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CHAPITRE 5 : DISCUSSION

5.1 OBJECTIF 1: ASSOCIATION ENTRE LA PARTICIPATION PARENTALE

5.1.5 Lien entre les covariables et les comportements alimentaires des enfants

La nationalité d’origine des parents et la durée d’exposition de l’enfant aux activités de cuisine-nutrition sont les deux principaux facteurs associés aux comportements alimentaires enfantins dans cette étude. En effet, dans son modèle de développement humain, Bronfenbrenner (1979) soutient dans le macrosystème que les croyances, les valeurs ou la façon de vivre d’une communauté dans laquelle évolue l’enfant, peuvent influencer son attitude et ses comportements à l’égard d’objets variés. Les attitudes adoptées par les parents pour éduquer leurs enfants sont, en général, le reflet des valeurs et croyances du sous-groupe culturel auquel ils appartiennent. La culture d’origine (qui englobe les croyances, les idéologies et les valeurs de la société ou de la communauté auxquelles l’individu appartient) influence les règles de conduite, les attitudes, les pratiques, etc. Elle constitue un des éléments fondamentaux de la nutrition, qui conditionne le développement de la plupart des comportements alimentaires chez les individus (Contento, 2007; Edmonds, 2005). Dans la littérature scientifique, nombreux auteurs soutiennent que la culture des individus influence leurs pratiques nutritionnelles (Contento, 2007; Delormier et al., 2009; Satia et al., 2002). Les parents, qui représentent un modèle pour l’enfant, influencent fortement le développement des comportements alimentaires chez ce dernier (Birch, 1999; Birch et Fisher, 1998; Boutelle et al., 2007; Ransley et al., 2010). Dans notre étude, les différences observées dans les origines de nos répondants peuvent refléter une diversité de connaissances, de croyances et de perceptions chez ces derniers, qui influencent à leur tour les habitudes comportementales développées chez les élèves.

Le fait de changer de pays peut entraîner, à des degrés variés, des modifications dans les habitudes de vie des personnes, notamment celles alimentaires (Bermudez et al., 2000;

Berry, 1980, 1989; Delisle et al., 2009; Satia-Abouta, Patterson, Neuhouser et al., 2002). Le degré de changement des comportements d’origine dépend en partie de la durée de l’intégration et du fonctionnement de l’individu dans les structures socioéconomiques préalables (Larose, 1991). Dans ce sens, plusieurs auteurs ont démontré le lien entre les habitudes alimentaires des personnes immigrantes et le nombre d’années de résidence dans le pays hôte (Delisle et al., 2009; Himmelgreen, Bretnall, Perez-Escamilla, Peng et Bermudez, 2005; Nan et Cason, 2004). Une longue durée de séjour dans le pays d’accueil semble favoriser le changement des habitudes de consommation de l’immigrant. Cependant, nous n’avons pas pu évaluer l’effet du nombre d’années de résidence sur les comportements alimentaires enfantins dans la présente recherche, qui pourrait révéler aussi une différence dans le développement des comportements (en raison du petit nombre de répondants dans les groupes, qui ne pouvait faire l’objet d’une modélisation).

Au regard de l’association entre le nombre d’années d’exposition au projet et les comportements développés par l’élève, l’analyse du discours des parents indique que les élèves exposés aux activités de cuisine-nutrition pendant une plus longue période, sont ceux qui aident davantage leurs parents à réaliser les repas et qui parlent moins souvent de ce qu’ils ont fait à leur retour des ateliers. Étant donné que le projet débute à la maternelle et se poursuit jusqu’en 6e année, les enfants plus âgés sont exposés plus longtemps aux

activités de cuisine-nutrition que leurs pairs plus jeunes. Donc, les élèves plus âgés s’impliquent plus dans la réalisation des repas et parlent moins des ateliers, comparativement aux tout-petits. Cet état de fait se justifie sur le plan théorique, en faisant allusion à la notion de chronosystème introduit par Brofenbrenner dans son modèle écologique (Bronfenbrenner, 1986). Le chronosystème correspond à l’évolution dans le temps des systèmes et des échanges entre les individus. Ce système fait référence aux influences des changements développementaux et aux effets cumulatifs d’une série d’événements stressants chez l’individu au fil des années. L’étude du chronosystème permet de faire une analyse évolutive de la situation de l’enfant. Elle permet d’apprécier la transition développementale de l’enfant au cours de laquelle l’enfant subit une mutation

d’attitude de conduite et une variation dans les interactions avec son environnement en fonction de son âge. Par exemple, les caractéristiques de l’élève et les facteurs inhérents de son environnement qui causent ou qui limitent les difficultés d’apprentissage (soit les facteurs de protection et les facteurs de risque de l’enfant), peuvent changer selon l’âge de l’enfant et l’évolution du contexte (Larose et al., 2004). De même, la compétence développée par les enfants suite à l’exposition à une intervention peut être influencée par leur maturation. Reinaerts et al. (2007) ont démontré dans leur étude que l’intervention d’éducation nutritionnelle mise en place dans le but d’augmenter la consommation de fruits et légumes chez les élèves de l’école primaire en Hollande, a été davantage bénéfique pour les enfants plus âgés, comparativement aux plus jeunes.

Dans la transition développementale du jeune, l’attitude et les comportements des parents envers l’enfant, ainsi que l’interaction parent-enfant, changent selon l’âge de ce dernier. Dans ce sens, Eccles et Harrold (1993) ont rapporté que les interactions entre parents et enfants portant sur l’école, diminuent avec l’âge de l’élève. Le niveau de participation des parents dans les écoles diminue aussi au fur à mesure que l’élève avance dans le système éducatif, tandis que Larose et al. (2006) ont indiqué que ce sont les parents d’enfants plus jeunes qui ont davantage d’attentes au sujet de l’accès à l’information et de la formation en matière de soins et d’hygiène. Des auteurs cherchant à prédire le type et le niveau de participation des parents d’élèves fréquentant des écoles primaires, ont révélé que l’investissement parental diminue de la 1re à la 6e année scolaire (Green, Walker, Hoover- Dempsey et Sandler, 2007). Dans le même ordre d’idées, Larivée a soutenu que le type d’implication parentale varie selon l’âge de l’enfant, et les parents ont plus tendance à s’impliquer dans le suivi scolaire de leurs enfants en début de scolarisation (Larivée, 2010; 2011b). À la lumière de ces explications, nous pouvons soutenir dans notre étude que les enfants plus âgés – étant plus matures – disposent de beaucoup plus d’habiletés les permettant de participer à la réalisation des repas, et ils sont plus enclins à être motivés par leurs parents à s’investir, comparativement aux tout-petits, beaucoup moins expérimentés.

Le nombre d’enfants à la maison, qui est le troisième item dont nous avons évalué le caractère confondant, n’est pas associé aux différents types de comportements alimentaires examinés. Dans la littérature en sciences de la santé, bien qu’il ait été démontré que le mode d’alimentation de la famille change selon la présence des enfants à la maison (Nan et Cason, 2004), l’influence du nombre d’enfants sur les habitudes nutritionnelles n’a pas, à notre connaissance, fait d’objet de recherche. Par contre, en sciences de l’éducation, des chercheurs ont observé que les enfants issus d’une famille ayant une fratrie nombreuse, réussissent moins souvent à l’école (Sputa et Paulson, 1995 In Deslandes et Bertrand, 2001) et sont davantage à risque de développer de l’embonpoint (Dowda et al., 2001). Larose et al. (2006) ont montré que le nombre d’enfants dans la famille affecte les attentes parentales à divers égard. Les parents qui ont deux enfants ou plus, ont des attentes plus élevées au regard de l’accès à l’information et à la formation en ce qui concerne les soins à apporter à leurs enfants. Tandis que d’autres auteurs ont estimé que le fait d’avoir plusieurs enfants empêche le parent de s’investir dans l’éducation scolaire de son enfant (Dauber et Epstein, 1993; Deslandes et Bertrand, 2004). Donc, les élèves provenant de familles nombreuses profiteraient moins des avantages associés à l’implication parentale que leurs pairs provenant des familles de petite taille.

Les contraintes de temps constituent un obstacle à l’implication des parents dans le suivi scolaire de leurs enfants (Christenson, 2004; Johnson et al., 2004; McAllister Swap, 1987). Elles empêchent les parents d’assister aux réunions et aux rencontres dans les établissements scolaires, qui font que ces derniers manquent souvent d’informations et de ressources disponibles (Ibid.). De même, en matière de nutrition les familles nombreuses n’ont pas suffisamment de temps et d’énergie, alors que la préparation des repas à la maison demande beaucoup plus de disponibilité (Satia et al., 2000). Il est démontré que le manque de temps constitue une limite à la réalisation des repas et à la saine alimentation (Gouvernement du Canada, 2010). En corollaire, on peut supposer un raisonnement à l’effet qu’un nombre élevé d’enfants à la maison est négativement associé au développement de comportements alimentaires sains. Toutefois, l’absence de lien entre les

comportements alimentaires et le nombre d’enfants dans notre étude, pourrait être dû à la qualité de nos données, de même qu’il peut s’agir d’une réalité scientifique. Une nouvelle recherche sur la relation entre les comportements alimentaires et le nombre d’enfants permettrait de mieux saisir le lien entre ces variables.

Par ailleurs, le manque d’identification de lien entre les comportements alimentaires enfantins et certaines variables – tels les caractéristiques personnelles des enfants (l’âge et le genre) et le statut socioéconomique des parents (revenu, niveau d’éducation, emploi, etc.) – constitue une limite de notre étude (nous n’avons pas pu évaluer l’effet de ces items à cause d’un manque de données disponibles dans la base utilisée). En effet, les facteurs personnels sont des composantes de l’ontosystème de l’enfant. Ce système fait référence aux interrelations entre les différentes caractéristiques de la personnalité d’un individu sur le plan physique, biologique, cognitif et socio-affectif (Bronfenbrenner, 1979; Terrisse et Larose, 2002). La prise en considération de cette dimension de l’écosystème permet généralement de mieux comprendre la relation entre l’investissement du parent et le développement de comportements de l’élève. Dans les travaux effectués sur l’acquisition d’habitudes alimentaires chez l’enfant, plusieurs chercheurs ont souligné l’influence de l’âge et du genre de l’enfant sur le développement de comportements alimentaires (Cooke et Wardle, 2005; Kristjansdottir et al., 2010) et sur les effets des interventions d’éducation à la nutrition mises en place dans les établissements scolaires (Reinaerts et al., 2007), tandis que le statut socioéconomique des parents représente une composante de l’exosystème de l’enfant. Ce dernier est un système externe à l’enfant où celui-ci n’est pas l’acteur principal, mais dont les actions peuvent avoir un effet direct ou indirect sur lui, soit en influençant le bien-être de l’enfant ou de sa famille (Bronfenbrenner, 1979; Terrisse et Larose, 2002). Le statut socioéconomique constitue un élément clé dans la détermination des comportements alimentaires enfantins, en ce sens que celui-ci interagit avec les résultats des programmes scolaires visant à promouvoir les saines habitudes alimentaires (Friel et al., 1999; Reynolds, Franklin et al., 2000b; Shariff, Bukhari, Othman, Hashim, Ismail, Jamil et al., 2008). Donc nous estimons que la présence de ces variables, potentiellement confondantes,

pourrait aider à faire des analyses plus spécifiques (e.i, examiner le développement de comportements alimentaires des enfants selon le profil de ces derniers). L’introduction de ces variables dans nos modèles pourrait aussi entraîner certaines variations dans nos résultats. Toutefois, dans le contexte précis de notre étude nous pouvons prétendre que les variables sociodémographiques auraient peu ou pas d’effets, en ce sens que le projet PC-PR est desservi dans des msef, donc l’influence de celles-ci serait relativement minimisée.

5.2 OBJECTIF 2: EFFETS DES CARACTÉRISTIQUES FAMILIALES SUR