cm (taille raisonnable) et voulant corriger un champ de 5’ mène

2.8 Vers de nouveaux concepts d’optique adaptative 63 imposent des contraintes très importantes sur des composants optiques de grande taille et devant conserver une qualité optique irréprochable pour des angles d’ouverture extrêmes.

Malgré cette limitation physique, imaginons que nous voulions quand même placer dans l’instrument 2 miroirs déformables conjugués à 2 altitudes différentes et distantes de δh. Il faut alors respecter la conservation de l’angle solide entre ces deux couches soit :

S.Ω = D 2 tel δh = D2 M D δhM D (2.41)

avec DM D la taille des miroirs déformables et hM D la distance entre les 2 miroirs dans

l’instrument. Exemple :

Prenons Dtel = 42m, et 2 miroirs déformables conjugués à 2 altitudes distantes de

δh = 3000m et DDM = 20cm. On a alors : δhDM = D2 M D.δh D2 tel = 0.2 2.3000 42 ≈ 7cm (2.42)

Les deux miroirs déformables doivent alors être placés dans l’instrument à une distance de ≈ 7cm l’un de l’autre. Dans ces conditions, il est alors extrêmement difficile de faire pas- ser un faisceau optique entre ces deux miroirs sans incliner exagérément l’angle d’incidence des MD par rapport à l’axe optique. De plus, le miroir déformable n’est alors pas conjugué sur toute sa surface à la même altitude, rendant pour le moins (très) problématique la commande à envoyer pour effectuer la correction adéquate. Même en voulant augmenter la taille du miroir, prenons par exemple deux miroirs déformables de grande taille avec DM D = 1mon aboutit à une distance de δhDM = 1.7m.

On le voit, corriger un grand champ avec un système de MCAO est très problématique, particulièrement sur un ELT. Même si un tel instrument n’est pas complètement impossible, on peut néanmoins légitimement se poser la question sur le prix à payer en terme d’efforts techniques à fournir, de complexité du système et de son impact sur son coût final.

Fig.2.28 – Vue d’artiste du futur télescope européen, l’E-ELT. Une description du télescope est présenté en annexe A.

Deuxième partie

L’optique adaptative multi-objet

(MOAO)

Chapitre 3

Besoins et contexte

J’ai montré à la fin du chapitre précédent qu’il est difficilement envisageable d’obtenir une correction par un système d’OA de type MCAO pour un champ plus important que 2 minutes d’arc sur un ELT. Je vais revenir dans un premier temps sur la problématique scientifique qui a conduit à imaginer un autre système d’OA différent de ceux déjà abordés dans le chapitre précédent. Je parlerai ensuite de la solution technique qui est envisagée et connue sous le nom de MOAO.

3.1 De la problématique scientifique...

L’étude de la formation des galaxies remonte à Hubble (1936) qui étudie un échantillon d’environ 400 galaxies observées dans le visible. A partir de ses observations, il propose la célèbre classification de Hubble fondée sur une analyse morphologique des galaxies. Une illustration de cette classification est proposée en figure 3.1. Il distingue 3 grandes catégories qui sont les galaxies Elliptiques (E), les galaxies Spirales (S) et Spirales Barrées (Sb) et enfin les galaxies Irrégulières (Ir).

Cette analyse a connu un certain succès grâce à la grande corrélation entre la mor- phologie et d’autres grandeurs physiques telles que la couleur. Les galaxies spirales sont ainsi plutôt bleues et renferment des étoiles jeunes alors que les elliptiques sont plus rouges et renferment des étoiles plus anciennes. La répartition des galaxies déduite de ce critère morphologique est d’environ 65% de spirales, 31% d’elliptiques, et moins de 4% pour des galaxies irrégulières (Marzke et al. 1998 [53]).

Néanmoins l’étude proposée se restreint à l’univers local (proche de la Terre) car elle nécessite une bonne résolution afin d’identifier le type de galaxie. Il faut attendre les années 90 avec le télescope spatial américain Hubble (non limité par la turbulence atmosphérique) pour commencer à résoudre des galaxies de plus en plus lointaines. Vers la fin des années 90 la classe des télescopes au sol de 8-10m a permis d’apporter l’information spectrale manquante qui était nécessaire afin d’étudier la composition chimique et la dynamique de ces galaxies.

Fig. 3.1 – La séquence de Hubble.

démontré que les fractions de populations des galaxies ont beaucoup évolué en fonction de la distance à laquelle elles se situent par rapport à la Terre et donc à leur âge (Abraham et al. 1996a [1]).

Pour des objets très lointains, l’unité de mesure de distance généralement adoptée est le « RedShift » (ou décalage vers le rouge) noté z de l’onde lumineuse détectée. Ce décalage est du à la différence de vitesse entre l’objet observé et l’observateur (effet Doppler). C’est une unité de mesure de distance et donc d’âge dans l’espace puisque la vitesse de la lumière est finie. Un décalage vers le rouge de z = 0 correspond à notre univers actuel local. Les galaxies les plus lointaines actuellement détectées sont proches de z = 7 (galaxie ayant 6% de l’âge actuel soit 750 Millions d’années après le Big-Bang).

Au delà d’un décalage vers le rouge z > 0.6, la distribution des types de galaxies ne correspond plus à celui de notre univers local (Conselice et al. [13]). Ainsi, la proportion des galaxies spirales chute à 20% à z = 1.5 tandis que les galaxies irrégulières sont présentes à plus de 40%, cette proportion semblant encore augmenter avec le redshift. La proportion des galaxies elliptiques est relativement stable à 25% jusqu’à z ≈ 2 avant une baisse à moins de 10% pour z > 2. Les galaxies irrégulières se seraient donc formées plus tôt comparativement aux galaxies elliptiques et spirales.

Les observations ont également suggéré que la taille moyenne des galaxies diminue avec le redshift et qu’elles semblent former plus d’étoiles que les galaxies actuelles. La question est donc de savoir quels sont les processus responsables de la formation des galaxies spirales et elliptiques telles nous les observons aujourd’hui. Plus généralement, il s’agit de mieux comprendre l’évolution des galaxies depuis les premières, formées juste après le big-bang jusqu’à celles présentes aujourd’hui dans notre univers local.

Compte tenu de la complexité du problème, et afin de contraindre les modèles théoriques mis aux point, il est nécessaire d’observer un grand échantillon de galaxies en étudiant leur morphologie ainsi que leur dynamique. Le programme IMAGES (Intermediate MAss Galaxies Evolution Sequence) a ainsi été crée afin de regrouper les données photométriques et spectrales de nombreux instruments tels que GIRAFFE (spectrographe à intégrale de champ/ VLT), FORS 2 (Spectrographe / VLT), ACS (imageur / HST), le satellite Spitzer qui fournit des observations IR lointain (de 3.6µm à 24µm) et les télescopes spatiaux

3.2 A la solution technique... 69