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Partie 1 : Introduction et généralités

4. Electroencéphalographie et maladie d’Alzheimer

4.5. Lien entre hippocampe, REM et rythmes thêta

La formation des LTP au sein du réseau de l’hippocampe est connue pour son rôle dans le stockage à long terme (voir chapitre 3). Or, il semble que les phases de REM soient également impliquées dans cette fonction avec la formation des LTP (voir chapitre précédent). La question se pose alors sur l’existence d’une interaction entre l’hippocampe et le REM ainsi que le rôle de cette interaction dans la mémoire et dans la MA. Le lien entre hippocampe et REM peut résider dans les rythmes θ induis par les fibres cholinergiques du système limbique :

Figure 32 : Représentation schématique de la boucle trisynaptique de l’hippocampe

et de son innervation provenant du septum médial.

L’hippocampe est innervé par des fibres cholinergiques (en vert), gabaergiques (en noir) et glutamatergiques (en rouge).

66 Hippocampe et rythmes θ :

Il a été démontré que le fonctionnement normal de l’hippocampe dépend des rythmes θ. En effet, une augmentation de la puissance des rythmes θ est enregistrée directement au niveau de l’hippocampe chez le rat pendant une exploration ou pendant la réalisation de tests cognitifs (Buzsáki and Draguhn, 2004)(Manns et al., 2007). De plus, les neurones pyramidaux de l’hippocampe, en particulier ceux de la région CA1, ont la propriété intrinsèque de générer ces rythmes θ (Buzsáki, 2002)(Rubio et al., 2012)(Tsutajima et al., 2013). L’hippocampe est innervé par le septum médial à travers le fornix via des fibres cholinergiques (atteintes dans la MA : Selkoe, 2002), gabaergiques et glutamatergiques (Vega-Flores et al., 2014 ; figure 32). Ces fibres modulent la formation des rythmes θ produits par l’hippocampe. Par exemple, une stimulation des fibres cholinergiques chez le rat anesthésié produit une augmentation de la puissance des rythmes θ enregistrés directement au sein de l’hippocampe (Hajós et al., 2013). L’utilisation d’antagonistes cholinergiques (scopolamine, atropine) ou d’antagonistes des récepteurs NMDA et AMPA sur ce modèle produit une inhibition des rythmes θ de l’hippocampe (Hajós et al., 2013). A l’inverse, l’utilisation d’un agoniste cholinergique (α7 nicotinique) produit une augmentation des rythmes θ (Siok et al., 2006). En ce qui concerne les fibres gabaergiques, leur activation par des agents anesthésiants ou par des benzodiazépines produit une inhibition des rythmes θ de l’hippocampe (Perouansky et al., 2010)(Siok et al., 2009). Une lésion du septum médial chez le rat entraine une inhibition totale des rythmes θ enregistrés dans l’hippocampe ainsi que de gros déficits de mémoire (Winson, 1978). Certains auteurs parlent donc du septum médial comme d’un « pacemaker » induisant et modulant les rythmes θ de l’hippocampe et par conséquent agissant sur son fonctionnement (Buzsáki, 2002).

REM et rythmes θ :

Une augmentation de la puissance de rythmes θ est également associée aux phases de REM (Winson, 1978)(Buzsáki, 2002) et plus particulièrement les rythmes θ provenant de l’hippocampe quand ils sont enregistrés chez le rat via des électrodes in situ (Rodenbeck et al., 2006). De plus, les phases de REM, tout comme le fonctionnement de l’hippocampe, sont modulées par des fibres cholinergiques. Il est observé une augmentation de la concentration en acétylcholine dans le cerveau pendant les phases de REM (Jasper and Tessier, 1971). L’utilisation d’agonistes cholinergiques réduit le temps d’apparition de REM alors que les antagonistes cholinergiques augmentent ce temps chez l’Homme (Sitaram et al., 1978). L’injection d’un inhibiteur de l’acétylcholinestérase pendant le sommeil chez des patients permet de déclencher une phase de REM (Sitaram et al., 1976). Chez des patients atteints de MA, il a été montré que le traitement par le donépézil, un inhibiteur de l’acétylcholinestérase, permet de rétablir la durée des phases de REM et de limiter le « shift » des rythmes de hautes fréquences vers des plus basses fréquences pendant le REM (Moraes et al., 2006). Rythmes θ et mémoire :

Les rythmes θ sont considérés comme un activateur de la formation de la plasticité synaptique (LTP) au sein de l’hippocampe (Buzsáki, 2002)(Vertes, 2005). Lors d’expériences de formation de LTP sur coupe d’hippocampe, la stimulation la plus efficace est celle qui consiste à répéter des trains de stimulation suivant une fréquence correspondant au rythme θ (voir chapitre 3.1.3.3). Il semble alors logique d’envisager qu’une augmentation de la puissance des rythmes θ au sein de l’hippocampe est un mécanisme nécessaire à la formation de la mémoire. En effet, les agonistes gabaergiques entrainant une baisse des rythmes θ au sein de l’hippocampe, induisent en parallèle, des déficits de

Figure 33 : Schéma hypothétique du rôle du REM et des fibres cholinergiques dans la plasticité

synaptique au niveau de l’hippocampe.

A : En condition normal :

1. Le REM est induit par l’hypothalamus ainsi qu’une augmentation du niveau en acétylcholine au

niveau du système limbique.

2. L’activité des fibres cholinergiques du système limbique pendant les phases de REM module

l’activité de l’hippocampe.

3. Les neurones glutamatergiques de la boucle trisynaptique de l’hippocampe, générent des rythmes

θ qui sont à l’origine de la plasticité synaptique et donc de la formation de la mémoire.

B : En présence d’une surcharge amyloïde, le petide Aβ inhibe l’activation de l’hippocampe et la formation

du REM via une action directe sur les fibres cholinergique et les synapses glutamatergiques.

A

B

1

1

2

2

3

3

67 mémoire dans un test de FC chez le rat (Perouansky et al., 2010). Il a également été démontré qu’il existe une corrélation entre une baisse des rythmes θ et une augmentation des fautes de mémoire de travail chez le rat, lorsque celle-ci est enregistrée directement pendant un test de RAM (Masuoka and Kamei, 2009)(Masuoka and Kamei, 2007). Chez l’Homme, une augmentation de ces rythmes est observée pendant des tests de mémoire (liste de mots à retenir) quand ils sont effectués avec succès (Lega et al., 2012).

Dans des modèles précliniques de MA, une baisse des rythmes θ enregistrés au sein de l’hippocampe, et induite par injection intrahippocampique de peptide Aβ, est associée à une diminution des performances dans des tests de mémoire (Villette et al., 2010). De plus, chez des souris transgéniques APP/PS1, une diminution des rythmes θ observée avec l’apparition des dépôts amyloïdes est associée à une perte de la capacité à former des LTP enregistrée in vivo au sein de l’hippocampe (Scott et al., 2010).

Conclusion :

Les rythmes θ semblent donc impliqués dans les mécanismes de consolidation de la mémoire pendant les périodes d’activité mais également pendant les phases de REM. Ces rythmes sont activés et maintenus par les fibres cholinergiques provenant du septum médial et par les fibres glutamatergiques de l’hippocampe. Ces fibres sont atteintes dans la MA (Selkoe, 2002), lors des stades III et IV (stades limbiques) qui correspondent à l’apparition des signes cliniques (Braak and Braak, 1991). La baisse de REM observée chez les patients atteints de la MA serait donc le reflet d’une atteinte de ces fibres (figure 33). Mais il paraît surprenant qu’une augmentation des rythmes θ soit observée pendant les phases de sommeil chez l’Homme atteint de MA, contrairement à ce qui est globalement constaté dans des modèles animaux de la MA. Plusieurs auteurs émettent l’hypothèse qu’il s’agit d’un mécanisme de compensation par hyperexcitabilité du septum médial ou par d’autres structures corticales qui pourraient prendre le relais de cette fonction (Rodriguez et al., 2011)(Hot et al., 2011). Cette hypothèse est confortée par le fait que cette augmentation est plus marquée chez des patients MCI atteints de troubles de mémoire mineurs par rapport à des patients MCI présentant des troubles plus sévères (Hot 2011). Une autre explication peut provenir du phénomène de « shift » des rythmes de hautes fréquences vers des plus basses fréquences, observé particulièrement pendant les phases de REM qui tend à faire augmenter les rythmes dans les gammes de fréquences θ et δ au détriment des β et α (Prinz et al., 1992).

Dans notre modèle animal de MA, nous avons choisi de réaliser des études d’EEG afin d’obtenir un suivi longitudinal de l’architecture du sommeil et du niveau des différents rythmes car ces paramètres semblent refléter un niveau d’atteinte de l’hippocampe.

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