• Aucun résultat trouvé

5.2.4 Arrangement cristallographique

5.2.7. Liaisons chimiques à l’interface Si/MoCr

Enfin, après avoir évalué les caractéristiques structurales des couches dans leur épaisseur, nous nous sommes intéressés à la nature chimique de l’interface entre le substrat et le film, afin de permettre une meilleure connaissance de la transition entre Si et MoCr, dont la

nature des liaisons chimiques peut avoir un impact sur l’adhérence des couches ainsi que sur leur capacité à être gravées dans le cadre d’applications par ingénierie de contraintes (voir § 5.1.). Dans ce but, nous avons réalisé des analyses par spectroscopie de photo-électrons X (XPS, pour X-ray Photoelectron Spectroscopy), couplée à de l’érosion ionique afin de déterminer l’emplacement de l’interface pour en évaluer la nature chimique.

Ces analyses ont été effectuées sur un échantillon déposé au potentiel flottant, à une pression d’argon de 6,7 Pa, en l’absence de puissance RF dans la spire. L’épaisseur du film correspondant était d’environ 7 nm.

Des séquences successives d’érosion ont été réalisées par bombardement de la surface de l’échantillon sous balayage d’un faisceau d’ions argon, dont les caractéristiques étaient les suivantes :

- Le courant de chauffage du filament, source d’électrons, était de 1,49 A, correspondant à un courant d’émission électronique de 15 mA.

- La pression d’argon était de 5,6 µPa. - L’accélération des ions était de 4,3 keV.

- Le courant ionique correspondant sur l’échantillon était de 800 nA.

- La taille de la zone érodée résultante, sur l’échantillon, était d’environ 1 mm², sachant que la taille de la zone analysée est de 0,3 x 0,7 mm².

Après chaque séquence d’érosion, les divers éléments analysés étaient le Mo (pic 3d 5/2), le Cr (pic 2p 3/2), le C (pic 1s), le O (pic 1s) et le Si (pic 2p). Les valeurs de positions de pics présentées sont déduites d’ajustements des spectres (« fits ») effectués systématiquement après soustraction du fond continu. En outre, les énergies de liaison avaient été étalonnées de manière absolue (calibration en position et en dispersion) sur les pics de l’Au 4f 7/2 et du Cu 2p 3/2. Les énergies de liaison théoriques présentées sont tirées du Handbook of X-Ray Photoelectron Spectroscopy [Mou 1995].

La fig. 5.23. expose l’évolution des concentrations des différents éléments contenus dans le film en fonction de la profondeur d’érosion. La profondeur d’érosion a été évaluée en considérant le maximum de concentration en O comme représentant l’interface ; 32 séquences ayant été nécessaires pour atteindre ce point, il a été considéré que ce nombre correspondait aux 7 nm d’épaisseur de la couche d’origine. Dans la mesure où les concentrations des divers éléments évoluent très peu avant 4,6 nm d’érosion et après 11,6 nm, seules les concentrations entre ces deux instants sont représentées.

Fig. 5.23. Evolution de la concentration des divers éléments du film en fonction du temps d’érosion de celui-ci.

La diminution de la concentration en Mo et en Cr, associée à l’accroissement des concentrations en Si et en O, à partir de 6,1 nm d’érosion, est caractéristique de l’interface. En effet, l’augmentation du taux de Si est due à l’apparition du signal lié au substrat et celle de l’O représente l’oxyde natif de silicium présent sur le substrat.

Cette dernière assertion est confirmée par les spectres présentés sur la fig. 5.24., qui expose les variations de l’énergie de liaison du pic de Si 2p en fonction de la profondeur d’érosion. Ces spectres présentent, entre 6,3 et 7,9 nm, l’apparition d’un pic, aux alentours de 103 eV, caractéristique de l’oxyde de silicium.

La fig. 5.25., présentant l’évolution de l’énergie de liaison du pic d’O 1s en fonction de la profondeur d’érosion, corrobore les observations faites sur la fig. 5.24. concernant la présence de l’oxyde de silicium.

Jusqu’à 6,1 nm d’érosion, ce pic se situe à environ 530,6 eV, position caractéristique des oxydes de chrome et de molybdène (530,7 eV pour le MoO2, 530,4 eV pour le MoO3,

531,0 eV pour le Cr2O3 et 530,2 eV pour le CrO3). Le déplacement du pic vers 532,6 eV entre

6,3 nm et 7,2 nm est caractéristique de la liaison SiO2, et correspond à l’augmentation du taux

d’O observée sur la fig. 5.23..

La fig. 5.26., présentant les variations de l’énergie de liaison du Cr 2p, corrobore la présence d’oxydes de chrome entre 5,7 et 6,1 nm d’érosion : les pics correspondant présentent une composante aux alentours de 577 eV, et les positions relatives aux oxydes Cr2O3, CrO2 et

-10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 4,6 5,6 6,6 7,6 8,6 9,6 10,6 11,6 Profondeur d'érosion (nm) Concentration (%) cr2p o1s c1s mo3d si2p

CrO3 sont respectivement 576,9, 576,3 et 578,3 eV. En outre, le déplacement des pics à partir

de 7,2 nm d’érosion, de 574,4 eV (Cr métallique) à 574,0 eV, est caractéristique de la présence de siliciures de chrome (CrSi2) à l’interface. En effet, ce déplacement se situe au-

delà du maximum de concentration en O (fig. 5.25.), c’est-à-dire en-dessous de la couche d’oxyde natif. Cet effet est confirmé par la présence de siliciures de molybdène, comme le montre la fig. 5.27.

Cette figure, présentant les variations de l’énergie de liaison du Mo 3d en fonction de la profondeur d’érosion, met ainsi en évidence le déplacement de ce pic à partir de 7,6 nm d’érosion, de 227,9 eV (Mo métallique) à 227,5 eV (MoSi2). En revanche, la présence

d’oxydes de Mo n’est pas aussi flagrante que celle des oxydes de Cr. En effet, les pics du Mo 3d correspondant au MoO2 et au MoO3 sont censés se situer respectivement à 229,3 et 232,6

eV, et leur contribution au pic Mo 3d est nettement moins évidente que dans le cas du Cr. Cependant, une certaine réserve est émise quant à l’interprétation de ces résultats, dans la mesure où la formation de siliciures observée en-dessous de la couche d’oxydes pourrait provenir de l’effet du bombardement ionique utilisé pour éroder le film. En effet, celui-ci, en brisant les liaisons Si-O de la couche d’oxyde natif, pourrait résulter en des réactions chimiques entre le Si et les éléments métalliques Cr et Mo.

En outre, selon plusieurs études, la phase MoSi2 ne se forme qu’en présence d’un

apport d’énergie conséquent par recuit [Sch 1979, Cai 1994] ou par bombardement ionique [Gon 2005]. Cependant, certaines études [Mau 2006] mentionnent la formation de MoSi2 à l’interface Mo/Si

dans des structures multicouches déposées par pulvérisation magnétron en décharge d’argon, en l’absence de chauffage ou de polarisation du substrat, donc dans des conditions énergétiques peu intenses. La formation de siliciures de molybdène à l’interface film/substrat est donc possible, mais nous ne pouvons statuer avec certitude sur son existence dans le cas du film étudié présentement.

Enfin, la fig. 5.28. montre les variations de la position du pic de C 1s en fonction de la profondeur d’érosion. Ce pic, localisé à environ 282,7 eV, correspond à la formation de liaisons entre le carbone de pollution et le molybdène (Mo2C à 282,7 eV) et/ou le chrome

Fig. 5.24. Evolution de l’énergie de liaison du pic de Si 2p en fonction de la profondeur d’érosion.

Fig. 5.25. Evolution de l’énergie de liaison du pic d’O 1s en fonction de la profondeur d’érosion.

541 540 540 539 538 537 537 536 535 535 534 533 533 532 531 530 530 529 528 528 527 526 526 525 524 523