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2. HEPARINES

2.1. Héparine standard

2.1.7. Limitations et effets secondaires

L’héparine présente des limitations de différents types :

- limitations pharmacocinétiques : l’héparine chargée négativement se lie de façon non spécifique à diverses protéines plasmatiques (glycoprotéines riches en histidine, vitronectine, lipoprotéines, fibronectine et fibrinogène), mais aussi à des protéines secrétées par les plaquettes (facteur 4 plaquettaire ou facteur Von Willebrand) ou par les cellules endothéliales. Ces liaisons indépendantes du motif pentasaccharide entraînent une biodisponibilité réduite à faible dose (au maximum 25 à 30%), une courte demi-vie plasmatique (1 à 3 heures après injection intraveineuse) et une variabilité de la réponse anticoagulante marquée chez les patients atteints de maladies thromboemboliques. Ainsi, dans le cas de maladies thromboemboliques, l’effet anti-coagulant n’étant pas prévisible, l’utilisation d’héparine non fractionnée nécessite une surveillance biologique en laboratoire particulièrement importante.

- limitations biophysiques : au sein du complexe héparine/antithrombine, la molécule d’héparine ne peut activer ni la thrombine lorsqu’elle est liée à la fibrine ou exposée à la matrice sous endothéliale, ni le facteur Xa lorsqu’il est lié aux phospholipides de surface. Ainsi, les enzymes associées au thrombus peuvent encore contribuer à la croissance du thrombus même lors d’un traitement à l’héparine. Ces défauts d’inactivation entraînent une efficacité limitée dans les cas d’angor, d’angioplastie coronaire à haut risque et de thrombolyse coronaire,

- effets secondaires :

oHémorragies [76, 77] : L’effet secondaire le plus important de l’héparinothérapie est le risque hémorragique. Ce risque est influencé par quatre facteurs : la dose d’héparine administrée et la réponse anticoagulante du patient, le mode d’administration, l’état clinique du patient et enfin, l’utilisation concomitante d’aspirine ou d’agents thrombolytiques. Les hémorragies majeures, nécessitant des transfusions sanguines et l’arrêt du traitement, se produisent chez moins de 5% des malades contrôlés régulièrement au moyen du

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temps de thromboplastine partielle activée et sont extrêmement rares lors du traitement prophylactique.

oThrombocytopénies induites par héparine (TIH) [78] : Il s’agit d’une complication immuno-allergique redoutable des traitements hépariniques. L’incidence de la TIH est plus importante avec les héparines d’origine bovine par rapport à celles d‘origine porcine. De même, l’incidence des TIH est généralement plus importante avec les héparines non fractionnées par rapport aux héparines de bas poids moléculaire. Selon Lee et Warkentin [79], la fréquence de TIH est de l’ordre de 0-7% chez les patients recevant des HNF d’origine porcine et de 0-8% selon Girolami [80] pour les patients recevant des HNF par voie sous-cutanée. Pour les héparines de bas poids moléculaire, cette fréquence est estimée à 0-8% [81] qu’elles soient utilisées à visée prophylactique ou curative. Cependant, au regard de nombreuses autres publications [81-84] où les héparines de bas poids moléculaire sont considérées comme présentant moins de risque par rapport aux héparines non fractionnées, ce résultat peut paraître surprenant. Lors de TIH, la numération plaquettaire commence à chuter 5 à 10 jours après le début de l’héparinothérapie et la numération plaquettaire chute généralement de plus de 50% [85, 86]. Occasionnellement, la TIH peut survenir au-delà de 10 jours et de façon exceptionnelle au-delà de 15 jours. Les thrombocytopénies sévères sont également inhabituelles (plaquettes < 15x109/L). Il est à noter que la moitié des patients qui développent une TIH associe une thrombose. Dans le cas des TIH isolé, sans thrombose, le risque de thrombose est élevé si l’héparine n’est pas arrêtée et remplacée par un traitement anticoagulant alternatif.

La TIH est causée par le développement d’un anticorps IgG qui reconnaît les complexes multimoléculaires du facteur 4 plaquettaire (PF4) et de l’héparine [87]. Les anticorps reconnaissent le changement conformationnel du tétramère de PF4 induit par l’héparine [88]. L’induction du changement de conformation du PF4 dépend de la longueur et du degré de sulfatation des chaînes de glycosaminoglycanes, ce qui explique les différences d’incidence des TIH observées avec les différentes héparines. Les complexes PF4/héparine se fixent à la surface des plaquettes. Les anticorps reconnaissent les néo-épitopes sur les tétramères de PF4 conduisant à la formation de complexes IgG/PF4/héparine à la

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surface des plaquettes. Il en résulte une agrégation intravasculaire des plaquettes et une activation de la coagulation.

oOstéoporose secondaire [89] : L’ostéoporose est considérée comme l’un des effets indésirables potentiellement grave de l’héparinothérapie. L’ostéoporose induite par héparine semble être strictement reliée à la longueur du traitement (supérieure à 4-5 mois) et au dosage (≥ 15000 UI/jour) ; cependant sa pathogenèse reste encore peu comprise. Il a été suggéré que l’héparine pourrait supprimer la formation des ostéoblastes et augmenter le nombre et l’activité des ostéoclastes, conduisant ainsi à une perte osseuse.

oAtteintes hépatiques [90] : Une élévation des transaminases est observée chez 30 à 85% des patients traités avec l’héparine standard et apparaît dose dépendante. Une toxicité hépatique directe ou une interaction avec la lipase hépatique est supposée pour expliquer le mécanisme physiopathologique de cette toxicité.

oRéactions cutanées : Chez certains patient traités avec de l’héparine standard, il peut survenir des nodules inflammatoires, des lipodystrophies, ou des ecchymoses aux points d’injection [91]. Parfois, il est également possible d’observer des cas de nécrose cutanée induite par héparine. Cet effet indésirable résulte d’un mécanisme immuno-allergique médié par des complexes immuns. Ce mécanisme est reconnu être fortement associé aux anticorps héparine-dépendants activant les plaquettes et à un risque de thromboembolisme, pouvant survenir avec ou sans thrombocytopénie [92].

A la vue de tous ces facteurs limitant l’utilisation des héparines non fractionnées, de nombreuses modifications chimiques de l’héparine ont été réalisées pour à la fois augmenter son activité et réduire ses effets indésirables.

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