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Libéralisation des chemins de fer dans l’Union Européenne

4 Expérience Internationale

4.2 L’expérience de l’Union Européenne en matière de libéralisation du transport ferroviaire

4.2.1 Libéralisation des chemins de fer dans l’Union Européenne

L’arsenal juridique de l’UE en matière de libéralisation des chemins de fer définit le cadre suivant:

Tableau 22: Cadre de libéralisation des chemins de fer dans l’UE Composante du

cadre

Description de la Composante du cadre dans le contexte de libéralisation des chemins de fer dans l’UE

Séparation des infrastructures et des opérations

Il appartenait à chaque réseau ferroviaire de séparer les opérations soit en organisant des départements distincts au sein d’une seule entreprise, soit en disposant d’entités séparées afin de gérer les infrastructures.

Pas de discrimination d’accès aux

infrastructures

Garantie de l’absence de discrimination d’accès aux infrastructures et création d’un organe indépendant de réglementation des chemins de fer.

Transparence Des comptes profit et perte ainsi que des bilans séparés des gestionnaires des infrastructures sont publiés afin de s’assurer que les usagers puissant vérifier la concordance des tarifs et frais avec les coûts réels. L’idée est que l’opérateur de la voie fait payer à l’opérateur de train un frais transparent pour qu’il fasse circuler ses trains sur le réseau, et que toute autre personne puisse aussi faire circuler des trains dans les mêmes conditions (accès libre).

Ouverture au marché international

Possibilité pour des opérateurs étrangers de gérer le trafic de fret national. Mais ils doivent suivre les procédures de communication et de sûreté définies dans le pays hôte (voir plus tard la section sur l’interopérabilité). On s’attend à ce que la libéralisation sur le marché des voyageurs soit obligatoire en 2019.

Règlementation conjointe

Des réglementations conjointes relatives à l’autorisation du personnel des locomotives et des trains s’agissant aussi bien du trafic voyageurs que du fret (par ex. Licences pour les conducteurs de locomotive) sont établies ainsi que des réglementations relatives aux droits des voyageurs et des normes minimales de qualité dans les accords entre les compagnies ferroviaires et la clientèle du fret, entre autres sujets.

Source: ALG Avant qu’un opérateur de train ne fournisse des services de fret ferroviaire dans n’importe quelle partie du réseau ferroviaire européen, il doit obtenir une licence d’exploitation et une licence de sûreté, il doit se procurer ou arranger l’utilisation de locomotives et de wagons adéquats et approuvés, recruter ou louer les services de conducteurs disposant de compétences et qualifications nécessaires et négocier les droits d’accès au réseau concerné. Pour le trafic international, l’opérateur doit prendre les dispositions susmentionnées pour chaque partie du réseau européen qu’il souhaité exploiter.

De nouveaux venus dans le secteur privé estiment souvent qu’il est gênant et coûteux de passer par les processus compliqués que requièrent certains Etats membres afin de permettre l’exploitation de leurs voies. Les frais d’accès à la voie varient entre les Etats membres et il existe des exemples de structures de frais qui défavorisent les nouveaux venus ou les petits exploitants.

Obtenir des droits d’accès à une voie ferrée peut être difficile là où le gestionnaire des infrastructures qui affecte les trajets dépend de la même entité que l’opérateur de train national qui peut user de manœuvres pour bloquer l’accès à son concurrent ou prendre des mesures commerciales dissuasives.

La plupart des entraves à l’entrée et les contraintes opérationnelles indiquées ci-haut résultent clairement de l’inadéquation ou de la mise en œuvre incomplète des directives relatives au libre accès.

Cependant, ces barrières traduisent les difficultés qui peuvent surgir dans la réglementation d’un régime de libre accès. Il est juste de dire que les exemples européens démontrent qu’il y a encore du chemin à faire afin parvenir à la libéralisation totale à travers le continent et qu’il n’existe pas de modèle unique qui s’adapte à toutes les situations.

4.2.2 France

La Compagnie nationale française qui appartient à l’Etat (Société Nationale des Chemins de Fer Français - SNCF) est l’un des premiers groupes d’Europe en matière de transport terrestre et comporte plus de 640 sociétés affiliées. C’est une entreprise entièrement publique avec un objectif industriel et commercial et un haut degré d’indépendance dans son activité de transport.

Afin de s’adapter aux règles de l’UE, le gouvernement français a créé le Réseau Ferré de France (RFF).

En conséquence, la SNCF est demeurée en charge des opérations relatives au rail tandis que le RFF assumait l’autorité des investissements, la gestion et le développement des infrastructures des chemins de fer nationaux.

Bien la SNCF paye au RFF des frais d’accès à la voie pour l’utilisation de ses infrastructures, la gestion et l’entretien des infrastructures ferroviaires sont délégués par le RFF à la SNCF. Par conséquent, la SNCF reste en pratique dans une très forte position en tant que gestionnaire du réseau, avec la responsabilité d’affecter les trajets de train et d’approuver les nouveaux opérateurs.

Dans ce contexte, de nombreuses sources industrielles se plaignent que la SNCF maintient toujours une position prédominante sur le marché du fret et qu’elle manque d’approche commerciale et d’efficience escomptées par le secteur privé. Le total du fret transporté par rail sur les voies ferrées en France était de 32.552 millions de t/km en 2012. Ceci est inférieur à 30% des volumes de fret transportés en Allemagne et le rail est en train de perdre lentement mais régulièrement en part de marché en France.

Une caractéristique intéressante concerne l’acquisition par la SNCF de Geodis l’opérateur en transport routier et en logistique ; ce qui permet à l’opérateur du rail de fournir tous les services le long d’une chaîne de logistique.

L’activité de transport de la SNCF est en grande partie orientée vers les voyageurs. Les recettes tirées de l’activité du transport des voyageurs représentent environ 60% du total des recettes de la SNCF et le fret environ 11%. Le reste des recettes provient de la fourniture de services liés aux infrastructures et à l’exploitation des atouts et du savoir-faire de la SNCF. L’Etat français et les administrations régionales apportent chaque année une très forte contribution au fonctionnement de la SNCF au titre des compensations pour le service des voyageurs.

Le développement de train à grande vitesse en France exige des investissements substantiels, et la tendance est toujours en cours. Les projets récents comprennent les PPP, et les régions (provinces) sont encouragées à contribuer à l’augmentation de l’accessibilité au transport. Un changement adopté récemment permet maintenant que le matériel roulant des services régionaux appartienne entièrement à la région.

Une institution spécialisée dans les investissements infrastructurels (AFITF) a été créée afin de redistribuer les ressources émanant des taxes et des budgets gouvernements consacrés aux infrastructures à travers des différents modes. Un système de quota visant à redistribuer 70% du montant total au développement des chemins de fer. Puisque le système d’autoroutes a fait l’objet de contrats PPP, le niveau des péages collectés paraissait inférieur à celui escompté. Le nouveau système de péage électronique de HGV (Ecomouv’) permettra de transférer la plupart de ses rentrées fiscales à AFITF, augmentant ainsi ses ressources pour mieux évaluer la concurrence déloyale des autoroutes.

Cependant, le système de péage électronique souffre actuellement d’ingérences politiques.

Table 23: Principaux traits du Réseau ferroviaire de la France Infrastructures

Voie 29.286 (km)

Ecartement de la voie Normal Performance

Densité du trafic voyageurs 32.872 (voyageurs par an / km) Densité du trafic du fret 4.438 (tonnes par an / km)

Productivité des employés 0.71 (m tonne-km +m voyageurs-km / employés)

Source: sur la base des données de la Banque mondiale

4.2.3 Allemagne

Le réseau ferroviaire allemande, le plus vaste en Europe, bénéficie à la fois des nombres élevés de voyageurs et de la densité du fret. Les coûts lies aux infrastructures sont en grande partie couverts par les subventions de l’Etat (80%), tandis que les frais d’accès servent à financer les opérations et l’entretien. La Compagnie allemande des chemins de fer (Deutsche Bahn AG ou DB) a été créée en janvier 1994 en tant qu’une société par actions appartenant entièrement à l’Etat. Elle réunissait l’entité des infrastructures et des actifs des anciennes compagnies ferroviaires de l’Allemagne de l’Est et l’Ouest. Pour se conformer aux règles de l’UE, la DB AG a créé la succursale DB Netz AG afin de gérer le réseau sur une base commerciale. DB Netz impose des commissions d’accès aux usagers du réseau, y compris la DB AG et d’autres opérateurs de transport.

En 1999, la DB AG a été transformée en une société de portefeuille, la Deutsche Bahn Gruppe (Groupe Allemand de Chemins de Fer), sous laquelle cinq succursales ont été créées à savoir : Infrastructures, Trafic Voyageurs, Trafic Fret, Gares Voyageurs et Propriété. Dès lors, les infrastructures et les opérations se trouvent au plan fonctionnel sous l’autorité d’une même haute direction et sous le contrôle du gouvernement.

Conformément à la législation allemande, le Gouvernement fédéral finance la construction et le remplacement des lignes de chemin de fer. De plus, les administrations régionales ou des tierces parties peuvent promouvoir les investissements et la DB AG peut aussi mobiliser des ressources sur le marché des capitaux pour financer des projets d’investissement dans lesquels elle a des intérêts. Dans le cas des investissements faits conformément aux intérêts commerciaux de la DB AG, la DB Netz doit payer les coûts d’amortissement annuels des lignes de chemin de fer financées par le gouvernement fédéral.

Pour tous les autres investissements, les paiements relatifs à l’amortissement seront réduits ou complètement éliminés.

La DB demeure essentiellement une Compagnie ferroviaire verticalement intégrée où l’opérateur titulaire est horizontalement séparé par des activités commerciales, c.à.d. les infrastructures, le trafic voyageurs, le trafic de fret, les gares de voyageurs et la propriété. Néanmoins bien que certaines questions relatives à la prédominance de la DB sur le marché soient parfois mentionnées, l’Allemagne est l’un des pays européens qui soit le plus ouvert aux nouveaux venus et il est de loin le plus grand marché ferroviaire dans l’UE avec plus de 110 milliards de t/km transportées en 2012.

De façon intéressante, la DB a été la première à établir un partenariat avec et à éventuellement acquérir Shenker, un opérateur majeur dans le transport routier et la logistique. Les opérations de fret de la DB et de Shenker sont totalement intégrées et fournissent la gamme complète des services de logistique. Par ailleurs, cela a permis à la DB d’être présente sur de nombreux marchés européens.

Table 24: Principaux traits du Réseau ferroviaire de l’Allemagne Infrastructures

Voie 34.218 (km)

Ecartement de voie Normal

Performance

Densité du trafic voyageurs 52.177 (voyageurs par an / km) Densité du trafic de fret 8.037 (tonnes par an / km)

Productivité des employés 0.71 (m tonne-km +m voyageurs-km / employés)

Source: ALG sur la base des données de la Banque mondiale

4.2.4 Espagne

L’écartement anormal de voie du réseau ferroviaire de l’Espagne induit historiquement la faiblesse du trafic international et des implications à terme.

Cadre institutionnel

L’opérateur public espagnol (Renfe) est le résultat de l’arsenal des procédures européennes en matière de libéralisation. Trois différents organes sont ainsi apparus, à savoir :

Administrador de Infaestructuras Ferroviarias (ADIF) est une société d’Etat qui gère toutes les infrastructures ferroviaires au nom de l’Etat; ses tâches comprennent les autorisations et l’affectation des trajets. L’investissement dans les chemins de fer est financé par le gouvernement et le rôle d’ADIF est de gérer et d’assurer l’entretien des rails. A l’opposé d’autres pays européens, ADIF gère les gares et les terminaux de fret, avec son propre personnel et à travers l’externalisation. ADIF est réputée pour sa mauvaise et inefficiente gestion des terminaux de fret, et ceci est souvent cité comme l’une des principales lacunes qui expliquant la baisse du trafic de fret en Espagne.

Renfe Operadora est l’opérateur des chemins de fer. Il n’a pas de concurrent sur le marché des voyageurs, bien qu’un petit nombre de nouveaux venus sur le marché du fret (sociétés privées ou créées par les administrations régionales) aient émergé. Le département du fret de Renfe Operadora s’est affiné pour la rendre plus orientée vers le marché. Des sources industrielles se plaignent de ce que le département de fret bénéficie d’une aide indirecte de l’Etat. Ainsi, l’inefficience du département de fret de Renfe rend les chemins de fer peu attrayants pour les chargeurs mais, en même temps, et qu’il peut offre d’importantes ristournes, il empêche les opérateurs privés de se développer sur le marché.

Comité de Regulación Ferroviaria (CRF). C’était théoriquement le régulateur indépendant des chemins de fer. En fait, c’était une unité au sein du Ministère en charge du transport (Ministerio de Fomento).

Tous les trios organes étaient placés sous le contrôle du Ministère des travaux publics (Ministerio de Fomento). Les conseils d’administration d’Adif et de Renfe sont remplis de personnes nommées politiquement et provenant de différents ministères et les Présidents sont directement nommés par le Ministre. Cependant, le CRF était présidé par un haut fonctionnaire avec moins d’influence politique et constituait le maillon le plus faible du système. En pratique, les trois organes quoique techniquement indépendants, étaient sous contrôle politique strict et sous la subordination fonctionnelle du même ministère.

En 2013, le Gouvernement espagnol a approuvé la réorganisation de tous les organes de Reglémentation, qui sont regroupés en une seule Comisión Nacional de Mercados y Competencia (Commission relative à la Concurrence et des Marchés), avec une indépendance plus clairement définie vis-à-vis du gouvernement. De plus, l’ADIF est scindée en deux compagnies, l’une pour les infrastructures relatives au train à grande vitesse (TGV) et l’autre pour les chemins de fer conventionnels. En dépit de ces réorganisations, l’Adif et le Renfe restent sous le même contrôle politique.

La question de l’écartement

L’écartement de la voie en Espagne est de 1,668 mm, c.à.d. plus large que l’écartement normal de 1,435 mm. Le Portugal a le même écartement de 1,665 mm. Ainsi, un transbordement est nécessaire à la frontière française pour tous les trains de voyageurs et de fret. Les technologies destinées à changer les essieux à la frontière et les véhicules qui puissant changer la largeur de l’essieu automatiquement sont développées mais elles impliquent des coûts d’exploitation supplémentaires. Le trafic international souffre de cette lacune et, ainsi, le fret est le plus souvent transporté par la route à travers la frontière.

En 1992, la première ligne de TGV entre Madrid et Séville a été inaugurée. Une décision a été prise qu’elle sera construite avec un écartement normal comme c’est le cas depuis lors pour toutes les nouvelles lignes de TGV. La logique qui sous-tend cela, est que les nouvelles lignes de TGV (à écartement normal) seront consacrées aux voyageurs tandis que les vieilles lignes (écartement ibérique) seront réservées au frêt. Ramener cette logique à ses conséquences définitives impliquera d’énormes coûts qu’il est couramment accepté maintenant que cela n’arrivera jamais.

Cependant, cette décision a abouti à des problèmes d’interopérabilité apparaissant en Espagne, non seulement à la frontière. Les trains qui utilisent des lignes à grande vitesse n’ont pas pu continuer leur voyage à destination finale sur des voies conventionnelles comme c’est le cas en Europe. Pour résoudre ce problème, des gares de changement d’écartement doivent être construites, le matériel roulant adapté aux différents écartements et plus récemment, trois pistes sont construites. Tous ces éléments sont des infrastructures supplémentaires imprévues et les coûts opérationnels qui compensent tous les avantages escomptés de la mise en œuvre de l’écartement normal.

La présente situation a créé une série de contraintes techniques qui entravent la croissance du trafic de fret. En guise d’exemple, les trains de marchandises peuvent opérer sur des lignes à écartement normal ou à écartement ibérique du Nord de Barcelone à la frontière française (170 km). Mais les trains en provenance de la France ne peuvent pas opérer sur des lignes à écartement normal au Sud ou à l’Ouest

de Barcelone; ils ne le pourront qu’avec un écartement ibérique, ce qui rend le transbordement nécessaire.

Table 25: Principaux traits du Réseau ferroviaire de l’Espagne Infrastructures

Voie 14.484 (km)

Ecartement de la voie Ecartement ibérique Performance

Densité du trafic voyageurs 42.163 (voyageurs par an / km) Densité du trafic de fret 2.071 (tonnes par an / km)

Productivité des employés 1,71 (m tonne-km +m voyageurs-km / employés)

Source: ALG based on la Banque mondiale data