PARTIE I. État des lieux au Liban et problÉmatique
Chapitre 1. Etat des lieux
1.1. Le Liban
Chapitre 1. Etat des lieux
1.1.Le Liban
1.1.1.Une société plurielle, multiculturelle et francophone
Le Liban abrite une population d'une grande diversité ethnique et religieuse. Ce
pluralisme constitue un patrimoine à part entière.
Quand on demande à l'écrivaine francophone Ezza Agha Malak de décrire son pays,
elle déclare :
Il unit dans son sein Orient et Occident, arabité et francité, civilisation
chrétienne et musulmane avec 18 confessions qui coexistent. En
parcourant ces 18 confessions, on croise 18 cultures, 18 appartenances
spirituelles, 18 savoirs, 18 rites et cultes, 18 idéologies et autant de
psychologies. (Agha Malak, 2008)
À plusieurs époques de l'histoire, le Liban a été le berceau des civilisations et le
joyau de l'Orient. Il a vécu des moments de rayonnements culturels, économiques et
sociaux grâce à cette belle mosaïque culturelle. Depuis toujours, le Liban se
caractérisait par cet aspect multiculturel, parce qu'il était convaincu que la diversité
culturelle était l'un des piliers du développement. Aujourd'hui encore, on fait appel à
l'union et la conservation de cette caractéristique unique au monde.
Parmi les nombreuses personnes qui s'inquiètent pour leur pays, nous pouvons
citer le ministre de la culture Tarek Mitri, qui, pendant le colloque de la francophonie
qui a eu lieu en 2001 à Antelias au Liban, et à l'occasion de tout événement de grande
ampleur, ne se prive pas de faire appel à l'union et au dialogue ouvert et démocratique.
Il affirme :
Le Liban est une société plurielle qui n'a d'autre choix que de rejeter
fermement les appels au choc des civilisations. (Solé, 2007)
Ce désir éternel n'est pas évoqué uniquement par les hommes politiques
libanais, mais aussi par toute personne libanaise capable de faire entendre sa voix
d'une manière ou d'une autre. Il s'avère intéressant de faire allusion aux écrivains
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francophones, mais aussi multilingues, qui ont parsemé leur culture libanaise dans les
coins et les recoins du monde entier.
À l’heure où l’Unesco proclame Beyrouth « capitale mondiale du livre »
pour l’année 2009, douze écrivains invités aux Belles Étrangères – six
hommes et six femmes, appartenant à toutes les générations, confessions et
sensibilités libanaises ‒, expriment la rage de vivre d’un peuple qui a eu
l’impudence de tenter l’impossible et d’y réussir en grande partie, malgré
mille tourments : permettre à des chrétiens et des musulmans de gouverner
et de vivre ensemble.(Solé,2007)
En plus d'être un pays pluriel, le Liban est un pays d'éducation et d'ouverture
culturelle. Les différents événements de l'histoire d'un pays dessinent l'identité de son
peuple. Le Liban a depuis très longtemps organisé et participé à des manifestations
culturelles et scientifiques. Ces événements sont d'ordre culturel, littéraire, politique,
local et international.
Quand Amin Gemayel observe son pays, il le décrit ainsi :
La société libanaise a été et reste largement une société de pluralisme
communautaire.
• L'identité et la particularité du Liban :
Son pluralisme politique, son régime démocratique, son respect du droit et
son ouverture sur le monde extérieur.
• L'ouverture fondamentale du Liban sur le monde :
La coopération multilatérale, la participation active aux institutions
internationales, le contact avec les cultures du monde sont une dimension
fondamentale à préserver. (Gemayel, 1992)
1.1.2. La francophonie au Liban : histoire, étapes, évolution et enjeux.
On ne peut pas comprendre l'enjeu de la francophonie contemporaine au Liban
sans connaître son histoire dans ce pays. En fait, plusieurs événements se sont
succédés et ont orchestré l'essor de la francophonie au Liban.
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D'après Ezza Agha Malak les croisades et le mandat français ont constitué les
deux faits historiques qui ont donné naissance à la francophonie libanaise. Cette
francophonie a débuté à Tripoli dès 1109. Tripoli est la seconde ville du Liban et fut
durant le temps des croisades la résidence des seigneurs du comté de tripoli et l’un des
principaux États francs du Levant. De même, la ville de Tripoli ou Trablos, appelée
aussi la parfumée ou Al Fayhaa pour ses vastes orangeries, abrite la citadelle de
Saint-Gilles construite par le comte de Toulouse et où se trouve l’église « Saint-Sépulcre »,
semblable à celle de la terre sainte. (Agha Malak, 2008)
Dans un second temps, l'accueil des libanais par la France a cimenté les liens
franco-libanais et, ainsi, consolidé la francophonie. C'est ce qu'on tend à expliquer
dans l'introduction des actes du colloque sur la francophonie :
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale et l’effondrement de
l’Empire ottoman, la France est un espace privilégié d’accueil pour les
libanais, surtout chrétiens maronites. Elle continue aujourd’hui à occuper
une place spécifique. Le lien dit historique, culturel, politique et
économique entre le Liban et la France, exerce un rôle attractif à travers
la francophonie. (Dreyfus, 1997)
Puis, l'indépendance a été un événement attendu et désiré par tous les libanais
pour qu'ils puissent construire avec dignité un avenir de paix et de progrès. À ce
moment, la France, consciente de la place géographique du Liban et de son rôle
économique et politique, relance la mise en œuvre de la francophonie :
Après l’indépendance du Liban, la France tend à redynamiser les liens
franco-libanais dans un contexte de nouvelle donnée géopolitique. Les
relations diplomatiques des deux pays mettent en avant l’héritage de la
France au Liban sur les plans historique, politique et culturel. Elle
parvient à sauvegarder l’essentiel de ses intérêts économiques à travers la
permanence de son influence culturelle : la francophonie. (Dreyfus, 1997)
Autrefois, la France était « protectrice des lieux saints » ; elle devient «
protectrice du Liban, de son intégrité et de son indépendance » face aux pressions
internationales, régionales et internes. Petit à petit, le rôle de protection des chrétiens a
évolué. Walid Arbid, politologue libanais, explique que la France a enfin compris
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qu'elle a eu tort de construire sa politique d'influence sur le soutien aux minorités, en
particulier religieuses. (Hafez, 2006, p.19)
La France, est non seulement « protectrice du Liban », mais elle est devenue la
« seconde patrie » pour les Libanais. Hafez évoque ce fait : « La France est considérée
comme la “tendre mère” ou la “seconde patrie”. Ce lien franco-libanais est perpétué
par la “rhétorique de l’amitié” des acteurs politiques (français et libanais), symbolisé
par la francophonie et ravivé régulièrement au cours d’actions diplomatiques,
politiques et militaires de la France au Liban ». (Hafez, p.2)
Par ailleurs, Ophélie Durouchoux met l'accent sur un élément essentiel qui a
effectivement revivifié la francophonie :
C’est le tandem Hariri-Chirac des années 90 et l’image de cette « amitié
personnelle » qui marqua le renouveau du lien franco-libanais. Celui-ci
fut relancé par le biais d’une coopération culturelle, scientifique et
technique ainsi que de nombreuses aides financières débloquées par la
France pour aider le Liban. (Durouchoux, 2009)
Et récemment, avec l'arrivée d'un grand effectif d'émigrés, essentiellement
chiites, on assiste à un taux élevé d'usage du français et à une importante demande
d'enseignement de cette langue dans la région du sud. Ce constat est rappelé par Solé
(2007) : « Ces dernières années, la francophonie a reçu un nouvel élan grâce au retour
d'émigrés chiites d'Afrique et aux nombreux étudiants libanais de toutes confessions
disséminés dans les universités de France, Belgique et du Canada ». Outre le retour
des émigrés francophones chiites au pays, Robert Solé, dans son article « Le Liban
entre deux langues », dégage une autre raison qui explique le nouvel élan de la
francophonie au Liban : « Les relations entre Paris et Beyrouth se sont intensifiées en
septembre 2006, par la signature d’un Mémorandum de Coopération, qui annonçait
une “ réflexion en commun ˮ sur les questions d’aménagement urbain, de protection et
de valorisation du patrimoine architectural ».
En 2009, Beyrouth accueille les jeux de la francophonie. Cet événement
intéresse aussi bien les jeunes que les adultes. Il s'agit donc d'une nouvelle porte qui
s'ouvre devant la jeunesse libanaise vers la francophonie. Tous ces faits sont signe de
vitalité et de bonne santé.
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Mais comment se traduit concrètement la francophonie au Liban ?
Au Liban, on observe une propagation de la francophonie à travers de
multiples associations, organisations, centres, mouvements et activités culturelles,
recherches et colloques. Parmi ces manifestations culturelles, on ne peut passer sous
silence le neuvième sommet de la francophonie qui a eu lieu au Liban en 2002.
L'accueil de ce sommet est d'une grande importance pour ce pays.
Le neuvième sommet de la francophonie s'est déroulé à Beyrouth, a eu pour
thème ''le dialogue des cultures'', et a rassemblé plus de cinquante chefs d'état. À ce
propos, Toufik Abichaker avance :
Rien d'étonnant d'ailleurs que le Liban ait choisi ce thème. Le dialogue des
cultures a une résonance toute particulière au pays du Cèdre : creuset de
civilisation, terre de refuge, le Liban s'était fait champion de la
cohabitation entre religions, langues et cultures. Il en a tiré sa prospérité
d'antan ainsi que sa grande ouverture sur les deux mondes musulman et
occidental, mais il a aussi payé par descente aux enfers le prix de sa
différence. (Abichaker, 2011)
Le Liban est le seul pays arabe où a eu lieu un sommet de chefs d'état et de
gouvernements qui ont le français en commun. D'une part, ce sommet a une plus-value
symbolique ; le Liban a accueilli, après les guerres et pour la première fois, un sommet
inter-gouvernemental. Par cette confiance qui lui est accordée, le Liban en profite pour
réaliser une nouvelle ouverture au monde. Il relève un défi « d'acteur-animateur de la
francophonie régionale ». Et d'autre part, ce sommet se veut un pont pour redynamiser
et « relancer » la francophonie dans cette région du monde, où le Liban est le seul pays
capable de soutenir ce but. En effet, le Liban est apte à renouveler une francophonie
réelle et vivante grâce à sa spécificité et son histoire francophones.
Dans la revue Le Point, en 2000, on parlait d'« une chance pour la francophonie
au Liban » :
Le Liban constitue bien une chance pour la Francophonie d'affirmer et de
renforcer la dimension politique qu'elle s'est récemment assignée. Compte
tenu de sa position tout à fait originale, à la fois au sein du mouvement
francophone et au cœur du thème choisi pour le sommet, cela constituera
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un atout de plus pour le pays en complément de ses fonctions
traditionnelles de place économique et financière du monde Arabe.
1Quant aux centres et institutions, il existe de nombreux établissements culturels
francophones qui sont implantés au Liban, dans une ambition de dialogue, et qui
jouent le rôle d'acteurs de la politique de coopération de la France.
Dans le même article, on met l’accent sur le rôle que peut jouer le Liban au
service de la francophonie :
Le monde francophone ne peut rêver meilleur Ambassadeur que le Liban
pour le représenter, dans la région et bien plus loin à travers ses émigrés
des quatre coins du monde, tant il est un modèle de mobilité et de
flexibilité, attributs devenus d'authentiques atouts que la dureté de
l'Histoire a bien voulu lui transmettre comme récompense à ses
souffrances et ses sacrifices. Le choix du pluralisme linguistique à travers
le trilinguisme est à la fois une résultante et une illustration évidente de
ces qualités encore plus utiles à l'heure de la mondialisation.
La diaspora libanaise à travers le monde, en dehors du pays natal des Libanais,
se sert de son identité francophone, et ils participent à leur tour à la propagation de
celle-ci. Il nous précise que le nombre des Libanais francophones en dehors du Liban
est au moins égale au nombre des Français expatriés. La notion de la Francophonie
libanaise est une notion plus large et plus interactive que l’approche de la seule
Francophonie au Liban.
2Les acteurs libanais ont la conviction que le dialogue des civilisations peut être
assuré par le biais de la francophonie. Et éventuellement, le dialogue favorise
l'élaboration des projets de développement et d'échanges ; il a donc un impact sans
égal, aussi bien sur la vie politique, qu’éducative, linguistique et sociale, au Liban et
dans la région. Cela rejoint l'idée formulée par Dr. Issam Khalifé au colloque
d'Antélias :
1 LE POINT, « L’état de la francophonie au Liban », 2001, <http://www.libanvision.com/francoliban.htm>, consulté le 12 mai 2011.